La fausse révélation des micro-partis (26 juillet 2010)

De retour ce week-end d'une semaine à l'étranger, je m'aperçois avec étonnement que la polémique autour de ce que l'on appelle désormais les micro-partis n'est pas retombée, bien au contraire.

 

D'une part, tout journaliste politique connaît la publication annuelle des comptes des partis politiques par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Même si j'avoue honteusement que, personnellement, j'ai manqué sur ce point de rigueur : autrefois, je me procurais et je lisais chaque année la liste des partis et groupements politiques afin de suivre les créations de partis ou de clubs puis de mesurer leur vitalité. Mais, depuis que ces rapports sont en ligne sur le site de la CNCCFP (donc disponibles pour tous à tout moment), j'ai bêtement relâché cette surveillance (je suis ainsi passé à côté de la création par Laurent Wauquiez de Nouvel Oxygène)...

 

D'autre part, tout journaliste politique sait que les clubs politiques ont progressivement tendance à adopter depuis les lois de financement de la vie politique la forme juridique d'un parti ou groupement politique. Pour autant, politiquement, il serait ridicule de parler à leur sujet de "partis" ou de "micro-partis", comme je le soulignais d'ailleurs à la fin de ma dernière note sur le financement de la vie politique.

 

Point de révélation, donc. Il n'en reste pas mois qu'afin d'éviter toute confusion, les partis et groupements politiques au sens juridique doivent selon moi être classés en quatre catégories :

 

1) Les partis politiques : qu'ils bénéficient ou non du financement public, ils ont pour objectif la conquête et l'exercice du pouvoir, et présentent donc des candidats aux élections (seuls ou dans le cadre d'alliances électorales).

Signe distinctif : présentent des candidats aux élections (ils sont donc potentiellement bénéficiaires du financement public) et interdisent la double appartenance avec un autre parti politique (sauf mouvements associés tels que le Parti radical ou le Parti Chrétien-démocrate pour l'UMP).

 

2) Les clubs politiques : ils ont progressivement tendance à adopter la forme juridique d'un parti politique afin de faciliter la récolte de fonds. Je m'étonne donc que l'on s'étonne aujourd'hui que telle ou telle personnalité politique (1) possède son propre club de réflexion ayant la forme juridique d'un parti ou groupement politique (il est même étrange qu'il n'y en ait pas davantage, notamment autour du PS).

Signe distinctif : constitués autour d'une personnalité par ailleurs membre d'un parti politique.

J'admets cependant que deux cas se trouvent à la frontière du club et du parti au sens politique : Le Chêne de Michèle Alliot-Marie et Les Progressistes d'Éric Besson. A priori, il s'agit bien de clubs (associés à l'UMP), mais l'apparition de leur logo respectif sur des documents électoraux les rapproche d'un parti (municipales de 2008 et régionales de 2010 pour Les Progressistes; régionales de 2010 pour Le Chêne). À suivre, notamment aux prochaines législatives...

 

3) Les associations locales de soutien : elles ont pour but de soutenir financièrement l'action d'un élu sur un territoire géographique déterminé (exemple de l'Association de soutien à l'action d'Éric Woerth - ASAEW - qui a été agréée en janvier 2008 par la CNCCFP "pour exercer ses activités à l'intérieur du département de l'Oise et de la région Picardie").

Signe distinctif : n'exercent pas leurs activités sur l'ensemble du territoire français.

En métropole, de telles associations ne peuvent de fait pas bénéficier du financement public puisqu'il faut présenter des candidats ayant obtenu chacun au moins 1% des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions. En outre-mer, en revanche, il faut obtenir au moins 1% des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles elles ont présenté des candidats.

C'est par ce biais que la structure "Démocratie et République" (anciennement "Metz pour tous") du sénateur non-inscrit de la Moselle Jean-Louis Masson bénéficie du financement public en présentant aux législatives un ou deux candidats exclusivement outre-mer (en Polynésie française en 2007). J'avais parlé au sujet de cette association de "parti virtuel" puisque dans ses recettes figurent 0€ de cotisations des adhérents et 18.294€ de contributions des élus (auxquels s'ajoutent notamment 148.109€ de financement public et 17.700€ de dons de personnes physiques). Rien d'illégal faut-il le souligner, mais, comme le rattachement des élus Nouveau Centre au Fetia Api, il s'agit d'un détournement de l'esprit de la loi sur le financement de la vie politique, quoi qu'on pense de ladite loi (et je l'ai justement moi-même critiquée, au nom du pluralisme, ici-même).

 

4) Les pompes à fric : il s'agit d'associations virtuelles ayant pour unique but de récolter des fonds (une même personne physique pourra ainsi verser autant de dons atteignant le plafond légal qu'il existe de coquilles vides) ensuite reversés au parti politique actif (les dons entre partis ou groupements politiques étant autorisés et non plafonnés).

Signe distinctif : des aides financières à d'autres formations politiques et aucune trace d'activité dans les comptes (en recettes : cotisations des adhérents; en dépenses : propagande et communication, aides financières aux candidats, loyers, charges de personnel).

Ce risque de contournement de la loi est connu depuis longtemps et, à ma connaissance, aucun parti ne s'est risqué à de telles manœuvres.

