Existe-t-il des liens entre le FN et l'extrême droite radicale? (07 juin 2013)

fn.jpgSes dirigeants ne cessent de le marteler depuis la mort dramatique du jeune militant d'extrême gauche libertaire Clément Méric: le FN n'a aucun lien avec les groupuscules d'extrême droite.

 

Si le FN n'a bien entendu strictement rien à voir avec ce drame, qu'en est-il réellement de ses liens avec les groupes radicaux?

 

 

 

Que cela plaise ou non à un dirigeant du FN comme Florian Philippot, récemment venu de la gauche chevènementiste, l'histoire du FN s'enracine dans l'extrême droite la plus dure.

Ce n'est en effet pas Jean-Marie Le Pen qui est à l'origine, en octobre 1972, de la création du Front national (FN). Ce sont les activistes du mouvement Ordre Nouveau, dans le but de participer aux élections législatives de 1973 sous une étiquette plus large.

L'ancien député poujadiste puis "Indépendants de Paris" (CNIP) Jean-Marie Le Pen et ses amis, comme Dominique Chaboche ou Pierre Durand, faisaient même figures de modérés dans les premières années du FN. Des "nationaux", par opposition aux "nationalistes" selon la distinction proposée au début des années 1960 par Dominique Venner dans Pour une critique positive.

Premier bureau politique du FN (octobre 1972):

  • Président: Jean-Marie Le Pen
  • Vice-président: François Brigneau (Ordre Nouveau, ancien collaborateur et codétenu de Robert Brasillach à la Libération)
  • Secrétaire général: Alain Robert (Ordre Nouveau)
  • Secrétaire général adjoint: Roger Holeindre (Parti de l'Unité Française, ex-OAS)
  • Trésorier: Pierre Bousquet (Parti de l'Unité Française, ancien de la Division SS Charlemagne)
  • Trésorier adjoint: Pierre Durand

Deuxième bureau politique du FN (novembre 1973):

  • Président: Jean-Marie Le Pen
  • Vice-président: Roger Holeindre (ex-OAS)
  • Secrétaire général: Dominique Chaboche
  • Secrétaire administratif: Victor Barthélémy (ancien membre du comité central de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme et ancien secrétaire général du PPF de Jacques Doriot)
  • Trésorier: Pierre Bousquet (ancien de la Division SS Charlemagne)
  • Trésorier adjoint: Pierre Durand

 

Qu'en a-t-il été ensuite, au cours de l'histoire du FN?

Il convient de distinguer plusieurs périodes.

 

1972-1981
L'extrême droite radicale au sein du FN

Dans les années 1970, le FN accueille en son sein l'extrême droite la plus dure, jusqu'à la Fédération d'Action Nationale et Européenne (FANE) néonazie. Son fondateur, Marc Fredriksen, est ainsi candidat FN aux élections législatives de 1978.

Cette mouvance radicale est alors incarnée par:

Le FN apparaît alors comme plus extrémiste que le Parti des Forces Nouvelles (PFN), créé dès 1973-1974 par des dissidents issus d'Ordre Nouveau (François Brigneau, Alain Robert), qui cherche à nouer des alliances électorales avec la majorité de droite.

 

1981-1991
Le FN à la droite de la droite

Après l'assassinat de François Duprat, le 18 mars 1978 entre les deux tours des élections législatives, les nationalistes révolutionnaires et néo-nazis quittent progressivement le FN.

Dans les années 1980 l'extrême droite radicale agit donc en dehors du FN (même si certains secteurs du FN, notamment le FNJ et les proches de Jean-Pierre Stirbois, incarnent toujours une aile dure):

Le FN, lui, attire des cadres ou élus locaux issus de la droite. Aux élections européennes de 1984 il trouve ainsi "ses meilleurs appuis dans une bourgeoisie de droite, catholique, aisée, exaspérée par l'arrivée des socialo-communistes au pouvoir" (Nonna Mayer).

 

1991-1998
Retour des radicaux (1)

La position pro-irakienne du FN lors de la première guerre du Golfe (1991) et le phénomène électoral du "gaucho-lepénisme" (Pascal Perrineau) expliquent le retour au sein du FN de courants radicaux:

 

1998-2002
Les radicaux avec Mégret

Lors de la rupture entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret (décembre 1998-janvier 1999), les nationalistes révolutionnaires ainsi que les racialistes inspirés par la Nouvelle Droite optent pour Bruno Mégret (lui-même issu de la Nouvelle Droite).

C'est en particulier le cas d'Unité Radicale, dont deux dirigeants sont élus en février 2002 au conseil national du Mouvement National Républicain (MNR) mégrétiste: Christian Bouchet (secrétaire général, quittera Unité Radicale en avril 2002) et Fabrice Robert (porte-parole). Ils en seront exclus en même temps que la dissolution d'Unité Radicale après la tentative d'assassinat du président de la République Jacques Chirac, le 14 juillet 2002, par Maxime Brunerie, candidat MNR aux élections municipales de 2001 dans le 18e arrondissement de Paris.

 

2002-2011
Retour des radicaux (2)

Le FN redevenu hégémonique à l'extrême droite depuis l'implosion du MNR, ses liens avec l'extrême droite radicale se sont renoués.

L'ascension politique de Marine Le Pen et de(s) la "génération(s) Le Pen" (Louis Aliot) va cependant entraîner à partir de 2009 une vague de suspensions/démissions de cadres historiques, entraînant avec eux une partie de l'aile dure:

La campagne interne pour la présidence du FN illustrera cette opposition entre deux lignes:

 

Depuis 2011
Dédiabolisation

L'élection de Marine Le Pen à la présidence du FN, en janvier 2011, va marquer une vague d'exclusions/démissions. Sont particulièrement visés les proches de Bruno Gollnisch, le plus souvent membres de l'Œuvre Française:

 

Que peut-on dire aujourd'hui sur les liens entre le FN et l'extrême droite radicale?

1. Je crois sincère la volonté de Marine Le Pen, qui vise la conquête du pouvoir, de se débarrasser d'une base radicale. Mais je pense que la "dédiabolisation" ne pourra pas aboutir tant qu'elle 1) n'aura pas changé le nom du parti 2) ne se sera pas démarquée (au lieu de l'assumer comme actuellement) de cet héritage extrémiste (y compris les dérapages verbaux de son prédécesseurs à la présidence du parti: Jean-Marie Le Pen). Or, Marine Le Pen est selon moi dans une impasse: elle ne peut pas "tuer" symboliquement son père politique, puisqu'il s'agit aussi de son père biologique.

2. Il existe encore des liens entre le FN et l'extrême droite radicale:

 

(1) Christian Bouchet a cessé d'être l'éditorialiste de VoxNR en septembre 2011, et m'a informé avoir "progressivement" rompu depuis "tout lien organique" avec la mouvance nationaliste révolutionnaire.

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