La rigueur n'est pas une fatalité pour tous les responsables politiques (15 novembre 2011)

1481433971.jpgProposer un autre chemin que la politique de rigueur relève-t-il d'un discours de "doux rêveur", de "démagogue" ou de "populiste"? Non, répond Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République): "L'autre politique, la seule raisonnable, la seule connectée à l'économie réelle consiste au contraire à s'attaquer aux causes profondes de la dette, c'est-à-dire le manque de recettes budgétaires et sociales lié à la mondialisation qui nivelle tout par le bas et, pour la France et les pays du Sud de l'Europe, la politique suicidaire de l'euro cher qui a asphyxié un peu plus nos industries".

"La dette est devenue, pour les tenants de la politique réaliste, ce qu'était le ciel chez les Gaulois: elle pourrait nous tomber sur la tête et bien peu sont ceux qui cherchent à en contrôler la création ou à la faire payer aux plus puissants", poursuit André Bellon, ancien président socialiste de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Dans un récent essai (1), celui qui préside aujourd'hui une "Association pour une constituante" dénonce les élus qui, en lieu et place du mandat octroyé par les citoyens, acceptent un mandat des marchés comme si ceux-ci "étaient des êtres vivants ou, du moins, comme s'ils étaient une force transcendantale à laquelle nul ne peut résister". Ce qui revient à "transférer la souveraineté populaire aux agences de notation", renchérit Jean-Pierre Chevènement (Mouvement républicain et citoyen).

Selon le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, "l'UMP et le PS ont démissionné et sont entrés dans la même logique d'austérité culpabilisatrice de Pierre Laval en 1935", c'est-à-dire une politique de déflation. "Le concours du sang et des larmes repart de plus belle", dénonce parallèlement le socialiste Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), estimant que "l'austérité a fait plus de dégâts en Grèce que la dette".

La même expression de Churchill avait été employée par Marine Le Pen dans une lettre adressée cet été à Christine Lagarde, directrice générale du FMI. "Le projet de redressement que je propose aux Français est en même temps un projet d'espérance, écrit la présidente du Front national. Je ne me résous pas à la rigueur, à la dette, au marasme social et à l'austérité sans fin. Je refuse d'offrir comme seule perspective à mon peuple de la sueur et des larmes."

Comparant le énième plan de rigueur du gouvernement à "une nouvelle saignée pour l'économie française", Jean-Pierre Chevènement entend également offrir un autre horizon que celui "d'une austérité à perpétuité" dans le seul but de conserver la note "triple A" de la France.

Au-delà de l'affirmation que la politique de rigueur n'est pas une fatalité, les alternatives économiques avancées présentent cependant des convergences et des divergences. Tous plaident en faveur de l'abrogation de la loi de 1973 obligeant la France à emprunter sur les marchés financiers, alors qu'auparavant elle pouvait directement emprunter auprès de la Banque de France sans payer d'intérêts ou à un taux bien inférieur à celui des marchés.

Afin de "démondialiser" et de "relocaliser" la production, le protectionnisme est la solution commune, mais Jean-Pierre Chevènement, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan l'envisagent à l'échelon national, là où Jean-Luc Mélenchon (comme Arnaud Montebourg) le propose à l'échelon européen.

Enfin, Jean-Luc Mélenchon souhaite une dévaluation de l'euro, tandis que Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan veulent en sortir. Jean-Pierre Chevènement, lui, laisse les deux portes ouvertes: "Soit on réforme l'architecture de la monnaie unique, soit on ne peut pas car l'Allemagne s'y refuse et alors il faut envisager la mutation de la monnaie unique en une monnaie commune". Rappelant, non sans malice, que cette dernière correspondait à l'option originellement défendue par Pierre Bérégovoy à gauche et Édouard Balladur à droite.

Laurent de Boissieu
La-Croix.com, 09/11/2011

(1) Ceci n'est pas une dictature, Mille et une nuits, 179 pages, 10 €.

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