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27 mai 2010

La retraite à 60 ans : une mesure emblématique de l'alternance de 1981

La retraite à 60 ans - que l'actuelle majorité veut remettre en cause - a été l'une des mesures les plus emblématiques du premier septennat de François Mitterrand. Il s'agissait de la 82e des 110 propositions du candidat socialiste. "Le droit à la retraite à taux plein sera ouvert aux hommes à partir de 60 ans et aux femmes à partir de 55 ans", pouvait-on ainsi lire en ouverture du sous-chapitre intitulé "Une société solidaire". Le passage de la retraite de 65 à 60 ans n'a toutefois pas fait l'objet d'une loi votée par le Parlement mais a été adopté par ordonnance, avec entrée en vigueur le 1er avril 1983.

"L'abaissement à 60 ans de l'âge de la retraite est une aspiration sociale ancienne qui n'a pas reçu jusqu'à présent une réponse satisfaisante", exposait l'ordonnance du 26 mars 1982. Cette dernière souligne donci que cela "constituera une étape significative de la politique de progrès social mise en œuvre par le gouvernement". Le fondement de cette mesure est l'idée d'un "véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l'issue d'une durée de carrière normale".

Le contexte politique est bien entendu celui de l'alternance de 1981, avec l'élection, le 10 mai, de François Mitterrand à la présidence de la République. En décembre, le Parlement vote un projet de loi d'orientation autorisant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'ordre social. C'est sous cette forme que seront adoptés, entre janvier et mars 1982, la réduction du temps de travail hebdomadaire de 40 à 39 heures, l'instauration d'une cinquième semaine de congés payés, l'abaissement de l'âge de la retraite ou encore la création des chèques vacances.

Mais c'est justement à cette période que prend fin l'"état de grâce" de la nouvelle majorité. À l'issue des élections cantonales des 14 et 21 mars, la droite prend en effet huit présidences de conseils généraux à la gauche. Parallèlement, la majorité de gauche commence à se diviser. Dès la fin novembre 1981, le ministre de l'économie et des finances, Jacques Delors (PS), souhaite "une pause dans les réformes". L'économie française connaît en effet une passe difficile depuis le second choc pétrolier de 1979. Alors que les partenaires commerciaux de la France adoptent des budgets de rigueur, le projet de loi de finances pour 1982 est, à l'inverse, un budget de relance keynésienne, avec une hausse de près de 30% des dépenses publiques. Si cette politique permet de créer des emplois, elle dégrade en revanche fortement la balance commerciale.

En juin 1982, le "plan d'accompagnement" d'une deuxième petite dévaluation du franc marque le début du "tournant de la rigueur" avec le blocage temporaire des prix et des salaires (Smic excepté), suscitant le mécontentement du PCF et d'une partie du PS (1). Pour la gauche sonne l'heure du choix. Soit la sortie du Système monétaire européen (SME) en laissant le franc se déprécier fortement afin de freiner les importations et de soutenir le développement industriel et l'emploi. Soit le maintien au sein du SME, c'est-à-dire la priorité donnée à la lutte contre l'inflation (franc fort) et la confirmation d'une politique de rigueur. François Mitterrand tranchera en faveur de cette seconde option, refermant le temps des grandes réformes structurelles : décentralisation, nationalisations, grandes mesures emblêmatiques d'ordre social.

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 27 mai 2010

(1) ministre de la Solidarité nationale, la chevènementiste Nicole Questiaux démissionne dès juin 1982 du gouvernement, qui engage le même mois sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur son programme économique; Jean-Pierre Chevènement ne siègera plus dans le gouvernement Mauroy III (22/03/1983) mais reviendra dans le gouvernement Fabius (17/07/1984), auquel ne participera en revanche plus le PCF.

Commentaires

Il y une chose que l'on oubli de dire ,ce sont toutes ces entreprises qui délocalisent pour faire + d'argent, qui mettent des gens au chômage et à la retraite et non les ouvriers et employés. IL FAUT LEURS FAIRE PAYER PLUS DE TAXES.
noel911

Écrit par : AITIS | 27 mai 2010

Merci pour ces rappels, Laurent.

