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21 février 2011

Des élections cantonales délicates pour la majorité de droite

Des élections cantonales délicates pour la majorité de droite

La Croix, 21/02/2011

10 janvier 2011

Jean-Pierre Rioux, les centristes et l'UDF

Ne parvenant pas à trouver le temps de boucler la liste précise de mes points de désaccord avec Jean-Pierre Rioux (Les centristes, de Mirabeau à Bayrou, Fayard), voici déjà ceux concernant l'UDF.

 

Jean-Pierre Rioux intitule un chapitre "le havre giscardien", qu'il commence par cette affirmation: "Sortis affaiblis et désemparés de la tourmente gaulliste, les centristes ont gagné un havre de grâce sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, de 1974 à 1981" (page 176). Afin de qualifier cette période qu'il estime positive pour le centre, l'historien va même jusqu'à parler des "jours heureux du giscardisme" (page 259).

Or, selon moi, le septennat giscardien a, bien au contraire, marqué l'éclipse du centre en France à travers le ralliement à la droite de l'ancien centre d'opposition, qui, en devenant une partie de la droite, n'est logiquement plus un centre. De fait, les élections législatives de 1978 sont les premières véritablement bipolarisées de la Ve République, avec une droite et une gauche hégémoniques et composées de deux partis de force relativement comparable (RPR et UDF à droite, PS et PCF à gauche): c'est le fameux "quadrille bipolaire" de Maurice Duverger.

Le plus étrange, c'est qu'au fil des pages Jean-Pierre Rioux ...me donne raison et, donc, se contredit! Dès l'ouverture dudit chapitre, l'auteur indique en effet que "ce ralliement présentait néanmoins un risque majeur: lier le destin du centre à celui de Valéry Giscard d'Estaing et de sa majorité, et laisser s'installer le sentiment que le centre ne pouvait être qu'à droite dans une Ve République à vocation bipolaire et, pis, qu'il y était à sa juste place" (page 177). Plus loin, il écrit que la création de l'UDF "en hâtant la bipolarisation en «quadrille», a fait courir au centrisme le risque de l'évaporation par fusion" (page 192) ou encore que les centristes se sont trouvés "enchâssés à droite par leur participation à l'UDF" (page 208). "Réaffirmer une identité centriste et bientôt, peut-être, une relative autonomie des centristes après vingt-cinq années de ralliement à la droite giscardienne et vingt années de consentement à la confusion cohabitationniste et à la dilution au sein de l'UDF: tel a été le pari de François Bayrou dès 1999" (pages 219-220), conclut-il finalement.

Rien à redire à ces derniers extraits, à une divergence de vocabulaire près: en quoi des centristes ralliés à la droite peuvent-ils encore être qualifiés de centristes? Pour moi, en effet, on ne peut pas en même temps être au centre (c'est-à-dire ni à droite ni à gauche) et à droite (ou à gauche). Bref, comme aurait dit La Palice, le centre c'est le centre au centre, tandis que le centre à droite (ou à gauche), ce n'est plus le centre!

Afin d'être complètement honnête, je me dois tout de même de répondre au principal élément de fond avancé par Jean-Pierre Rioux pour justifier son jugement positif du septennat de Valéry Giscard d'Estaing pour le centre: le giscardisme "ce surgeon de la droite orléaniste et libérale, ce métissage de conservatisme, de modération et de modernité, ce vecteur d'un libéralisme orchestrant une société recomposée par le «changement sans le risque», a endossé le meilleur de la philosophie centriste du rassemblement et du juste milieu" (page 177); Valéry Giscard d'Estaing a "exposé en 1976 son désir d'exercer le pouvoir présidentiel et de faire évoluer la Ve République en s'inspirant, sans renier sa famille politique de droite, de l'expérience et des valeurs du centrisme de «bon gouvernement», hérité du temps de Guizot et de Ferry" (page 181).

Reprenons le raisonnement de l'auteur : 1) François Guizot et Jules Ferry incarnaient le centrisme de "bon gouvernement", "du rassemblement et du juste milieu" 2) VGE a repris dans Démocratie française cette philosophie 3) donc VGE s'est inspiré du centrisme.

Or, il me semble que l'historien oublie juste une chose: Guizot, Ferry et Giscard d'Estaing appartiennent à la même famille politique, la famille libérale. Il est donc logique qu'ils défendent le même libéralisme politique et le même parlementarisme face aux tenants d'un exécutif fort!

En réalité, jusqu'à la page 95 ce n'est effectivement pas une histoire du centre que nous livre Jean-Pierre Rioux mais une histoire de la famille libérale. Une famille dont les représentants n'ont pas toujours siégé au centre des assemblées parlementaires: Jules Ferry, par exemple, n'était absolument pas au centre mais à gauche (ses partisans étaient regroupés au sein du groupe de la Gauche républicaine). Mais je reviendrai sur cette critique, la plus importante il me semble, dans une prochaine note...

