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15 novembre 2006

Que reste-t-il du gaullisme ?

Voilà longtemps que De Gaulle n’avait pas été aussi souvent évoqué, voire invoqué, à l’Assemblée nationale ! L’actuel projet de loi sur le secteur de l’énergie a en effet donné lieu à de vifs échanges autour du gaullisme. Plus de trente-cinq ans après son décès, « l’ombre du général de Gaulle », pour reprendre une expression utilisée par plusieurs députés, hante toujours l’hémicycle. Et brouille les clivages partisans. Car, outre quelques individualités de l’UMP comme Nicolas Dupont-Aignan, c’est la gauche socialiste et communiste qui s’est le plus réclamée de l’héritage de Charles de Gaulle pour s’opposer à la privatisation de Gaz de France.

Au-delà des polémiques partisanes, que reste-t-il, dans la France du XXIe siècle, de la pensée et de l’action du grand homme né au XIXe siècle ?

 

1. La continuité la plus évidente entre De Gaulle et ses successeurs semble concerner les institutions, puisque la république qu’il a fondée en 1958 est toujours en place. Les révisions de la Constitution et la pratique montrent toutefois des ruptures par rapport aux vues exposées par son fondateur. Dès l’adoption du quinquennat, le 24 septembre 2000, le professeur de science politique Robert Ponceyri rappelait ainsi « l’attachement indéfectible et conséquent du Général au septennat », affirmant que ce changement constitue « non pas un tournant dans l’histoire de la Ve République, comme cela avait pu être le cas de la dissolution ratée de 1997, mais bien la fin de la “République gaullienne” » (1).

Autre rupture, justement : la pratique gaulliste d’une responsabilité politique du chef de l’État devant le peuple. Les pages du site de la Fondation Charles de Gaulle consacrées aux institutions insistent en effet sur le « souci constant » du Général de « conserver » ce qu’il avait appelé, dans son allocution du 20 septembre 1962, « la confiance explicite de la nation ». De la parole aux actes, il démissionna de la présidence de la République le lendemain d’un référendum négatif (27 avril 1969). Ce que refusa en revanche de faire Jacques Chirac après la victoire de la gauche aux élections législatives qu’il avait pourtant provoquées.

 

2. Il est un autre domaine où le fil gaulliste semble par contre ne pas s’être rompu : la place de la France dans le monde. La position de Jacques Chirac contre l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, se situait dans la continuité d’une France gaulliste alliée mais indépendante des États-Unis. « À son retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle estimait que la France devait retrouver son indépendance, raconte la Fondation Charles-de-Gaulle. Il décida de dégager la France de l’intégration réalisée par l’Otan sous commandement américain. »

Même si, depuis le 5 décembre 1995, la France a réintégré le conseil des ministres et le comité militaire de l’Otan, elle n’en est pas pour autant devenue atlantiste. Rares sont en effet les présidentiables qui critiquent rétrospectivement, à l’image de Nicolas Sarkozy à droite ou de Dominique Strauss-Kahn à gauche (2), l’éventualité d’utiliser contre les États-Unis le droit de veto de la France au Conseil de sécurité de l’ONU.

 

3. Reste un autre sujet de politique étrangère sur lequel les héritiers du Général ne cessent de se disputer : la construction européenne. Il ressort des travaux de la Fondation Charles-de-Gaulle que l’Europe gaulliste est, d’une part « une “Europe des États” excluant toute supranationalité », et d’autre part « une “Europe européenne”, c’est-à-dire libre, indépendante à l’égard des superpuissances, et plus spécialement des États-Unis ».

Ces deux aspects souffrent aujourd’hui d’interprétations contradictoires parmi ceux qui se réclament du gaullisme . Les uns s’opposant à l’actuelle construction européenne en ce qu’elle porte atteinte aux souverainetés nationales (Nicolas Dupont-Aignan). Les autres estimant qu’il s’agit de délégations et non d’abandons de souveraineté (Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Debré).

En ce qui concerne la relation atlantique, c’est le socialiste Jacques Delors qui a le plus clairement exposé l’impasse européenne du gaullisme : « Si l’on souhaite véritablement une politique étrangère européenne, on doit tenir compte du fait que la plupart des gouvernements sont à la fois européens et atlantistes (…). Si la France exclut les pays atlantistes, avec qui fera-t-elle l’Europe politique ? » (3). La conception de Charles de Gaulle d’une « Europe européenne » indépendante des États-Unis explique en effet à la fois l’opposition des gaullistes à la Communauté européenne de défense (1954) puis celle des autres États européens au projet gaulliste d’Europe politique (plan Fouchet de 1962).

