Quand les poujadistes refusaient de siéger à l'extrême droite (08 octobre 2013)

La place des groupes au sein des hémicycles parlementaires est un sujet passionnant. Le type même de sujet sur lequel je rêverais de soutenir une thèse, si j'en avais le temps parallèlement à mon travail ...ou si j'étais rentier! Il n'en demeure pas moins qu'au fil de mes recherches sur les groupes politiques j'ai mis de côté plusieurs débats parlementaires sur leur répartition dans l'hémicycle.

Dans le contexte du refus par le FN de l'étiquette d'extrême droite, il me semble intéressant de rappeler l'un de ces débats: celui, après les élections législatives de 1956, autour de la motion préjudicielle déposée par le groupe poujadiste d'Union et fraternité française, qui refusait, déjà, de siéger à l'extrême droite. Au sein de ce groupe figurait justement Jean(-Marie) Le Pen.

 

Défendue par Jean(-Maurice) Demarquet, cette motion demandait à l'Assemblée nationale "de surseoir à la fixation de son ordre du jour jusqu'à ce que la répartition des places dans l'hémicycle ait été effectuée en conformité avec la logique".

Les députés poujadistes souhaitaient alors siéger au centre de l'hémicycle:

"Notre groupe comporte effectivement des gens de provenance politique très différente. Nous avions pensé que la logique la plus simple devait nous faire siéger approximativement au niveau de ce lieu géométrique idéal, vague ligne de partage des eaux, qui nous aurait permis de repartir nos collègues de groupes de gauche à notre gauche, et nos collègues de groupes de droite à notre droite.

Notre groupe comporte 52 élus, dont environ 30 commerçants et artisans, les autres se répartissant en petits industriels, ouvriers, maraîchers, anciens combattants et même libraire et ancien commissaire de police. Je ne pense pas que, suivant cette provenance sociale - et c'est un premier argument - nous puissions automatiquement être classés de droite".

Autre argument, celui de la nouveauté du groupe poujadiste:

"Cela ne nous étant pas permis [de siéger au centre], je dois préciser que plus importante sera la façon dont nous voterons pour qu'on essaie, d'une manière ou d'une autre - d'une manière que j'espérerai honnête - de nous placer à gauche ou à droite."

 

Constatant le "caractère majoritaire absolu qui [les] a rejetés vers l'extrême droite", les poujadistes retireront finalement leur motion préjudicielle et accepteront, "comme un exemple de discipline civique", de siéger à ces places.

"Nous allons donc nous asseoir, mais nos électeurs ne s'y tromperont pas, insiste Jean Demarquet. Nous les refusons théoriquement, mais nous ne voulons nous livrer à aucune manœuvre d'obstruction physique. Nous protestons donc vigoureusement, mais, tout de même, pour ne pas perdre de temps, nous acceptons de siéger."

 

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