Mais il ne faut pas rêver...
Soyons concrêt : voici mon cas personnel.
1) J'ai toujours su depuis le début de ma conscience politique et économique (le début des années 1980) que le système de retraite (par répartition) allait craquer et que je ne devrai pas compter la-dessus pour vivre.
2) J'ai toujours su (depuis une 30aine d'année) que, pour ma retraite, je ne devrai pas compter sur grand chose à part mon épargne. Une simple courbe démographique suffit à la voir : le problème des retraites est uniquement démographique. Donc, ayant vite compris celà (au collège ou au lycée), j'épargne (et pas seulement pour celà).
3) Si je l'ai su depuis 30 ans, c'est que les dirigeants politiques, économiques et sociaux, mieux informés que moi, le savent aussi. Donc seul le manque de courage politique les a conduit à ne rien faire (rien avant Fillon-Raffarin en 2003). C'est la politique à la Louis XV du "après moi le déluge" (le déluge a bien eu lieu : demandez à son petit-fils Louis XVI).
4) Il fallait - notamment - depuis des années introduire une dose de retraite par capitalisation (et pas toute mise en Bourse, celà va de soi !). Plus on l'aurait fait tôt, plus celà aurait été indolore.
5) Accessoirement, pour la petite part mise en Bourse, celà aurait constitué un fort actionnariat collectif français, en mesure de contrebalancer dans le capital des entreprises françaises les puissants fonds anglo-saxons (on pourrait combiner tout celà avec le pan-capitalisme de Marcel Loichot).
6) Maintenant que tout le monde a bien rigolé pendant 20 ou 30 ans à se refiler la patate chaude, à faire l'autruche, ou à jouer au syndicaliste effarouché pour la "défense des acquis sociaux" (je rigole : il n'y a pas d'acquis, c'est tout le monde qui paie !), il va falloir prendre des mesures radicales : retraite à 70 ans ? explosion de la durée des cotisations ? chute des prestations ? immigration ?... On n'a que ce qu'on mérite. Il fallait soit résoudre le pb démographique, soit réforme le système des retraites des années auparavant.

Tout celà, ce sont des évidences que tout le monde pouvait voir (et beaucoup voyait sans l'avouer). Qu'on cesse enfin de faire le naïf, l'innocent ou l'offusqué sur ce sujet. Il va maintenant falloir payer 30 ans d'irresponsabilité. Ca va être sanglant. Onl'aura bien mérité.

Écrit par : Libéral européen | 27 mai 2010

Bonjour Libéral européen !

Je ne suis pas d'accord avec tout :

- Dans la direction que tu souhaites, rien n'a pas été fait avant Fillon-Raffarin en 2003 : il ne faut pas oublier Veil-Balladur en 1993.

- Cette réforme n'est en réalité qu'une nouvelle réformette qui ne fait que repousser une inévitable vraie réforme systémique; toute réforme paramétrique est en effet vouée à l'échec, car il est impossible de parvenir à terme à l'équilibre en jouant, même simultanément, sur une hausse acceptable des cotisations sociales (ce qui n'est même pas envisagé par le gouvernement), un allongement acceptable de la durée de cotisations (envisagé), et un allongement acceptable de l'âge de la retraite (envisagé).

- Quelle vraie réforme systémique ? Certainement pas, comme tu le proposes, la capitalisation : ce serait amplifier les inégalités sociales en excluant du système les bas revenus, qui possèdent une faible propension marginale à épargner (je rappelle que le salaire médian en France est de 1.600 euros net mensuels). Par ailleurs, ce que j'utilise comme toi puisque j'ai également la chance d'en avoir les moyens, il existe déjà des solutions individuelles d'épargne-retraite.

- Quelques pistes que je propose :
1) fusionner tous les régimes au sein d'un régime universel : les seules différences devraient résulter de la pénibilité et de la durée de cotisation (carrières longues) et non du statut (privé/fonctionnaires/régimes spéciaux).
2) fiscaliser les allocations familiales (qui relèvent de la politique familiale voire de la solidarité nationale mais absolument pas de l'assurance sociale) en créant à la place de la branche famille une branche dépendance.
3) affecter l'intégralité des taxes sur le tabac et l'alcool au budget de la sécurité sociale.
4) affecter au budget de la sécurité sociale une nouvelle taxe sur les revenus financiers des entreprises (dont ce n'est pas la vocation) hors établissements financiers.
5) instaurer une TVA sociale (avec une augmentation des salaires correspondant à la baisse des cotisations sociales) : il est bien évident qu'on ne pourra pas continuer à faire peser le financement de la sécurité sociale uniquement sur le travail en France, tout en éxonérant de fait les importations.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 28 mai 2010