 

L'UMP a néanmoins bénéficié de dons de la part de trois partis ou groupements politiques :

- 120.000€ : Union Républicaine et d'Actions Communautaires (URAC) domiciliée à la permanence parlementaire du député Dominique Tian.
- 10.000€ : Cap sur l'Avenir 13 domiciliée à la Fédération UMP des Bouches-du-Rhône (et permanence parlementaire du député Renaud Muselier, président du groupe Union Pour l'Avenir Communautaire - UPAC - à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole).
- 1.870€ : Argenteuil que nous aimons (AQNA) du député Georges Mothron.

Or, par l'intermédiaire de ces associations locales, une même personne physique a pu financer pour le même exercice comptable plusieurs fois l'UMP en dépassant au total le plafond légal de 7.500€.

La comparaison des comptes des deux premières est en outre intéressante.

L'association Cap sur l'Avenir 13 se présente classiquement comme une association locale de soutien : en recettes des contributions des élus (431.682€) et des dons de personnes physiques (142.945€), tandis que le premier poste de dépenses est celui des aides financières aux candidats (229.942€). Elle a failli perdre son habilitation à contribuer au financement d'une campagne électorale ou d'un autre parti politique mais a gagné son recours devant le Conseil d'État en mai-juin dernier.

L'Union Républicaine et d'Actions Communautaires (URAC) a, en revanche, uniquement servi à faire transiter vers l'UMP des excédents de comptes de campagne (137.095€) et des dons de personnes physiques (81.000€), puisque les postes de dépenses révélateurs d'une activité politique sont totalement vides.

[Au moment de mettre en ligne cette note rédigée dimanche soir, je prends connaissance de l'article publié ce lundi matin par mon confrère Fred Guilledoux - qui m'avait d'ailleurs contacté durant mes vacances à ce sujet - présentant les micro-partis en Provence]

 

Autant je trouve normal qu'une personnalité puisse créer son propre club de réflexion (ou sa propre écurie présidentielle...) en marge du parti politique auquel il adhère (et, bien entendu, qu'une personne physique puisse participer à son financement dans les limites légales), autant je ne trouve aucune justification à ces structures sans adhérent qui doublonnent l'instance locale d'un parti et ne servent qu'au financement des campagnes électorales (2).

 

(1) Nicolas Sarkozy; François Fillon et tous les anciens premiers ministres de droite : Édouard Balladur, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin; les trois anciens candidats aux primaires du PS : Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius; Jean-François Copé; Manuel Valls, etc. Ces structures sont cependant plus ou moins actives (certaines sont carrément en sommeil); l'association de financement de République Solidaire de Dominique de Villepin - qui hésite entre le club ou le parti - n'a quant à elle apparemment pas encore reçu l'agrément de la CNCCFP.

(2) La note juridique publiée par le Pôle Relations Élus de l'UMP n'est plus en ligne; en voici le contenu intégral récupéré grâce au cache Google :

Associations de soutien, partis politiques locaux et campagne électorale

   Pendant l'année précédant l'élection, il convient d'être particulièrement attentif au rôle que sont susceptibles de jouer dans votre campagne électorale les associations du type « association de soutien » ou « association des amis du candidat », qui ne sont pas autorisées à financer la campagne, sauf à être constituées en parti politique.

1. Rappel : les sources de financement électoral prohibées

Les dons et avantages en nature de personnes morales autres qu'un parti politique sont strictement interdits.

Dès lors, si vous avez mis en place une association loi de 1901 du type « association des amis du candidat » ou « association de soutien de votre campagne », elle ne pourra en aucun cas participer à votre campagne, sous quelque forme que ce soit.

2. Les sources de financement de la campagne électorale autorisées

Outre l'apport personnel du candidat, l'emprunt et les contributions des partis politiques, le candidat peut recourir aux dons de personnes physiques.

N.B. : -  Les avantages en nature de personnes physiques sont, aux aussi, limités à 4600 €. 
       - Si les dons de personnes physiques sont limités à 4600 € dans le cadre d'une campagne électorale, il est possible de financer un parti politique à hauteur de 7500 € par an et par personne physique.

3. La constitution d'un micro-parti politique : une solution pour maintenir  en activité votre association et pour financer votre campagne

La constitution d'un parti politique ‘'local" peut être une solution permettant le maintien de l'activité des associations préexistantes, et ce en particulier lorsque l'association est bien implantée localement et constitue un véritable outil pour le candidat.

Pour cela, il convient de veiller à ce que les statuts de l'association aient bien un objet politique, puis de constituer un mandataire financier lequel, s'il est une association de financement, doit obtenir l'agrément de la CNCCFP.

Il s'agit donc d'une opération quelque peu complexe si cette association a déjà recueilli des fonds. Une solution peut consister à rembourser les donateurs et les adhérents de l'association, en leur expliquant la constitution d'une nouvelle structure, compétente pour financer la campagne électorale et leur ouvrant droit à déduction fiscale.

Attention : la création d'un micro-parti politique habilité à financer votre campagne ne dispense pas de la désignation d'un mandataire financier, personne physique ou association de financement électoral, dans les communes et cantons de plus de 9000 habitants.  

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