Mariage homosexuel, parentalité homosexuelle: réflexions personnelles (26 janvier 2013)

J'ai déjà rédigé plusieurs notes sur la question du "mariage pour tous" (1). Je ne suis toutefois pas encore allé au fond du débat, en particulier sur la parentalité homosexuelle. Tout simplement parce que je n'ai pas de réponse définitive à toutes les questions que je me pose.

Je souhaiterais donc que cette note soit lue comme une réflexion et un questionnement sincères d'une personne humaine et d'un citoyen. Loin des tumultes d'un débat si souvent exaspérant, où des mots blessants sont prononcés d'un côté (parfois par homophobie, parfois par manque de discernement) et où trop d'insultes sont jetées de l'autre (être contre le projet de loi Taubira, ce n'est pas en soi être homophobe).

 

 

1. Le mariage homosexuel.

Je suis depuis longtemps favorable à la séparation du mariage et de l'État. Absolument pas en raison du contexte de l'ouverture du mariage civil aux couples homosexuels, mais plus fondamentalement parce que le mariage religieux est un sacrement tandis que le mariage civil est un contrat. Or, la nature de ce contrat civil peut évoluer en fonction des mutations de la société (Balzac citant Napoléon lors de la discussion du Code civil: "les lois sont faites pour les mœurs, et les mœurs varient"), engendrant une dénaturation du mot mariage (2). Il s'agirait donc de séparer sémantiquement le mariage civil - qui deviendrait "union civile" - du mariage religieux (de même qu'à la Révolution les communes ont été créées sur la base des paroisses mais sans s'appeler paroisses!).

J'ai déjà exposé mon idée d'une "union civile pour tous", correspondant à l'actuel mariage civil mais ouvert à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels. Il ne s'agirait donc pas de créer pour les couples de même sexe un "sous-mariage" appelé "union civile" mais d'ouvrir l'actuel mariage civil aux couples homosexuels en lui donnant pour tous le nom d'union civile (et donc en réservant le mot mariage au sacrement religieux).

 

 

2. La parentalité homosexuelle.

C'est la question la plus délicate, liée à celle du mariage dans le projet de loi Taubira.

 

2. 1. Au nom du respect et de la dignité de la personne humaine, je suis fermement contre la Gestation pour autrui (GPA), peu m'importe que ce soit pour les couples hétérosexuels ou pour les couples homosexuels. Y aller, c'est ouvrir la voie à une marchandisation du corps humain et à un esclavagisme ou un colonialisme modernes.

 

2. 2. Je suis également contre la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes ou pour les femmes célibataires.
L'objet de l'actuelle Assistance médicale à la procréation (AMP) des couples hétérosexuels est en effet de pallier à une défaillance de la nature (infertilité) et non pas de créer un modèle alternatif de reproduction (puisque la reproduction humaine est sexuée: de par la nature et non de par la loi, seul un couple hétérosexuel peut avoir une procréation sexuée).
Qu'une réflexion s'engage sur un nouveau mode de procréation "médicalement assisté" (3), pourquoi pas puisque de toute façon la question éthique soulevée est comparable à celle de l'actuelle AMP des couples hétérosexuels avec don de gamète d'un tiers. Je le dis par logique et non par conviction, puisque je suis de toute façon contre cette intrusion d'une troisième personne - voire d'une quatrième (double don de gamètes) - dans la procréation du couple, peu m'importe que celui-ci soit hétérosexuel ou homosexuel (ce n'est pas parce qu'ont peut techniquement le faire qu'on doit forcément faire).
Quoi qu'il en soit, si cette réflexion de fond s'engage un jour, elle devra alors concerner les couples homosexuels (uniquement de par la nature les couples de femmes, avec don de sperme) comme les couples hétérosexuels (lorsque la femme n'est plus en âge de procréer: ménopausée, avec don d'ovocyte) et les femmes célibataires (en cohérence avec l'anachronique adoption par les personnes célibataires, avec don de sperme).

 

2. 3. L'adoption homosexuelle.

Quatre principes guident ma réflexion:

- S'agissant d'un couple homosexuel, il ne peut bien entendu s'agir que de l'adoption simple, et non de l'adoption plénière (le droit positif ne peut pas mentir contre la nature humaine; or, un petit être humain ne peut pas avoir comme filiation biologique deux personnes de même sexe).

- La question fondamentale n'est pas celle d'un "droit à l'enfant" (qui n'est pas un "droit" - la PMA et la GPA ne sont de fait pas du même ressort que l'adoption puisque l'enfant ne "préexiste" pas) mais celle de l'intérêt supérieur de l'enfant.

- Dans une perspective humaniste et non matérialiste, la primauté du lien affectif sur le lien biologique, le contraire remettrait notamment en cause la parenté et la filiation au sein des couples hétérosexuels bénéficiant d'une adoption plénière. Je suis à ce titre fermement contre l'idée d'un droit d'accès aux origines des personnes adoptées (et pour l'anonymat du don de gamètes, puisque celui-ci est autorisé). La mère et le père, les parents, ce sont ceux qui aiment et qui élèvent l'enfant (Marcel Pagnol: "Le vrai père, c'est celui qui aime"), pas ceux qui ont fourni un spermatozoïde ou un ovocyte (même si cela ne ferme pas la question éthique de l'intrusion des gamètes d'un tiers dans la procréation du couple, pqu'il soit hétérosexuel ou homosexuel)! La situation idéale et "normale" (4) étant bien entendu lorsqu'il y a coïncidence.

