Marine Le Pen promet un "printemps de la France" en 2012 (02 mai 2011)

Le passage du témoin se poursuit à l'extrême droite, avec, dimanche 1er Mai, le premier discours de Marine Le Pen à l'occasion du traditionnel "défilé de Jeanne d'Arc" du FN. Dorénavant président d'honneur, Jean-Marie Le Pen, toujours ovationné par les militants et sympathisants, a donc dû cette année se contenter de lancer La Marseillaise de clôture.

C'est de nouveau une volonté de rupture partielle avec l'ancienne ligne du FN qu'a affichée la présidente du FN, non sans prendre des risques face à l'auditoire classique de son parti. "Qu'on soit homme ou femme, chrétien, juif, musulman ou non croyant, hétérosexuel ou homosexuel, on est d'abord Français!", a-t-elle lancé devant la statue de Jeanne d'Arc érigée place des Pyramides. Tant pis pour les militants de plusieurs fédérations (Bourgogne, Centre, etc.) qui, quelques minutes auparavant, scandaient "Islam hors d'Europe!" ou "première, deuxième, troisième génération: nous sommes tous, des mangeurs de cochon".

Malgré les consignes strictes, de nombreux militants – sans même parler du Département protection sécurité (DPS), le service d'ordre du Front – avaient le crâne rasé et arboraient les marques anglaises fétiches de l'extrême droite radicale (Doc Martens, Lonsdale, Fred Perry). Paradoxalement, si l'absence de références ethno-raciales éloigne Marine Le Pen de la mouvance "identitaire", son social-étatisme la rapproche d'un autre courant ultra, le "nationalisme révolutionnaire". Plusieurs de ses figures étaient présents, en tant que membre du FN (Christian Bouchet) ou non (Serge Ayoub, autrefois connu sous le pseudonyme "Batskin" et refondateur du mouvement Troisième Voie).

Bien que la thématique de l'immigration soit toujours présente, elle a en effet cédé le pas à un discours social dénonçant la mondialisation ou l'ultralibéralisme et à un discours souverainiste – autour de la notion omniprésente de "liberté" – contre "les instances supranationales" (Union européenne, FMI) à l'extérieur et pour une "République référendaire" à l'intérieur. Marine Le Pen n'a d'ailleurs pas hésité à reprendre un vocabulaire marxiste pour qualifier l'immigration d'"armée de réserve du capitalisme". Des propos qui s'adressaient explicitement à plusieurs catégories sociales: retraités, artisans et commerçants (cités deux fois), agriculteurs ou pêcheurs (cités trois fois), ouvriers (cités trois fois), chômeurs, fonctionnaires (cités trois fois), mais aussi classes moyennes en voie de "prolétarisation". Bref, tout le spectre des électorats traditionnels du FN, du monde de la boutique des années quatre-vingt au monde de l'atelier des années quatre-vingt-dix jusqu'aux nouvelles cibles électorales de Marine Le Pen.

La présidente du FN a en outre enrôlé dans son allocution des personnalités dont l'hommage est inhabituel à l'extrême droite: de Victor Schœlcher, père de l'abolition de l'esclavage, à Charles de Gaulle (cité deux fois), ennemi irréductible des nostalgiques du régime de Vichy et de l'Algérie française, en passant par Charles Péguy et Condorcet. Marine Le Pen n'a toutefois pas osé prononcer au micro le nom de Robespierre, pourtant mentionné dans son discours écrit, évoquant simplement "un grand révolutionnaire".

Mais qu'importe pour la fille de Jean-Marie Le Pen si elle prend à contre-pied une partie de ses troupes, puisqu'elle entend avant tout s'adresser à l'ensemble des Français dans la perspective de la présidentielle de 2012. Car celle qui n'hésite pas à dire "quand je serai élue" à la tribune en est persuadée: "Dans un an, nous nous retrouverons, ici, entre les deux tours de l'élection présidentielle (…), nous serons à quelques jours du printemps de la France!".

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 02/05/2011 (version légèrement modifiée)

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