Le FN, l'euro et la politique économique (14 avril 2015)

FP.jpg"Le FN se ralliera à l'euro pour faire éclater la droite", pronostiquait il y a quelques semaines Alain Minc dans Valeurs Actuelles.

Comme si la défense de la souveraineté nationale n'était qu'un épisode de l'histoire du FN. Comme si l'idée de sortir de l'euro voire de l'Union européenne était une idée importée par Florian Philippot.

Il n'en est bien entendu rien: est-il nécessaire de rappeler que le FN a toujours été contre l'euro en particulier et contre l'actuelle construction européenne en générale?

Pour mémoire, voici des extraits du programme lepéniste pour les échéances de 2002 (Pour un avenir français. Le Programme de gouvernement du Front National, Éditions Godefroy de Bouillon, 2001):

"Si elle n'obtient pas la protection de ses intérêts, la France sortira de cette Europe-là."

"Oui, vraiment, il n'est que temps de sortir de cette Europe-là!"

"Notre pays doit donc sortir au plus vite de l'Europe de Bruxelles. Cette Europe-là est définitivement irréformable. Et il est devenu impossible de démêler les liens qui étranglent notre pays. Tranchons définitivement le nœud gordien!"

"L'exemple de la monnaie est à cet égard révélateur. Nous sommes contre l'euro qui supprime la souveraineté de la France dans le domaine économique. Mais nous ne sommes pas opposés à l'existence d'une monnaie commune fondée sur un accord particulier, permettant à l'Europe de disposer d'un instrument monétaire capable de rivaliser avec le dollar sur les marchés financiers."

"Sortir la France de l'Union européenne. Les mesures à prendre se résument en fait à une seule: la dénonciation des traités liant la France à l'Union européenne de Bruxelles (Rome, l'Acte Unique, Schengen, Maastricht, Amsterdam). Certains doutent cependant de la possibilité, au moins juridique, qu'aurait la France de sortir de l'Union européenne. C’est méconnaître, sur le plan politique, que l'histoire est un cimetière de traités présomptueusement conclus pour l'éternité."

"Retrouver les attributs de la souveraineté. La France retrouvera alors les attributs de la souveraineté : - la possession de sa monnaie et donc la maîtrise de sa politique économique et financière; (...)"

 

Ce que Florian Philippot a bien apporté au FN, en revanche, c'est une cohérence entre la dénonciation du libéralisme extérieur (protectionnisme face au libre-échangisme mondial) et une dénonciation du libéralisme intérieur (interventionnisme social-étatiste contre la remise en cause du modèle social français), en rupture avec le programme de libéralisation interne défendu hier par Jean-Marie Le Pen et aujourd'hui par Marion Maréchal - Le Pen.

Il y a donc sur ces questions trois points de divergences de fond entre l'UMP et le FN:

-> le premier, commun à l'ensemble du FN: la recouvrance de la souveraineté nationale (y compris la souveraineté monétaire).

-> le deuxième, commun à l'ensemble du FN: le protectionnisme extérieur.

-> le troisième, spécifique à la ligne Philippot: le social-étatisme (qualifiée de politique économique et sociale d'"extrême gauche" par la droite, y compris paradoxalement celle qui se réclame du gaullisme!).

 

Ce sont ces trois points qui font que la différence entre l'UMP et le FN n'est pas de degré (l'extrême droite comme prolongement extrême de la droite) mais de nature (l'extrême droite ni de droite ni de gauche). Ce sont eux qui font que le FN est handicapé entre les deux tours pour agréger l'électorat de droite.

Or, Marion Maréchal - Le Pen n'est en rupture avec l'actuelle ligne officielle du FN, portée par Marine Le Pen, que sur le troisième point économique et social, certes important. C'est en effet là, selon l'éditorialiste Yves Thréard, que "le diable se cache désormais au FN" (Le Figaro, 9 avril 2015). Tant pis si cette récente défense du modèle social français n'est pas un marqueur du FN, puisqu'elle correspond par ailleurs - avec des nuances - aux idées passées ou présentes de Philippe Séguin, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon, Henri Guaino ou encore Jérôme Guedj.

La remettre en cause serait pour le FN une bonne stratégie de second tour ...mais une mauvaise stratégie de premier tour car cela lui ferait perdre une partie de son électorat populaire.

Gagner le premier tour ou le second tour, tel est le dilemme auquel est confrontée Marine Le Pen pour trancher entre la ligne Philippot et la ligne Marion Maréchal - Le Pen. Reste que, pour l'instant, elle a opté en faveur de Florian Philippot.

 

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