Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18 novembre 2008

Appeler un racialiste un racialiste

racialisme.jpgUne amie (merci Anne !) m'a signalé un article du quotidien Le Monde qui m'avait échappé. Il s'agit plus exactement de la chronique de la médiatrice publiée ce week-end. "L'élection de Barack Obama a un avantage annexe, appréciable pour les médiateurs : on peut enfin écrire 'noir' (...) sans recevoir une volée de messages criant au racisme", écrit Véronique Maurus. "C'est nouveau: jusque-là, mentionner la couleur de la peau, les racines ethniques ou religieuses d'une personne était tabou", poursuit-elle en dénonçant dans son papier le "politiquement correct".

Il ne s'agit pourtant pas forcément de "tabou" ou de soumission au "politiquement correct". Je cite encore Véronique Maurus: "Rien dans les chartes de déontologie n'interdit de préciser la couleur de peau, l'origine ethnique, la religion ou l'orientation sexuelle d'une personne, à condition que ces détails soient pertinents dans le contexte - ou que l'intéressé s'en prévale".

Or, justement, autant dans le contexte de la société racialiste américaine préciser la couleur de la peau peut être sociologiquement pertinent, autant le faire dans le contexte de la société française relève d'un parti pris déterminé (lire par exemple dans Le Monde: "La diversité ethnique s'impose lentement sur les écrans français", 22/09/2008). Il s'agit plus précisément d'un parti pris racialiste (qui, contrairement au racisme, n'établit pas de hiérarchie raciale).

Or, jusque-là, en France, un tel parti pris était marginalement cantonné à l'extrême droite. Le courant racialiste (ou "racisme différentialiste" selon Pierre-André Taguieff) dit Nouvelle Droite - qui a depuis longtemps réorienté son combat du champ politique vers le champ culturel ("métapolitique" inspirée du communiste italien Antonio Gramsci) - est donc en passe de remporter une victoire sémantique (sans d'ailleurs que ce courant y soit pour quelque chose). "Qui commence à parler comme nous finira peut-être par penser comme nous", se félicite ainsi Fabrice Robert, animateur du groupuscule d'extrême droite Les Identitaires, dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Minute. Il ne s'agit alors plus de considérer la couleur de peau comme un élément de description d'une personne (qui ne doit alors pas être davantage tabou que la couleur des yeux ou des cheveux, la taille, la corpulence etc.) mais comme une composante de son identité.

"Cette approche décomplexée (de fraîche date il est vrai) n'a pas encore gagné la France", déplore Véronique Maurus en expliquant que de nombreux lecteurs "se sont plaints du racisme sous-jacent de nos articles".

S'il s'agit en réalité de racialisme et non de racisme, félicitons-nous plutôt de la saine et républicaine réaction de ces lecteurs: tout n'est semble-t-il pas encore perdu pour la citoyenneté une et indivisible!

05 novembre 2008

Guéris, les États-Unis vont-ils nous refiler le virus racialiste ?


obama.jpgL'élection d'une majorité de grands électeurs favorable à Barack Obama pourrait marquer le début d'une nouvelle ère aux États-Unis, une ère post-raciale. Barack Obama n'a en effet pas été préféré par les Américains parce qu'il était un "candidat noir"' (nonobstant le fait qu'il soit métis) mais, malgré le fait qu'il le soit, parce qu'il était le candidat Démocrate de la rupture avec les deux mandats successifs du Républicain George W. Bush (quels que soient les qualités ou les défauts de John Mac Cain, trop rapidement assimilé en France à ce dernier). Ce n'est en réalité pas Barack Obama qui fera l'Amérique post-raciale, même s'il s'agit du magnifique projet qu'il incarne et porte. C'est l'Amérique post-raciale qui a permis son parcours politique.

Car, dans le contexte américain particulier, le succès de Barack Obama possède bien une signification "racialo"-sociétale. En dépit des treizième (1865, abolition de l'esclavage) et quatorzième (1868, égalité entre les citoyens) amendements de la Constitution américaine, il faudra en effet attendre un siècle, avec les lois successives sur les droits civiques entre 1954 et 1968, pour que les États-Unis en finissent enfin avec le racisme institutionnalisé.

Ce passé ségrégationniste fait de la société américaine une société racialiste (justifiant provisoirement de mettre entre-parenthèse l'universalisme par une pratique de "discrimination positive" en fonction de la couleur de peau) et, partant, l'accession d'un métis à la Maison Blanche un moment historique, non pas politiquement mais sociétalement. Plus qu'un progrès, l'élection de Barack Obama constitue surtout une normalisation de la société américaine: comme dans toutes les démocraties, un citoyen "noir" peut dorénavant être élu à la présidence des États-Unis, tout simplement parce que les idées politiques qu'il défend sont majoritaires.

Paradoxalement, au moment où les États-Unis semblent entrer dans une ère post-raciale avec l'élection de Barack Obama, cette victoire risque de faire entrer la France dans une ère "raciale", inédite dans la nation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. La France a, certes, connu l'esclavage et la colonisation (tournant alors le dos à ladite Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen...), mais la société française n'a jamais été une société racialiste. Contrairement aux États-Unis (où sept catégories raciales sont officiellement recensées: "White", "Black or African American", "American Indian and Alaska Native", "Asian", "Native Hawaiian and Other Pacific Islander", "some other race", "two or more races"), il n'existe ainsi pas de catégorisation des citoyens en fonction de la couleur de peau. Or nul doute que le vote des Américains va quand même venir nourrir les discours antirépublicains racialistes et communautaristes parlant de "diversité", de "minorités", de "statistiques ethniques" ou de "discrimination positive". Autant de volonté de racialiser la société française et raciser les citoyens.

Et nul doute que les gogos vont tomber dans le panneau. L'élection de Barack Obama est un symbole pour les États-Unis d'Amérique en raison de leur histoire. Mais ce n'est en rien un symbole universel. Contrairement aux États-Unis, l'élection, en France, d'un candidat de couleur de peau noire à la présidence de la République n'aurait strictement aucune signification en soi. L'élection, en revanche, d'une personne issue d'un quartier sensible en aurait, prouvant que l'ascenseur social n'est pas définitivement en panne. Quelle que soit la couleur de peau ou l'origine du nom de famille de l'intéressé(e).