De la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (02 juin 2008)

275826431.jpgActuellement, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) comprend deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du parquet. Examinons leur composition actuelle.

 

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du siège :

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du parquet :

  

Examinons, maintenant, ce que prévoit le projet de loi constitutionnelle (telle qu'amendé en première lecture par les députés) :

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du siège :

 

Formation compétente à l'égard des magistrats du parquet :

 

Que penser de ces changements ?

La plupart des commentaires sur cette réforme concerne le nombre de magistrats et de non-magistrats qui siègent au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) : il me semble ainsi tout à fait anormal que les magistrats soient minoritaires au sein du CSM. Un autre point me semble toutefois plus important.

Le problème de fond vient de la non-séparation des magistrats du siège et du parquet, qui, historiquement, appartiennent en France à un corps unique. Le rôle des uns et des autres est pourtant fondamentalement différent : les magistrats du siège jugent; les magistrats du parquet représentent le ministère public, c'est-à-dire l'État. Quelle conséquence ?

Tout d'abord, les magistrats du siège doivent - indépendance des pouvoirs oblige - être indépendants des pouvoirs politiques, exécutif et législatif. Or, tout pouvoir procédant en démocratie du peuple, les magistrats du siège (= les juges) doivent en outre être élus. Sinon, nous ne sommes plus dans une logique démocratique mais dans une logique corporatiste. Nous pouvons faire ce dernier choix, mais alors assumons-le. Notons d'ailleurs que la Constitution de 1958 botte en touche en ne parlant pas de "pouvoir judiciaire" mais seulement d'"autorité judiciaire".

Ensuite, les magistrats du parquet, porte-parole de la politique judiciaire du gouvernement (= les accusateurs), doivent, à l'inverse, être logiquement placés sous l'autorité hiérarchique du ministre de la Justice.

 

Reste à savoir qui doit être le garant de l'indépendance des magistrats du siège. L'article 64 de la Constitution dispose que "le président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire (...) assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature". Tant que cette mention n'est pas supprimée (ce que ne prévoit pas - contre toute logique - la révision constitutionnelle), c'est donc bien au président de la République de présider le CSM (en revanche, le ministre de la Justice n'a en effet surtout pas à le suppléer dans la formation compétente à l'égard des magistrats du siège)*.

 

En résumé, pour instituer en France un véritable pouvoir judiciaire (mais le faut-il vraiment ?), il faudrait :

 

* le président de la République "garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire" s'inscrit dans la vision (fiction ?) gaullienne de l'Homme de la Nation au-dessus des partis (contrairement aux membres du gouvernement) et ne cadre pas avec celle de Nicolas Sarkozy, d'un président partisan qui conduit de fait la politique de la Nation

** alors que le projet de loi constitutionnelle indique que "sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut assister aux séances des formations du Conseil Supérieur de la Magistrature"

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