Aubry propose une "autre France" face à Sarkozy (30 août 2010)

La première secrétaire du PS a clos dimanche l’université de son parti en faisant valoir sa qualité de présidentiable aux côtés de Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal

 

Pour afficher l'unité du PS, rien de plus simple : il suffit de cogner, fort, sur Nicolas Sarkozy. "Incompétence et cynisme", avait lancé Ségolène Royal, vendredi, en ouvrant les universités du PS à La Rochelle. "Ce n'est pas une présidence, c'est une épreuve pour la France et les Français, a renchéri dimanche Martine Aubry dans son discours de clôture. Nicolas Sarkozy promettait la rupture, la réalité c'est la cassure."

C'est donc son idée d'"une autre France" que la première secrétaire, endossant un peu plus l'habit de présidentiable, a défendu tout au long de ces trois jours. Tout en tirant à boulets rouges sur le bilan de la droite et l'"automne difficile" qui attend selon elle les citoyens : budget "d'une austérité inouïe", réforme des retraites qui "accroît les injustices" et "ne règle pas les problèmes", pouvoir d'achat "en berne", République plus "abîmée" qu'irréprochable, insécurité qui "gagne du terrain". Sans oublier les "charters de Roms" en situation irrégulière, ou la "proposition exécrable de déchéance de la nationalité", les uns et l'autre qualifiés d'"indignes".

Reste que la perspective des primaires, qui désigneront l'année prochaine le ou la candidat(e) du PS à l'élection présidentielle de 2012, était au cœur de bien des conversations dans les couloirs. Au-delà de la querelle sur le calendrier – les strauss-kahniens souhaitant qu'elles aient lieu le plus tard possible, Ségolène Royal et François Hollande le plus tôt possible – tous les candidats supposés se sont livrés à une guerre de positions, évitant ainsi de briser l'unité et l'espoir de victoire retrouvé dans les sondages.

Parmi eux, un grand absent, Dominique Strauss-Kahn. Le mutisme du directeur général du FMI laisse la voie libre aux initiatives individuelles de ses soutiens. François Patriat, sénateur de la Côte-d'Or et président du conseil régional de Bourgogne, a lancé dès avril dernier un appel en faveur de la candidature du favori des sondages. De son côté, Pierre Moscovici a confirmé à La Rochelle que son courant, Besoin de Gauche (B2G), soutiendrait le moment venu la candidature de Dominique Strauss-Kahn. Tandis qu'un ancien cadre parisien du MoDem rallié au PS, Antonio Duarte, a créé son propre Club DSK. "L'heure est au collectif, pas aux sous-courants et aux écuries présidentielles", prévient toutefois Christophe Borgel, un des lieutenants de Dominique Strauss-Kahn au sein de la direction du parti.

Ségolène Royal, elle, a pu mesurer à La Rochelle qu'elle disposait encore d'un fort capital de sympathie chez les militants socialistes. "L'union n'a de la valeur que si chacun garde sa liberté, sinon c'est une union de façade", a-t-elle martelé en revendiquant sa "liberté de parole", sa "liberté de pensée" et sa "liberté de proposition". Sur le fond, l'ancienne candidate à l'élection présidentielle a profité de la surenchère sécuritaire à droite pour ressortir son concept d'"ordre juste", en particulier sa proposition d'un encadrement militaire des mineurs délinquants. Martine Aubry a toutefois tenu à ne pas laisser à sa concurrente potentielle le monopole de la lutte contre l'insécurité, affirmant qu'en la matière "la crédibilité a changé de camp". De quoi satisfaire un des seuls candidats déclarés à ce jour aux primaires : Manuel Valls, député et maire d'Évry (Essonne). "Pour être crédible sur l'ensemble, il faut être crédible sur la sécurité", expose l'intéressé.

Sur les questions économiques et sociales, également, les clivages internes semblent s'estomper. Sauf surprise, l'aile gauche du parti, affaiblie par la dissidence de Jean-Luc Mélenchon (fondateur du Parti de gauche), ne devrait d'ailleurs pas être représentée dans ces primaires. "La personne qui occupe le poste de premier secrétaire a vocation à être candidate à l'exécutif", explique Henri Emmanuelli… qui, à ce poste, se vit pourtant en 1995 souffler sa candidature par Lionel Jospin. Or en ce qui concerne l'orientation politique, seules des nuances différencient les sociaux-libéraux Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal ou François Hollande. Quant à Martine Aubry, si elle bénéficie d'une image plus à gauche et sociale-démocrate en raison de son passage au ministère de l'emploi et de la solidarité (la "dame des 35 heures"), elle n'a jamais signé les motions de la gauche du PS.

La première secrétaire du PS a même brisé un tabou de l'aile gauche du parti en tendant la main au centre et à la droite non sarkozyste. "Nous sommes malheureux de voir la France à ce point abîmée par une certaine droite et nous sommes désireux de la relever avec toute la gauche et, au-delà, avec celles et ceux que rassemblent une certaine vision de la nation, un amour commun de la République, un attachement à l'éthique en politique", a-t-elle avancé. Faisant ensuite référence à "une certaine idée de la France" et à "la France du général de Gaulle et de Pierre Mendès France". Presque du Bayrou ou du Villepin dans le texte.

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 30 août 2010

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