Réforme des institutions (23 avril 2008)

[reprise de la note publiée par erreur à l'état de brouillon ]

210798854.jpgLe conseil des ministres a adopté ce mercredi le projet de loi constitutionnelle dit "de modernisation des institutions de la Ve République". Examiné par le Parlement à partir du 20 mai (avec une réunion probable du Congrès le 7 juillet), il s'agit d'un projet de révision bâtard, entre le statu quo institutionnel et l'instauration d'un régime présidentiel comme le proposaient à un moment Nicolas Sarkozy et, surtout, François Fillon.

Si le renforcement des pouvoirs du Parlement (partage de l'ordre du jour entre le gouvernement et le Parlement, limitation des cas de recours à la procédure de l'article 49 alinéa 3, etc.) ne fait pas vraiment débat entre la majorité et l'opposition, c'est dans la définition des rôles du président de la République et du premier ministre que tout se joue.

Nicolas Sarkozy a donc renoncé à véritablement inscrire dans les textes sa pratique présidentialiste d'un président entouré de "collaborateurs", indifféremment membres du gouvernement (premier ministre compris) ou conseillers de l'Élysée. À quoi bon, doit-il en effet se dire, porter en politique intérieure le flanc aux accusations de trahison du gaullisme qu'il subit déjà en politique extérieure, alors que l'actuelle Constitution est suffisamment souple pour en faire ce que l'on en veut. Et puis, finalement, en cas de gros temps, la présence d'un premier ministre "écran" ou "fusible" peut s'avérer fort utile !

Reste une question à régler afin que le président de la République puisse complètement prendre la place du premier ministre et gouverner : la possibilité pour lui de s'exprimer devant le Parlement. Ce sera chose faite avec la nouvelle rédaction de l'article 18 de la Constitution : le président de la République "peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès ou devant l'une ou l'autre de ses assemblées".

La suite est cependant révélatrice du caractère bâtard de la révision constitutionnelle : "Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui n'est suivi d'aucun vote". Outre, par principe, le scandale que constitue selon moi un débat sans vote dans un régime parlementaire, on touche là aux limites de l'exercice d'équilibrisme institutionnel : un président de la République qui gouverne de fait et s'exprime devant les parlementaires ...tout en étant politiquement irresponsable !

L'exposé des motifs précise certes que "cette procédure nouvelle aurait vocation à n'être mise en oeuvre que dans des moments particulièrement solennels de la vie de la nation". Mais, alors, de deux choses l'une. Soit Nicolas Sarkozy s'en tient à la pratique antérieure en la matière, à la seule différence qu'il ne fait plus lire des messages mais qu'il vient directement s'exprimer devant les parlementaires. Bref, cela aura été beaucoup de bruit pour rien. Soit Nicolas Sarkozy fait un pas de plus vers un régime présidentiel en usant et abusant de cette possibilité. Dans ce dernier cas il faudra bien un jour ou l'autre en tirer toutes les conséquences institutionnelles.

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