Nicolas Sarkozy critique l'Europe libérale (19 décembre 2006)

En prononçant un « discours pour la France qui souffre », hier soir, à Charleville-Mézières (Ardennes), Nicolas Sarkozy confirme le changement de ton qu’il a adopté depuis son « intervention pour une France plus juste », à Douai, le 27 mars 2006. De quoi satisfaire ceux qui, à l’image de Jean-Louis Borloo ou de Christine Boutin, lui demandaient, au sein même de l’UMP, de mieux tenir compte des idées de la « droite sociale ».

Nicolas Sarkozy, qui s’est déjà beaucoup exprimé lors des dix-huit conventions thématiques de son parti, et dont c’était le sixième grand discours après ceux de Douai (mars), Nîmes (mai), Agen (juin), Marseille (septembre) et Périgueux (novembre), a avancé quatre grandes propositions nouvelles.

Premièrement, instaurer un « système de cautionnement public qui mutualise les risques et qui permette à ceux qui ne peuvent pas apporter de garanties d’accéder au crédit », bref « qui mette tout le monde à égalité devant l’emprunt ». Deuxièmement, poser le principe « que l’allocation-chômage ne puisse pas être inférieure au salaire minimum ». Troisièmement, allant plus loin que le simple remboursement des aides publiques pour les entreprises qui délocalisent, faire en sorte « que les entreprises qui investissent et qui créent des emplois payent moins d’impôts sur les bénéfices que celles qui désinvestissent et qui délocalisent ». Quatrièmement, alors que l’extrême gauche entend « réquisitionner les entreprises qui font des profits et qui licencient », Nicolas Sarkozy veut, lui, « que les allégements de charges soient supprimés pour les entreprises qui font des profits et qui n’augmentent jamais les salaires ».

Pour le reste, le président de l’UMP a repris des idées qu’il a déjà avancées : exonérer les heures supplémentaires de charges sociales et d’impôts, basculer sur une fiscalité écologique une partie des charges qui pèsent sur le travail, créer un contrat de travail unique à droits progressifs, contraindre les chômeurs à ne pas refuser plus de trois emplois correspondant à leurs compétences, assortir tout revenu d’assistance d’une activité d’intérêt général en contrepartie, rendre un certain nombre de droits opposables devant les tribunaux (droit au logement, droit de scolariser son enfant handicapé…), interdire l’emprunt pour les dépenses courantes et ne l’autoriser que pour les dépenses d’investissement, etc.

Nicolas Sarkozy a par ailleurs vanté « la préférence communautaire » et dénoncé « la surévaluation de l’euro », « la religion du libre-échange » ou encore l’interdiction des politiques industrielles et des aides aux entreprises au sein de l’Union européenne. Autant de critiques à l’encontre de la construction européenne qui contredisent tous les choix antérieurs de l’ancien ministre du budget d’Édouard Balladur, du traité de Maastricht au projet de Constitution européenne. Des critiques qui n’appartenaient jusque-là qu’au cercle des partisans d’une « autre politique » (Emmanuel Todd, Jean-Paul Fitoussi, Jean-Luc Greau, Jacques Sapir…). Or, précisément, le président de l’UMP s’est adjoint la plume de l’un d’entre eux, l’ancien commissaire général au Plan Henri Guaino.

Enfin, le candidat à l’élection présidentielle a rendu un hommage appuyé au président sortant. « Grâce au quinquennat de Jacques Chirac, nous avons cessé de capituler face à la délinquance, au déclin industriel, à l’immigration non maîtrisée, à l’endettement public, a affirmé Nicolas Sarkozy. Nous avons cessé de capituler sur le front de la rénovation urbaine, sur celui des politiques de l’emploi, sur celui de la défense. Mais il nous faut aller plus fort et plus loin. Il nous faut plus d’imagination, plus de volonté. Il nous faut passer du renoncement à l’audace ».

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 19/12/2006

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