Des députés bayrouistes en peau de chagrin (09 mai 2007)

medium_morincomparini.jpgFrançois Bayrou avait raison : l'élection présidentielle peut effectivement être l'occasion d'une recomposition du paysage politique français. Sauf que, non élu, cette recomposition risque de s'organiser à ses dépens. Sur les trente parlementaires UDF sortants, seule une poignée n'a pas encore rallié la nouvelle majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. La rupture entre François Bayrou et ses élus s'est effectuée en plusieurs temps.

Le 4 octobre 2006, un premier député UDF, Pierre-Christophe Baguet, annonce qu'il soutiendra Nicolas Sarkozy. "Homme libre au sein de l'UDF, j'entends être un homme libre aux côtés de Nicolas Sarkozy", affirme l'élu de Boulogne-Billancourt. Les 10 et 11 octobre 2006, Pierre-Christophe Baguet est exclu du groupe UDF de l'Assemblée nationale puis suspendu du parti. Il demeure toutefois président du groupe UDF et apparenté au conseil général des Hauts-de-Seine.

Le 11 février 2007, le second député UDF des Hauts-de-Seine, André Santini, apporte à son tour son soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy. "Je ne rallie pas un parti, je rallie un homme, je rallie un projet, explique le maire d'Issy-les-Moulineaux. Je demeure libre dans un parti qui se dit libre." Dix jours plus tard, André Santini est suspendu de l'UDF.

Les proches de François Bayrou ne s'inquiètent alors pas de ces défections et insistent sur l'"effet Hauts-de-Seine", dont Nicolas Sarkozy préside le conseil général. André Santini et Pierre-Christophe Baguet ont en outre en commun d'être issus de la même ancienne composante de l'UDF, le Parti social-démocrate, qu'ils ont relancé le 24 janvier 2007 sous le nom de Cercle démocrate, républicain et social. Au même moment, Christian Blanc se rapproche également de Nicolas Sarkozy, mais le député n'est pas membre de l'UDF : il n'est qu'apparenté au groupe parlementaire.

Jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle, dopée par les bons sondages, la maison Bayrou reste donc en ordre de bataille. Rien à voir avec ce qui s'était passé en 2002, lorsqu'une petite moitié des parlementaires UDF avaient soutenu dès le premier tour la candidature de Jacques Chirac. En aparté, les proches de François Bayrou se déclarent même "soulagés" par le ralliement, le 31 mars, de Gilles de Robien à Nicolas Sarkozy, tant ils craignaient que le ministre de l'éducation nationale ne contrarie l'offensive de François Bayrou au sein de l'électorat enseignant.

Les murs de l'UDF commencent toutefois à trembler au soir du premier tour. Dès 22 h 20, des parlementaires UDF appellent dans un communiqué "à se rassembler autour de la candidature de Nicolas Sarkozy" : "C'est une chance, pour nous, UDF, de défendre nos valeurs au sein d'une nouvelle majorité présidentielle, unie et forte de sa diversité", écrivent-ils. Figure parmi les signataires, outre le suppléant de Gilles de Robien (Olivier Jardé), Francis Hillmeyer, seul député alsacien resté fidèle à l'UDF en 2002. Finalement, entre les deux tours, la quasi-totalité des députés UDF annoncent qu'ils voteront, contrairement à François Bayrou, pour le président de l'UMP : Pierre Albertini (maire de Rouen), Nicolas Perruchot (maire de Blois), Maurice Leroy (président du conseil général du Loir-et-Cher), François Sauvadet, Hervé Morin, Charles de Courson...

Avec l'élection, dimanche, de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, et alors que les candidatures pour les élections législatives de juin doivent être déposées entre le 14 et le 18 mai, l'heure du choix a sonné pour les députés UDF sortants. Ou bien rejoindre Gilles de Robien et André Santini au sein du futur "pôle centriste" de la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. Un choix déjà fait par des députés très proches de François Bayrou comme Hervé Morin, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, François Sauvadet, porte-parole de l'UDF, ou Maurice Leroy. Ou bien préparer l'élection présidentielle de 2012 autour de François Bayrou en participant, jeudi, à la fondation d'une nouvelle maison : le Mouvement démocrate. Au risque d'affronter, au premier tour des législatives, à la fois le PS et l'UMP. Et, en raison du mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, de devoir de toute façon nouer une alliance avec l'un ou l'autre entre les deux tours.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 09/05/2007

17:15 | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |  Imprimer | |