 

06 janvier 2011

Ces centristes qui ont fait l'Histoire

[N'ayant pas encore eu le temps de rédiger, en argumentant, ma liste précise de points de désaccords avec Jean-Pierre Rioux, je publie en attendant ma recension parue ce jeudi dans La Croix]

 

L'historien Jean-Pierre Rioux, proche de François Bayrou, dresse une galerie de portraits des centristes depuis la Révolution française

Face à la droite (René Rémond) et à la gauche (Jean Touchard, Jean-Jacques Becker et Gilles Candar), qui ont leurs historiens de référence, le centre fait un peu figure d'oublié. Une lacune que contribue à combler Jean-Pierre Rioux, directeur de la revue d'histoire Vingtième siècle (et collaborateur de La Croix), en publiant fort opportunément un ouvrage sur Les Centristes, de Mirabeau à Bayrou. Comme il le précise lui-même en introduction, il s'agit davantage d'un essai que d'une publication scientifique, l'auteur ayant visiblement coiffé dans son travail d'écriture autant sa casquette d'historien de renom que celle d'animateur de l'université populaire du MoDem.

Ponctuée par de nombreux portraits de figures connues ou oubliées, c'est une histoire du centre qui défile devant le lecteur. C'est toute l'originalité de l'œuvre de Jean-Pierre Rioux: avoir cherché le fil rouge qui, de la Révolution à nos jours, constitue, selon lui, l'identité centriste. Finalement, le centrisme serait surtout une attitude: la recherche du "juste milieu" et du "bon gouvernement" ou, reprenant la définition de Maurice Duverger, l'ambition de "donner la prédominance à la distinction des extrémistes et des modérés sur celle de la droite et de la gauche".

Cette définition du centre présente l'avantage de ne pas être avant tout idéologique (même si l'auteur cède parfois à cette tentation), évitant ainsi l'écueil du changement de place des courants de pensée sur l'échiquier politique, au gré des périodes historiques. Ce qui est particulièrement vrai en ce qui concerne les "trois eaux mêlées" qui constitueraient le centrisme: "la libérale, la radicale-socialisante et la démocrate-chrétienne". Leurs représentants n'ont en effet pas toujours siégé au centre des assemblées parlementaires, tandis, comme le rappelle l'historien, qu'elles "n'ont pas toujours conflué, loin de là".

Jean-Pierre Rioux ne confère toutefois pas le même débit à ces trois affluents, puisque "au bout du compte c'est la mouvance démocrate-chrétienne, issue de Marc Sangnier et du Sillon, bien inscrite dans l'héritage du christianisme social dès le temps de Léon XIII, qui est restée le courant le plus original, le plus incisif et le plus déterminant chez les centristes". C'est d'ailleurs "au nom de valeurs humanistes de la démocratie chrétienne que François Bayrou, enfant de ce sérail, a mené sa bataille au sein de l'UDF et qu'il poursuit son combat". Poussant jusqu'au bout cette idée, l'auteur avance que "tous les centristes, d'où qu'ils viennent, savent qu'un certain sens chrétien de l'homme et du monde a valorisé dans leur famille la quête du sens, le respect de l'autre, le souci moral et spirituel, en un mot l'envie de civiliser la politique".

Jean-Pierre Rioux souligne cependant deux ruptures conduites par François Bayrou. D'une part, il a "outrepassé son centrisme démocrate-chrétien pour renouer avec son non-conformisme personnaliste d'origine, appris chez Charles Péguy, Lanza del Vasto ou Jacques Ellul, pour devenir un candidat au ton plus populiste". D'autre part, il a adopté une "stratégie privilégiant l'élection présidentielle, à l'inverse de la culture politique de sa famille d'origine". Mais conformément à la Ve République gaullienne.

Laurent de Boissieu
La Croix, 06 janvier 2011

 

Les centristes, de Mirabeau à Bayrou de Jean-Pierre Rioux
Fayard, 314 p., 18,50 €

16 décembre 2010

Les centristes de Mirabeau à Bayrou

Je viens juste de recevoir le livre de Jean-Pierre Rioux sur "les centristes de Mirabeau à Bayrou" (Fayard, sortie le 5 janvier). Ayant commencé (sans avoir le temps de continuer et terminer) une histoire du centre en France, je me réjouis par avance de cette lecture!

Recension (sans doute assez critique) à venir...

 

 

11 novembre 2010

Jean Charbonnel: le "gaullisme de progrès"

J'ai rédigé cette semaine, dans La Croix, deux portraits (pour la rubrique "Que sont-ils-devenus?") d'anciens ministres du général de Gaulle. Après Philippe Dechartre, voici celui de Jean Charbonnel, publié mercredi.

