augmentation du smic (23 juin 2006)

Le débat politique ressurgit chaque année avant l’été : faut-il ou non donner un coup de pouce au smic, c’est-à-dire l’augmenter au 1er juillet au-delà de la hausse automatique ? Le gouvernement de Dominique de Villepin pourrait répondre le 25 juin par la positive. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un de ces grands rendez-vous annuels qui permettent d’identifier l’orientation économique d’un gouvernement. En apparence, la réponse apportée à cette question permet de classer les partis politiques en deux camps, qui coïncident exactement avec le clivage droite-gauche.

Dans le « projet socialiste pour 2007 », adopté le 22 juin par les adhérents, le PS promet de porter « le smic au moins à 1 500 euros bruts avant la fin de la législature ». Toujours à gauche, le PCF propose également un « smic à 1 500 euros bruts par mois pour 35 heures », précisant qu’« une augmentation significative immédiate sera décidée, avec un calendrier pour atteindre rapidement les 1 500 euros ». Sur ce point, les deux principaux partis de gauche représentés au parlement sont donc d’accord.

À droite, une même unanimité règne, mais cette fois contre l’idée d’une telle hausse du smic. Commentant, lors du conseil national de l’UDF, le 10 juin, la proposition du PS, François Bayrou a lancé, sans véritablement trancher : « Ou bien cette annonce est truquée, parce que comme les syndicats l’ont dit, l’inflation va amener naturellement à ce montant. Ou bien elle est nocive pour la société, parce que si on le fait brutalement, il ne sera plus possible de pourvoir certains emplois, et que le smic va devenir la situation majoritaire des salariés ». Mêmes réticences de la part de Nicolas Sarkozy. Jeudi dernier, à Agen, le président de l’UMP a en effet accusé une gauche qui veut, selon lui, « construire le progrès social contre l’économie » : « Ils disent : augmentons le smic, l’entreprise paiera ! Mais si elle ne peut pas payer, elle licenciera ou elle ira produire ailleurs ou elle se rattrapera sur tous les autres salaires ».

Plus généralement, le député UMP Alain Madelin dénonce, sur son site Internet du « projet 2007 des libéraux » (liberaux2007.fr), la « smicardisation » de la société française. Pour l’ancien candidat à l’élection présidentielle de 2002, cette situation a notamment pour cause les « augmentations artificielles du smic au-delà de la seule inflation par des gouvernements qui en font leur vitrine sociale ». N’hésitant pas à dénoncer l’attitude de son propre parti : « Le gouvernement Raffarin ne mettait-il pas à son actif le fait qu’il avait augmenté le smic de façon beaucoup plus importante que ne l’avait fait le gouvernement Jospin ! ».

Dans les détails, la droite et la gauche ne sont cependant pas épargnés par un débat interne sur le smic. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a en effet décidé d’harmoniser entre 2003 et 2005 les différents smic issus de la loi sur la réduction du temps de travail. Or, en 2004, les plus libéraux de la majorité, derrière Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, avaient envisagé d’« étaler » cette harmonisation entre 2005 et 2006. Finalement, le premier ministre de l’époque trancha en faveur de Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi et de la cohésion sociale. « Au 1er juillet 2005, le processus de convergence des smic a été achevé, mettant fin au désordre des différents smic sources d’inégalités entre les salariés, se félicite son ministère dans son bilan 2005. Ainsi, en trois ans, le pouvoir d’achat du smic aura augmenté de 11,4 %, soit la plus forte augmentation depuis vingt ans ». Un chiffre que les plus libéraux de la majorité et le Medef jugent déjà trop élevé pour envisager aujourd’hui un coup de pouce supplémentaire.

Ces chiffres masquent toutefois des disparités en fonction des anciens smics. Entre le 1er juillet 2002 et le 1er juillet 2005, ces derniers « ont progressé en pouvoir d’achat entre 0 et 118 euros, soit une croissance comprise entre 0 % et 12 % en trois ans », analyse le Centre d’études économiques et sociales du Groupe Alpha. Les anciens smics ont en effet convergé vers le smic le plus élevé, qui, lui, n’a pas été revalorisé (hors hausse automatique). C’est ce qui fait dire à la gauche qu’il s’agit en réalité d’une augmentation du smic en « trompe l’œil ».

Mais au PS également, en y regardant de plus près, la question du smic divise. L’aile gauche du parti qualifie en effet de « dérisoire » la proposition d’un smic à 1 500 euros bruts avant 2012. « Pour simplement préserver le pouvoir d’achat du smic actuel en dépit de l’inflation, il faudrait que le montant du smic brut atteigne 1 400 euros en 2012, analyse Jean-Jacques Chavigné dans la revue Démocratie & Socialisme. L’augmentation réelle du smic mensuel brut proposée par le projet socialiste n’est donc que de 100 euros entre 2005 et 2012 ». La bataille du smic ne fait que continuer.

Laurent de Boissieu

 

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