Bayrou monte lorsque Chevènement descendait (26 février 2007)

Devant ses proches, ne comparez surtout pas l’actuelle montée de François Bayrou dans les enquêtes d’opinion à celle de Jean-Pierre Chevènement en 2002. Ils vous expliqueront, d’abord, que le discours de Jean-Pierre Chevènement était « ni de droite ni de gauche », tandis que celui de leur champion est « et de droite et de gauche ». Puis, que les rythmes des deux ascensions, à cinq ans d’intervalle, ne sont pas les mêmes. Entre septembre et décembre 2005, François Bayrou a oscillé, pour l’institut CSA et la Sofres, entre 6 et 8% d’intentions de vote. Mais depuis le début de l’année, il ne cesse de progresser pour l’institut CSA : 6% (3 janvier), 9% (17 janvier), 12% (31 janvier), 13% (14-15 février), 17% (20 février). La même progression était visible pour la Sofres, de 9% (18 janvier) à 13% (1er février), même si, dans le dernier sondage de cet institut (15 février), le président de l’UDF marque le pas avec 12% d’intentions de vote.

À la dernière élection présidentielle, la percée de Jean-Pierre Chevènement s’est opérée plus tôt : dès l’été 2001. Et c’est en octobre que l’ancien ministre de l’intérieur de Lionel Jospin a revêtu les habits de « troisième homme ». Entre septembre 2001 et janvier 2002, il est ensuite resté relativement stable pour la Sofres (8-9%), l’institut CSA (9-11%) et l’Ifop (10-11%). C’est alors que Jean-Pierre Chevènement atteint son apogée : 11% pour la Sofres (2 février), 13% pour l’Ifop (8 février), 14% pour l’institut CSA (30 janvier). Fin février, il commence à baisser. À partir de mars, sa candidature se stabilise à un niveau inférieur à ses intentions de vote précédentes, aussi bien pour la Sofres (6-8%), que pour l’institut CSA (7-9%) et l’Ifop (8-10%). Finalement, le candidat du Pôle républicain obtiendra 5,33% des suffrages exprimés.

Il apparaît alors que la période qui s’étale de la fin février à début mars soit particulièrement importante dans une campagne présidentielle. C’est en effet à ce moment-là que non seulement Jean-Pierre Chevènement avait dévissé en 2002, mais également que Jacques Chirac et Lionel Jospin étaient passés devant Édouard Balladur en 1995. Pour la Sofres, entre le 9 février et le 9 mars 2002, Édouard Balladur avait ainsi dégringolé de 28 à 20% des intentions de vote tandis que celles en faveur de Jacques Chirac grimpaient de 17,5 à 24%. De son côté, Lionel Jospin se maintenait entre 21 et 24%. Même phénomène pour l’Ifop : entre le 10 février et le 3 mars, Jacques Chirac passait de 17 à 24%, devançant pour la première fois ses deux rivaux.

Le précédent de 1974 oblige néanmoins à une certaine prudence jusqu’à l’ultime mois de campagne électorale. Dans l’enquête Sofres du 9 avril 1974, un seul point d’écart séparait le gaulliste Jacques Chaban-Delmas (26%) et le libéral Valéry Giscard d’Estaing (27%), qui se disputaient la qualification au second tour face à François Mitterrand. L’écart s’est ensuite creusé progressivement : deux points le 16 avril, quatre points le 22 avril. Puis quatorze points le 30 avril : 17% en faveur de Jacques Chaban-Delmas et 31% pour Valéry Giscard d’Estaing. Finalement, le 5 mai 1974, le premier obtiendra 15,11% et le futur président 32,6%. Enfin, l’expérience du 21 avril 2002, avec la qualification inattendue de Jean-Marie Le Pen pour le second tour, incite à ne jamais préjuger du vote des Français.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 26/02/2007

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