 

Le 8 janvier 1966, De Gaulle le nomme au gouvernement
Au mois de décembre 1965, le chef de l'État demande à voir en tête-à-tête Jean Charbonnel, élu trois ans plus tôt député de la circonscription de Brive. "Sous prétexte de mieux me connaître, il me faisait, en fait, passer un examen de passage, se souvient le futur ministre. D'abord paralysé par la timidité, j'ai vu devant moi le président de la République, mais j'ai aussi vu l'homme, qui s'est enquis, en me mettant à l'aise, de mon parcours personnel et politique. Il manifesta pour moi une bienveillance grand-paternelle, et j'éprouvai vite un grand honneur et une grande joie à travailler près de lui." Un mois plus tard, Jean Charbonnel devient en effet secrétaire d'État chargé de la Coopération.

 

Ancien secrétaire d'État chargé de la Coopération sous De Gaulle (1966-1967) puis ministre du Développement industriel et scientifique sous Pompidou (1972-1974), Jean Charbonnel déborde encore d'activités. Agrégé – et passionné – d'histoire, il court de colloques en colloques: "De Gaulle et Paris", animé par son ami Gilles Le Béguec les 24 et 25 novembre, puis "De Gaulle et l'Afrique", organisé les 2 et 3 décembre par la Fondation Charles-de-Gaulle.

Surtout, militant fidèle du gaullisme, Jean Charbonnel préside toujours, à 83 ans, un mouvement politique: la Convention des gaullistes sociaux pour la Ve République, qui possède une poignée d'élus municipaux. "Tant que Dieu me prête vie, j'ai bien l'intention de continuer à m'occuper de la cité, et donc à garder une activité politique", explique-t-il.

De cette double casquette, de militant et d'historien (1), Jean Charbonnel tire une fidélité indéfectible à une certaine idée du gaullisme, loin de ceux qui n'y voient qu'une "attitude" ou un "pragmatisme" sans contenu doctrinal. Ce souci fut l'objet, dès avril 1970, premier anniversaire du départ du Général, d'une tribune intitulée "La légende et l'héritage", publiée dans la presse puis diffusée par l'UDR, dont il était l'un des dirigeants. "J'étais et je reste absolument convaincu que le gaullisme n'est pas mort avec De Gaulle", martèle-t-il encore aujourd'hui. Gaulliste social, il travaille justement à un nouveau livre afin de "ne pas laisser enfermer Charles de Gaulle dans des commémorations ou dans des musées" et de "rétablir la vérité sur le gaullisme".

Même si Jean Charbonnel fut l'initiateur de l'opération des "jeunes loups" aux élections législatives de 1967, point de départ de l'émergence politique de Jacques Chirac, sa fidélité à une certaine idée du gaullisme entraîna une rupture entre les deux hommes: le "gaulliste de progrès" fut écarté en 1975 d'une UDR prise en main par  son "compatriote corrézien". Jean Charbonnel reproche toujours à l'ancien premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing sa "trahison" envers Jacques Chaban-Delmas, à l'élection présidentielle de 1974. De fait, il n'a jamais voté en faveur de Jacques Chirac, soutenant Michel Debré en 1981, Raymond Barre en 1988 (avant de participer à l'ouverture de François Mitterrand et Michel Rocard), Édouard Balladur en 1995, puis Jean-Pierre Chevènement en 2002.

C'est d'ailleurs un chiraquien, Bernard Murat, qui l'a successivement battu aux élections législatives de 1993 puis aux municipales de 1995. Depuis, le socialiste Philippe Nauche a remplacé Bernard Murat en s'alliant avec le gaulliste "charbonnelliste" Étienne Patier (petit-fils d'Edmond Michelet), devenu maire-adjoint.

En 2007, enfin, l'ancien maire de Brive a soutenu Nicolas Sarkozy. "C'est le premier gouvernement qui renoue avec la politique industrielle", se félicite celui qui a été reçu en mai dernier à Bercy par Christian Estrosi, l'actuel ministre de l'Industrie. L'occasion pour ce dernier de dévoiler son "admiration" pour Georges Pompidou et Jean Charbonnel, "le tandem qui, en deux ans, a lancé le programme électronucléaire, le projet spatial (Ariane) et les lignes à grande vitesse (TGV)".

Ce soutien n'empêche pas Jean Charbonnel d'émettre aujourd'hui de "fortes réserves" sur la "pratique présidentialiste" des institutions par Nicolas Sarkozy et sur le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan. L'ancien ministre se remémore des mots prononcés lors du conseil des ministres "historique" du 9 mars 1966, dont il est l'un des rares survivants. "La décision que je vous demande est importante, avait solennellement exposé le général de Gaulle. Si vous la prenez, vous conforterez notre force de dissuasion et pourrez ainsi avoir la certitude de léguer la paix à vos enfants. Je vous demande une adhésion personnelle. Ceux qui ne seraient pas d'accord peuvent le signaler tout de suite, mais ils quitteront le gouvernement."

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 10 novembre 2010

(1) Dernier ouvrage publié: Les légitimistes, de Chateaubriand à De Gaulle, La Table Ronde, 2006.