Primaire ouverte, ou comment dissoudre le peuple (03 juin 2013)

Les adhérents de l'UMP vont se prononcer à la fin du mois de juin sur les nouveaux statuts de leur parti. Ces derniers prévoiront dorénavant l'"organisation d'une primaire en vue de la désignation du candidat à la présidence de la République":

"Le candidat à la présidence de la République soutenu par l'Union est désigné à l'occasion d'une primaire ouverte à l'ensemble des citoyens adhérant aux valeurs de la République et se reconnaissant dans les valeurs de l'Union.
Il n'est pas organisé de primaire lorsque le président de la République est issu de l'Union et candidat pour un second mandat. S'il souhaite le soutien de l'Union, il se soumet au vote du Congrès."

À noter qu'il est question de primaire ouverte, les précédents statuts de l'UMP prévoyant en réalité déjà une primaire mais "fermée", c'est-à-dire ouverte aux seuls adhérents:

"Le Congrès (…) choisit le candidat soutenu par l'Union à l'élection à la Présidence de la République; étant entendu que pour l'élection présidentielle il n'y a pas d'investiture d'un parti politique (…)
Le Président de la République, à nouveau candidat, et qui souhaite le soutien de l'UMP se soumet au vote du Congrès."
(disposition non appliquée en 2012 avec Nicolas Sarkozy)

 

Organiser une élection primaire ouverte peut répondre à deux motivations, l'une "positive", l'autre "négative".

 

La raison "positive" d'organiser une élection primaire ouverte est d'offrir une dynamique au lancement de la campagne d'un candidat. C'est ainsi que 2,7 millions de personnes ont participé au premier tour et 2,9 millions au second de la "primaire citoyenne" organisée en octobre 2011 pour désigner le candidat du Parti socialiste et des radicaux de gauche.

À condition, bien entendu, de mobiliser suffisamment de votants. Prenons l'exemple de la "primaire ouverte pour l'alternance à Paris en 2014", organisée par la fédération de Paris de l'UMP. Cette dernière fédération comptabilisait 28 234 adhérents au 15 mars 2013 (dernier chiffre rendu public). Dans l'attente de la clôture des inscriptions (ce lundi à 18h, une heure avant la fin du scrutin lui-même), le comble serait qu'une primaire ouverte aux sympathisants réunisse moins d'inscrits que le nombre des propres adhérents du parti!

 

La raison "négative" d'organiser une primaire est de contourner les adhérents du parti. Le dernier congrès de l'UMP a révélé, comme je l'ai démontré, une "fracture politique entre l'UMP d'en haut et l'UMP d'en bas". Organiser une primaire ouverte permet à l'aile gauche, en porte-à-faux avec la base, de s'émanciper du noyau dur militant.

L'idée n'est pas sans fondement. Comme le dit souvent le centriste François Bayrou, "les partis se tiennent par leur noyau dur". Autrement dit, les militants sont globalement plus à droite que l'ensemble des adhérents, eux-mêmes plus à droite que les sympathisants, eux-mêmes plus à droite que les électeurs. Bref, le champion du noyau dur militant n'est pas forcément le meilleur pour gagner une élection (sauf si les adhérents votent utile en se prononçant en fonction des sondages d'intentions de vote).

Mais la manœuvre n'est qu'une façon de mettre la poussière sous le tapis, de chercher à cacher ce décalage entre la base et le sommet en contournant la démocratie interne. Bref, une façon de dissoudre le peuple des adhérents.

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