Bonjour Laurent !
Je suis assez d'accord avec ta vision du problème (on fait des réformettes pas à la hauteur du problème) ainsi qu'avec tes propositions 1), 3), 4) (même s'il n'y a pas de lien organique entre retraite et profits financiers des entreprises. Avec un bémol : certaines entreprises font en année 1 des gains de change parce que le dollar a baissé et en année 2 des pertes parce qu'il a remonté, sans l'avoir cherché et seulement parce qu'elles travaillent à l'international, ce qui fait qu'au total elles n'ont rien gagné. Il faut lisser la notion de profit financier sur le temps) voire avec la 5).
Pour la proposition 2) je n'ai rien contre, je comprends même parfaitement la logique. Mais celà conduirait, si je comprends bien, à accroître les prélèvement obligatoires, déjà très élevés en France.
En revanche, je continue de penser que, la répartition ne pouvant fonctionner compte tenu de la démographie actuelle, la seule solution est l'épargne - individuelle, collective (fonds de retraite), voire nationale (mais bon, on a raté l'occasion de constituer un vrai fonds de réserve national alimenté par le produit des privatisations par exemple).

Écrit par : Libéral européen | 28 mai 2010

Oui, pour la proposition 4) je me suis fait la même réflexion, en fait ! Cette taxe devrait effectivement plus logiquement être affectée au budget de l'État qu'au budget de la sécurité sociale. J'ai en revanche oublié une proposition de bon sens : taxer le capital au même niveau que le travail (avec des aménagements : épargne populaire etc.). Enfin, on ne le dira jamais assez, même si je ne l'ai pas mentionné : l'emploi !

Sur l'épargne, ce serait acceptable que si le système était obligatoire, collectif et progressif. Bref, un système à l'opposé de ce que veulent les partisans de la capitalisation...

Une hausse des prélèvements obligatoires me semble en effet inévitable. Je viens de parler du budget de la sécurité sociale, parlons maintenant du budget de l'État :
- abrogation du bouclier fiscal et de l'ISF.
- rétablissement de la progressivité de l'impôt sur le revenu en doublant le nombre de tranches, avec une tranche marginale à 50%.
- rétablissement d'un impôt sur les successions progressif (avec des aménagements, notamment - par exemple sous forme d'usufruit - pour protéger le patrimoine national); N.B. : les vrais libéraux devraient être d'accord !
- instaurer une nouvelle taxe sur les revenus financiers des entreprises (dont ce n'est pas la vocation) hors établissements financiers.
- instaurer une taxe sur les flux financiers à court terme (spéculatifs).

Enfin, de façon générale, faire moduler l'impôt sur les bénéfices des sociétés et conditionner toutes les aides aux entreprises en fonction de plusieurs critères : non-délocalisation, politique salariale (au passage : instauration d'un salaire maximum et d'une proportionnalité entre les revenus à l'intérieur des entreprises), structure de l'emploi (catégorie de contrats de travail, etc.)...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 28 mai 2010

Bonjour. Que les entreprises qui délocalisent gagnent ou perdent de l'argent au change, ce n'est pas le problèmes des travailleurs, elles s'en mette plein les poches en payant des salaires 5 a 6 fois moins, en ne payant pas d'impôts ni de charges sociales tout en vendant leurs produits aussi cher. Pour ma part, j'ai commencé a travailler à 16 ans, d'après la caisse de retraite, je pourrai parti à 59 ans ce qui fait 43 années de cotisation.... Pourquoi les travailleurs dans le même cas que moi devraient travailler plus longtemps?? Et les élus au bout de combien d'années ils ont droit a la retraite?,

Écrit par : AITIS | 28 mai 2010

Bonjour AITIS,

Deux choses que j'ai écrites vont dans le même sens que vous :

- "fusionner tous les régimes au sein d'un régime universel : les seules différences devraient résulter de la pénibilité et de la durée de cotisation (carrières longues) et non du statut".
Pour les longues carrières pénibles, ce qui doit en effet compter c'est la durée de cotisations et non l'âge de départ à la retraite. C'était une bonne mesure de la réforme Fillon de 2003 : j'espère qu'elle sera maintenue !

- sur les délocalisations : ce que j'ai avancé n'empêchera pas les délocalisations, mais au moins les entreprises ne pourront plus jouer successivement sur les deux tableaux : profiter des aides de l'État puis délocaliser; en cas de délocalisation, elles devront en effet rembourser toutes les aides de l'État.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 28 mai 2010

Bonjour.
Je ne sais pas si la réforme de 2003 est bonne, mais au jour d'aujourd'hui , il y a des travailleurs qui partent en retraite avant 60 ans mais avec plus de 40 ans de cotisation (42, 43 voir 45 années de cotisation). Qu'elle soit maintenue ou pas, je ne vois pas trop la différence...

Rembourser les aide de l'état, c'est bien en cas de délocalisation mais leurs faire payer des taxes au même titre que les entreprises étrangères qui vendent en France c'est mieux.

Écrit par : AITIS | 31 mai 2010

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