 

4. Enfin, l’interprétation de la politique économique et sociale gaulliste demeure également controversée. Les nationalisations et la création du Plan, par De Gaulle, à la Libération, relèvent-elles d’une pensée dirigiste ou des seules circonstances de la reconstruction ? Dans le premier cas, le néolibéralisme qui domine à droite comme à gauche depuis 1983 signifierait que, sur les questions économiques, le gaullisme ne constitue plus une référence. Dans le deuxième cas, libre à chacun de choisir, en fonction de son analyse ou de ses convictions, quel type de politique économique imposent les circonstances actuelles.

Il est toutefois une thématique sur laquelle le général de Gaulle est plus précis : l’association capital-travail ou participation, « troisième voie entre capitalisme et communisme ». Même si, comme le souligne la Fondation Charles-de-Gaulle, « sa réalisation reste inachevée ». La participation financière est le volet le plus connu de la participation (ordonnances de 1959 et 1967 sur l’« intéressement » et la « participation »). La participation aux responsabilités est, en revanche, peu développée. Elle n’existe qu’à travers les comités d’entreprise (ordonnance du 22 février 1945), renforcés par la gauche en 1982 avec les lois Auroux.

Cette convergence entre gaullisme et socialisme d’inspiration autogestionnaire s’explique par une double origine doctrinale commune : d’une part le socialisme associationniste du XIXe siècle, non marxiste, et d’autre part le christianisme social.

Dans l’esprit de Charles de Gaulle et de la poignée de gaullistes « de gauche », les salariés doivent participer aux responsabilités en tant que tels. Mais les gaullistes « de droite », dans la lignée de Georges Pompidou, n’envisagent, eux, la participation aux responsabilités qu’au travers du développement de l’actionnariat salarié (lois de 1970 et 1973, ordonnance de 1986).

Tel est l’objet d’un projet de loi actuellement débattu au Parlement. Débats durant lesquels les surenchères au gaullisme se sont multipliées, aussi bien sur les bancs de l’UMP (Patrick Ollier, Jean-Michel Dubernard) que sur ceux du PS (Michel Charzat) ou du PCF (Maxime Gremetz). De Gaulle lui-même ne disait-il pas que « tout le monde a été, est ou sera gaulliste » ?

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 11/11/2006

 

(1) Revue politique et parlementaire, septembre-octobre 2000.
(2) Pour Nicolas Sarkozy : entretien dans Le Monde du 10 septembre 2006 et discours à Washington le 12 septembre 2006 ; pour Dominique Strauss-Kahn : entretien dans la revue Le Meilleur des Mondes, automne 2006.
(3) Le Point, 22 janvier 2004

 

Commentaires

Bel article...ou...comment se projeter 50 ans en arrière et ne pas se rendre compte que les temps ont changé...

Écrit par : avecsarkozy | 15 novembre 2006

bonjour,
cet article avait justement pour objet d'analyser ce qu'il reste aujourd'hui du gaullisme, que l'on soit pour ou contre les idées gaullistes, que l'on considère qu'elles soient dépassées ou encore d'actualité !

Écrit par : Laurent de Boissieu | 15 novembre 2006

Je pense que beaucoup d'hommes et de femmes politiques se servent du Général de Gaulle, pour garder un peu de crédibilité. Il serait politiquement incorrect de reconnaître que l'on s'éloigne de l'esprit du Général, mais c'est pourtant ce que font plusieurs d'entre-eux dans leurs actes : honneur, droiture, loyaute, probité, incorruptibilité, moralité, sont des termes qui apparaissent peu sur les cartes de visites des "politiques" actuels.
L'un d'entre-eux, pourtant, me laisse espérer que la France pourrait retrouver une certaine fierté, il s'agit de Nicolas DUPONT-AIGNAN.
Je me demande pourquoi on ne parle jamais de lui , ou très peu dans les médias ? Seul Canal Plus a montré son passage le 9 novembre sur la tombe du Général.
Pourquoi, alors qu'il milite en politique depuis déjà de nombreuses années, ne lui a t-on jamais proposé un ministère ? Son CV me parait pourtant honorable !
Je vous remercie donc de l'avoir cité à 2 reprises dans votre article.
Je ne suis rien en politique. Seulement une mère et une grand-mère qui s'inquiète de l'avenir des siens.
Les gens que j'entends parler ne connaissent que Ségolène ROYAL, NicolaS SARKOZY, ou Jean-Marie Le PEN.
Ils ne font aucun effort, je le reconnais, mais le rôle des Télés s'arrête-t-il à leur chiffre d'audimat, et celui de la presse écrite aux scandales de la vie privée ?