- Le débat ne porte pas sur la capacité ou l'incapacité d'élever un enfant (des couples hétérosexuels le font très mal, des couples homosexuels le font très bien).

 

L'intérêt supérieur de l'enfant, c'est-à-dire selon moi:

- La création d'un statut du "tiers responsable" ou du "beau-parent" (dans la lignée de l'actuelle "délégation partage de l'autorité parentale") dans l'intérêt supérieur des enfants des familles homosexuelles comme de ceux des familles hétérosexuelles recomposées. [pour être totalement transparent: j'ai hésité entre ce statut de "tiers responsable"/"beau-parent" ou l'adoption simple par le conjoint pour les enfants adoptables des familles homosexuelles; j'ai tranché afin d'éviter la conséquence pratique de la disparition des mots "père" et "mère", remplacés par "parent 1" et "parent 2".]

- La sanction judiciaire, dissuasive, des cas de contournement de la loi française via une PMA ou une GPA pratiquée à l'étranger, mais cette sanction ne doit pas consister, toujours dans l'intérêt supérieur de l'enfant, à le priver juridiquement du lien fondamental avec ses parents. Je suis donc pour une transcription de la filiation avec le parent biologique français dans l'état-civil français, l'autre parent français pouvant bénéficier du statut du "tiers responsable" ou du "beau-parent" [même remarque]. Parallèlement, la France doit activement proposer et militer pour une interdiction internationale de la GPA.

- Pour les enfants adoptables en orphelinat: une famille - "même" homosexuelle - plutôt que pas de famille. Ce qui me conduit à soulever ici une question fondamentale, à laquelle je n'ai pas de réponse: l'intérêt supérieur de l'enfant dicte-t-il d'être forcément élevé par un père et une mère, un homme et une femme?
Instinctivement, j'ai envie de répondre oui.
Rationnellement, rien ne me permet toutefois de trancher dans un sens ou dans un autre (les études n'étant pas unanimes). Quoi qu'il en soit, même en cas de réponse positive, cela ne doit pas forcément selon moi fermer par principe l'adoption aux couples de même sexe, mais seulement aboutir à ce que priorité soit donnée dans l'adoption à un couple hétérosexuel sur un couple homosexuel, non par discrimination mais, encore une fois, dans l'intérêt supérieur de l'enfant (5).

- La fin de l'hypocrisie et, surtout, de l'incohérence (une personne seule n'étant pas fondatrice d'une famille, même si des accidents de la vie donnent ensuite des familles monoparentales) que constitue la possibilité pour un célibataire - homosexuel comme hétérosexuel - d'adopter.

 

 

C'est avec beaucoup d'humilité que je vous livre ces réflexions, tout en sachant qu'elles ne vont plaire ni aux partisans ni aux adversaires du projet de loi Taubira.

En conclusion, que penser de ce texte sur le "mariage pour tous"? Il ne correspond certes pas à ce que je souhaiterais dans l'absolu, mais je considère qu'il apportera dans l'intérêt supérieur de l'enfant plus de solutions à des situations existantes qu'il ne remettra en cause la famille "traditionnelle" pour ceux - opinion bien entendu parfaitement honorable et respectable - qui y sont attachés. Bref, s'il me faut vraiment trancher, à titre personnel, en tant que chrétien et citoyen, je suis pour ce projet de loi.

 

 

(1) L'expression "mariage pour tous" est fausse, puisqu'il ne s'agit pas de permettre à tous de se marier (âge minimum, liens de parenté). L'expression "mariage homosexuel" est également fausse car il ne s'agit pas de créer un second mariage pour les couples homosexuels mais d'ouvrir l'actuel mariage civil aux couples de même sexe.

(2) Un site Internet proche de l'extrême droite m'a accusé d'être "très favorables à la dénaturation du mariage": si son auteur savait lire la langue de son pays, il verrait que c'est exactement l'inverse. En réalité, ce que cet auteur remet en cause, c'est la laïcité, puisqu'il souhaite imposer à toute la société une vision religieuse particulière. À noter d'ailleurs que certaines Églises chrétiennes pratiquent déjà des bénédictions homosexuelles (ce qui n'est certes pas encore le sacrement du mariage).

(3) L'expression "procréation médicalement assistée (PMA)" est malheureusement très souvent utilisée en lieu et place d'Assistance médicale à la procréation (AMP): la confusion n'est pas que sémantique puisqu'elle dénature l'objet de la technique médicale actuellement encadrée par le Code de la santé publique.

(4) Guillemets car la question de la normalité est complexe (et si vite mal interprétée...), mais le fait est que la reproduction humaine est sexuée et que donc, même sans considérer que les relations sexuelles auraient pour unique objet la procréation, on peut considérer que la norme du couple humain est d'être constitué d'une personne de chaque sexe. De même que la norme de la parentalité est de procréer et non d'adopter. Le problème n'étant pas de considérer qu'il y a des normes, mais de discriminer, de rejeter (parfois jusqu'à son propre enfant!) ou de remettre en cause la dignité de ceux qui ne sont pas dans la norme.

(5) Hors adoption par le partenaire, le contexte actuel (petit nombre d'enfants Français adoptables, donc recours à l'adoption internationale, presque partout fermée aux couples homosexuels) aboutira de fait à quasiment aucune adoption par des couples de même sexe; mais il s'agit là de poser un principe en dehors de tout contexte particulier, d'autant plus que des propositions d'augmenter le nombre d'enfants adoptables en France existent.

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