De la réforme du mode de scrutin législatif (13 novembre 2012)

Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l'ancien premier ministre Lionel Jospin, propose de retoucher le système d'élection des députés:
-    maintien du mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l'élection d'au moins 90% des députés
-    introduction du scrutin proportionnel pour l'élection de 10% au plus des députés (scrutin de liste à un tour dans une circonscription nationale unique, sans exigence de seuil)

Voici ce que précise le rapport:

"La Commission propose, en sixième lieu, que chaque électeur dispose de deux voix, l'une pour le scrutin majoritaire, l'autre pour le scrutin proportionnel, les deux votes étant indépendants. La Commission est défavorable à un vote unique, qui suppose que chaque candidat au scrutin majoritaire soit rattaché à une liste nationale, un électeur qui vote pour un candidat au scrutin majoritaire apportant en même temps son suffrage à la liste à laquelle ce candidat est rattaché. Le vote double tient en effet compte, d'une part, de ce que le vote au scrutin majoritaire pour un candidat n'indique pas nécessairement une adhésion partisane, d'autre part du choix de certains candidats de n'être rattachés à aucune liste. Il laisse en outre aux électeurs la liberté de nuancer leur premier choix par le second."

Cette justification du "vote double" est totalement fallacieuse. Le vote unique ne suppose absolument pas que chaque candidat au scrutin majoritaire soit rattaché à une liste nationale: certaines candidatures au scrutin majoritaire pourraient parfaitement être isolées, c'est-à-dire rattachées à aucune liste (les suffrages exprimés en leur faveur au scrutin majoritaire étant alors assimilés pour le scrutin proportionnel à des votes blancs). Comme c'est déjà le cas pour le financement politique, les candidats ayant la possibilité de ne se rattacher à aucun parti ou groupement politique.

 

À l'inverse, un "vote unique" - pour le scrutin majoritaire et pour la représentation proportionnelle - présente, selon moi, un avantage décisif: annuler les défauts de chaque mode de scrutin.

Tant au niveau de l'électeur (stratégie de vote) que des partis politiques (stratégie d'alliance et offre électorale), scrutin majoritaire et représentation proportionnelle induisent des comportements opposés: vote de conviction vs vote dit utile; autonomie politique vs satellisation, etc.

Or, si le même vote joue pour répartir les sièges selon les deux modes de scrutin, cela contraint les électeurs et les partis à opérer en conscience un choix clair et cohérent. Tout le contraire, il est vrai, de l'idée molle et déresponsabilisante avancée par la commission Jospin de "laisser aux électeurs la liberté de nuancer leur premier choix par le second".

 

Allant beaucoup plus loin que la commission Jospin, je rappelle d'ailleurs le système électoral que je propose:
-    scrutin uninominal majoritaire à un ou deux tours pour l'élection de l'Assemblée nationale
-    représentation proportionnelle intégrale pour l'élection du Sénat (scrutin de liste à un tour dans une circonscription nationale unique) à partir du vote unique exprimé au premier tour (ou au tour unique) de l'élection pour l'Assemblée nationale

Assemblée nationale (pas de modification):

AN2012-NOV.gif

Sénat actuel:

SENAT2012-NOV.gif

Sénat réformé:

SENAT2012-RP.gif

Je vous invite à visualiser ce que cela aurait donné pour l'ensemble des élections législatives depuis 1988, avec à gauche l'Assemblée nationale élue, et à droite une projection de l'Assemblée nationale à la représentation proportionnelle intégrale, correspondant dans mon système au Sénat:
http://www.france-politique.fr/assemblee-nationale-propor...

 

Enfin, deux regrets - un sur le fond et un sur la forme - dans le travail de la commission Jospin:
-    la question, démocratiquement scandaleuse, de la non transparence du rattachement des candidats (première fraction) et des parlementaires (seconde fraction) pour le financement des partis et groupements politiques n'a malheureusement pas été abordée.
-    le rapport est en format PDF protégé par un mot de passe, ce qui signifie qu'il est en théorie impossible d'en copier-coller des extraits. Hallucinant à l'heure de l'OpenData!

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