Écrit par : Delacroix | 15 novembre 2006

Bonjour,

Juste un petit message pour vous poser une question légèrement personnelle.

Votre nom, pour qui s'est interessé un peu à la vie du Général, peut amener quelques interrogations...

Etes-vous de la famille du Général de Gaulle?

Je tiens à vous dire que vous avez écrit un très bon article très objectif.

Vous remerciant d'avance pour votre réponse.

Bien à vous

Jérôme T.
Debout les Jeunes Lorraine
(soutien à Nicolas Dupont Aignan)

Écrit par : Jérôme T. | 18 novembre 2006

Bonjour Jérôme,
La famille est vaste... Pour répondre précisément à votre question, Alain était un parent éloigné.
Puisque le gaullisme vous intéresse, je vous invite à visiter un autre de mes sites (que je vais prochainement mettre à jour):
http://www.gaullisme.net
Bien à vous,
Laurent de Boissieu

Écrit par : Laurent de Boissieu | 18 novembre 2006

Il y a trente six ans, le général de Gaulle rejoignait l’Histoire : la France était alors veuve, selon les mots de son président. Néanmoins, loin d’une nostalgie dévorante, le gaullisme garde encore tout son sens en ce début de siècle. Le gaullisme, en tant que doctrine politique, se caractérise par deux thématiques : la participation et le nationalisme républicain.

La participation peut être divisée en macro-participation et micro-participation : La macro-participation se traduit par la défense des institutions de la Ve République pour un Etat fort, par le projet de fusion du Sénat et du Conseil économique et social afin que les « forces vives » soient associées à l’élaboration de la loi, ainsi que par la déconcentration régionaliste dans le but de rapprocher la République « une et indivisible » des citoyens.
La micro-participation entraîne une plus forte participation du salarié à la vie de l’entreprise : on parle alors d’association capital-travail.
Le nationalisme républicain présente plusieurs facettes : l’indépendance nationale et européenne qui ne peut être conciliée que par une Europe des Etats, par une Europe Européenne pleinement indépendante, et par un recours à des référendums d’autodéterminations. L’attachement à la République s’exprime à travers la volonté que le politique prime sur l’économique, le respect de l’autorité de l’Etat, et la solidarité nationale entre les citoyens et entre les territoires, solidarité qui ne peut passer que par l’égalité des chances.

Toutes ces problématiques sont donc au cœur du débat politique contemporain que ce soit à propos de démocratie participative, de décentralisation, de valeurs républicaines, de place de la France en Europe et dans le Monde.

De ce fait, l’action politique gaulliste a fait le choix du volontarisme contre le fatalisme, du pragmatisme économique et social contre toutes idéologies, de l’action contre la contemplation.

De Gaulle confiait à Malraux : « Si je peux, avant de mourir, revoir une jeunesse française… ». Quarante-six ans après sa disparition, notre génération, fille de celle, rebelle, de Mai 1968, a le devoir de reprendre son destin en main, en réformant, en modernisant notre pays.
Construisons la France d’après 2007 autour de l’UMP et de son président à la manière du Général de Gaulle qui a su incarner la rupture en 1958.


http://umpsciencespo.hautetfort.com/archive/2006/11/09/de-gaulle-est-mort-vive-le-gaullisme.htm

Écrit par : Gaullist Forever | 19 novembre 2006

Pour moi, le seul, le véritable héritier du gaullisme, c'est Nicolas Dupont-Aignan.
Je ne comprends pas qu'un homme aussi probe que lui n'ait pas la place qui lui revient dans la vie politique de notre pays.
C'est vrai, et c'est bien lamentable, mais nous sommes entrés dans l'ére de la "pipolisation" et qu'il suffit de faire la une des canards, pour tout et n'importe quoi, pour monter dans les sondages.
Sont-ce les médias qui prennent les Français pour des veaux ? Ils ont oublié leur campagne pour le OUI au TCE et la réponse du peuple. Pourvu que ce même peuple ait la même présence d'esprit pour la prochaine présidentielle et vote bien.

Écrit par : marga | 24 novembre 2006

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