Assurance-maladie: la vraie reculade de Fillon (13 décembre 2016)

"(...) au lieu de regarder les faits, mes détracteurs me soupçonnent de vouloir «privatiser» l'Assurance-maladie et diminuer les remboursements. C'est évidemment faux", affirme François Fillon dans une tribune publiée sur Le Figaro.fr.

Officiellement, il ne s'agit pour le vainqueur de la primaire de la droite que de clarifier ou préciser son programme et de répondre aux mensonges "de la gauche et de l'extrême droite". Qu'en est-il réellement?

 

Regardons précisément ce que propose le candidat à l'élection présidentielle sur la question de l'assurance-maladie:

"Redéfinir les rôles respectifs de l'assurance publique et de l'assurance privée, en focalisant l'assurance maladie notamment sur les affections graves ou de longue durée: le panier de soins «solidaire»; et l'assurance complémentaire sur le reste: le panier de soins «individuel». Le contenu de ces paniers de soins sera dynamique et pourra évoluer chaque année. Les moins favorisés ne pouvant accéder à l'assurance privée bénéficieront d'un régime spécial de couverture accrue."

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Le mécanisme est sans ambiguïté:
- à l'assurance-maladie les seules "affections graves ou de longue durée".
- à l'assurance privée (donc privatisation, si les mots ont un sens) tout "le reste"; avec un filet de sécurité solidaire pour les plus défavorisés, conformément à la philosophie libérale de couverture non pas des risques mais des seuls individus les plus pauvres.

 

Reste à répartir les soins entre ceux qui resteraient couverts par la sécurité sociale et ceux qui ne le seraient plus.

Dans le document le plus complet sur le système de santé, il est donc écrit "notamment sur les affections graves ou de longue durée". Dans d'autres documents, en particulier celui qui récapitule l'ensemble de ses propositions de A à Z (intitulé Pour vous), la formulation est différente:

"(...) recentrer l'assurance-maladie sur les affections graves et l'assurance privée sur le reste."

La notion d'affections graves ne renvoie à rien. En revanche, celle d'affections de longue durée est bien définie dans le code de la sécurité sociale. Ces affections de longue durée (ou ALD) représentent plus de 60% des dépenses de l'assurance-maladie.

Quoi qu'il en soit, on est de toute façon loin des notions - également floues - de "soins de confort" ou de "bobologie".

En résumé, si on suit son programme, la logique de ce que propose François Fillon serait la privatisation jusqu'à près de 40% de l'assurance-maladie.

 

François Fillon a d'ailleurs raison de souligner, "au passage", que "la gauche préfère oublier que le poids des mutuelles et des assurances personnelles n'a cessé d'augmenter depuis des décennies, y compris dans le cadre des réformes qu'elle a elle-même votées."

Sauf que, au lieu de renouer avec le principe d'une sécurité sociale universelle en remettant en cause cette réelle privatisation rampante de l'assurance-maladie*, il entend au contraire amplifier ce phénomène.

 

Regardons maintenant ce qu'avance le candidat dans sa tribune au Figaro:

"J'entends réaffirmer le principe d'universalité dans l'esprit des ordonnances de 1945. L'Assurance-maladie obligatoire et universelle, pilier de la solidarité, doit rester le pivot dans le parcours de soins dont le médecin généraliste est l'acteur clé. Elle continuera à couvrir les soins comme aujourd'hui et même, mieux rembourser des soins qui sont largement à la charge des assurés, comme les soins optiques et dentaires. Il n'est donc pas question de toucher à l'Assurance-maladie et encore moins de la privatiser."

Bref, la reculade est totale puisque finalement l'assurance-maladie "continuera à couvrir les soins comme aujourd'hui"!

 

* Le ticket modérateur était de 20% seulement en 1945, avec exonération des affections de longue durée, mais il n'a cessé d'augmenter depuis, diminuant la prise en charge universelle au profit des assurances privées complémentaires.

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