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24 octobre 2022

Au revoir, Limite!

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c'est la Une la plus moche de Limite, mais c'est celle du numéro Un...

 

Merci à l'équipe de la revue Limite, qui va publier son ultime numéro. Ce qui aurait pu être une revue conservatrice parmi d'autres, "génération Manif pour tous", a su se transformer (au prix de départs au sen de l'équipe fondatrice) pour devenir le héraut parfois incompris de la "génération Laudato si'".

Non abonné, je le confesse, mais lecteur régulier, il s'agissait d'une voix indispensable et essentielle dans le paysage médiatique et intellectuel catholique. J'espère que cet étendard sera relevé, sous une forme ou une autre. Voilà pourquoi je préfère dire "au revoir", plutôt qu'"à Dieu", en misant sur les fruits de l'arbre.

Je n'étais pas 100% revue Limite. Mon tropisme "chrétien donc anticapitaliste" s'y retrouvait pleinement, même si j'y étais arrivé par le social, alors que Limite y menait par l'écologie. De fait, c'est la question de la survie de l'humanité et de la Création qui rend aujourd'hui de nouveau audible une alternative non marxiste au capitalisme, déjà portée hier par des chrétiens au nom de la dignité de la personne humaine et de la fraternité.

Converti à l'écologie vers 2012-2014, je suis néanmoins resté méfiant en lisant Limite vis-à-vis de la promotion de la décroissance et de la critique de la notion de progrès. Comme souvent, c'est sans doute partiellement une question de définition: oui au progrès social, non aux progrès techno-scientifiques sans limites morales; oui à la sobriété, non au gaspillage des ressources (bref, décroissance de quoi et jusqu'où dans un monde où ni la pauvreté ni la précarité n'ont été éradiquées?) etc.

Autre nuance: le rapport méfiant à l'État. Or, le colibri c'est bien gentil mais ça a ses limites de vol et de force, l'associatif c'est un pansement indispensable mais ce n'est pas un traitement, tandis que les communautés de base c'est bien dans l'Église mais pas dans une nation. Au-delà de Limite, j'ai cette divergence avec beaucoup de mes coreligionnaires, puisque l'État-nation est à mes yeux l'instrument indépassable de la généralisation et de l'efficacité sociale et écologique (pour paraphraser Péguy sur le kantisme, sans l'État on a peut-être les mains pures, mais on n'a surtout pas de mains - si j'étais taquin, je ferais un parallèle avec la blague de l'écologie libérale qui veut inciter et non contraindre).

Enfin, j'ai progressivement senti chez certains rédacteurs une volonté individuelle de gommer les racines "Manif pour tous", non seulement en relisant le passé afin de préparer l'avenir - sain(t)e démarche -, mais aussi en renchérissant parfois dans le "gauchisme" ("maladie infantile", pas uniquement du communisme?) sociétal: si j'avais adopté à l'époque une position inverse de celle des futurs fondateurs de Limite, les conservateurs - pas plus que les marxistes - n'ont pas forcément toujours tort par principe et sur tout. Et je ne parle pas là de leur belle tribune collective de septembre 2019, dans laquelle j'ai trouvé sur le fond pas mal de convergences avec ce que j'écrivais en janvier 2013 (même si mon approche était moins technocritique).

Quand on est bien dans ses valeurs et convictions, il ne faut pas craindre d'être le samedi dans une assemblée aux côtés de François-Xavier Bellamy (malheureusement tant qu'à faire, davantage un libéral-conservateur qu'un authentique conservateur donc antilibéral) pour défendre la vie contre l'euthanasie, puis le dimanche sur les pavés aux côtés de François Ruffin pour défendre les services publics contre le néolibéralisme.

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