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21 octobre 2010

Réforme des retraites: réflexions en vrac

N'ayant pas le temps de rédiger une véritable note sur la réforme des retraites, quelques réflexions en vrac:

 

a) Petit rappel (cf. mon Twitter du 12 octobre): lors du Conseil européen des 15 et 16 mars 2002, aussi bien Jacques Chirac (PR, RPR) que Lionel Jospin (PM, PS) ont acté qu'"il faudrait chercher d'ici 2010 à augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle". C'est-à-dire 63 ans, comme le rappelle le site Internet du gouvernement luxembourgeois: "d'ici 2010 augmenter progressivement d'environ 5 ans l'âge moyen effectif de cessation d'activité professionnelle (58 ans actuellement)".

 

b) J'en ai marre d'entendre la majorité de droite répéter qu'il n'y a pas d'autre réforme des retraites possible (on peut jouer sur les autres paramètres ou proposer une réforme systémique) ou que "la réforme actuelle n'est ni de droite ni de gauche: c'est la réforme du bon sens" (François Fillon se prenant pour Jean-Pierre Raffarin), novlangue libérale et négation du débat d'idée. C'est passé presque inaperçu, mais le Sénat a justement adopté, mercredi, un amendement du rapporteur UMP Dominique Leclerc - reprenant mot à mot un amendement du groupe Union centriste - sur l'organisation "à compter du premier semestre 2013" d'"une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse".

 

c) J'en ai marre d'entendre l'opposition de gauche confondre "le peuple" et "la rue", et conférer à cette dernière davantage de légitimité que le bulletin de vote. Je suis d'ailleurs favorable à ce que le peuple se prononce directement par référendum sur les grandes réformes structurantes du pacte républicain. Ce qu'aurait pu être une vraie réforme des retraites, et pas ce nouveau sparadrap destiné à tenir jusqu'en 2018, comme me l'avouait un conseiller de Nicolas Sarkozy: "Vous avez eu les réformes de 1993, 2003 et 2010: vous aurez celle de 2018. En termes d'acceptabilité politique et sociale, la grande réforme qui règle tout n'est pas possible en France. Il faut donc faire une réforme tous les dix ans".

 

d) En tant que citoyen, je suis pour 1) l'abrogation des directives européennes de libéralisation des services publics et la restauration des services publics (=monopole d'État; les "services d'intérêt économique général" de l'UE ne sont pas des services publics) 2) l'interdiction du droit de grève lorsqu'il y a un monopole public: en démocratie, un fonctionnaire ou assimilé ne fait pas grève contre l'État, c'est-à-dire contre lui-même et ses compatriotes (l'État, c'est nous).

Commentaires

bon blog,assez instructif!

Écrit par : retraite2012 | 21 octobre 2010

Oui, c'est vrai qu'une autre réforme des retraites est possible. Et un système de retraite à points est probablement plus malin.

Néanmoins, les oppositions à cette réforme sont très largement de mauvaise foi.
1) Il y a ceux qui s'opposent en bloc : "touche pas à ma retraite. Gardons les 60 ans".
Mais tout le monde, droite et gauche, en France comme à l'étranger, sait bien que c'est impossible ! Celà fait 20 à 30 ans qu'on sait le système actuel menacé d'effondrement pour des raisons démographiques (un des rares domaines où l'on voit loin). Cette opposition totale est suicidaire : sans réforme, le système fait faillite, c'est simple. Refuser d'y toucher, c'et préserver à court terme, et ur le papier, les soi-disant "acquis", tout en laissant la situation réelle empirer (c'est le "après moi le déluge" de Louis XV. On sait ce qui est arrivé à Louis XVI...).

2) Il y a ceux qui s'opposent en nuance : "il faut réformer, mais cette réforme là n'est pas juste."
Mais la parole de ceux qui disent celà (le PS pour faire vite) est disqualifiée par leur inaction passée ! C'est simple, sur le sujet, la gauche pond des rapports plus ou moins alarmistes, puis la droite fait des réformes (forcément impopulaires) et, alors, la gauche crie à l'injustice. Trop facile !
(Dans le détail :
* Livre blanc Rocard en 1991 qui informe ceux qui ne l'auraient pas été avant de la crise des retraites à venir. Puis rien avant le retour de la droite au pouvoir en 1993.
* En 1993 : réforme Balladur, en 1995 : tentative de réforme Juppé (échec).
* Puis pas de réforme sous Jospin en 1997-2002 (après la mise en garde venant des syndicats qui fait abandonner son projet initial à Jospin) alors même que la croissance économique était forte (surtout des créations d'organismes nouveaux et des rapports : rapports Charpin, Teulade, Taddeï, du COR...). C'est une grande occasion ratée.
* Puis retour de la droite au pouvoir en 2002 : Loi Fillon en 2003, réforme pour les retraites des EPIC en 2008, Rendez-vous Retraites de 2008, Loi de 2010 actuellement débattue.

BREF : ce n'est pas par plaisir que la droite se lance à chaque fois dans des réformes qu'elle sait forcément impopulaire, c'est par réalisme (je n'ose dire par sens du bien public car j'y croirais moyen). Et c'est un peu facile de la part de la gauche, qui se garde bien de faire quoi que ce soit, de laisser la droite faire le sale boulot (de toutes façon nécessaire et inévitable) et, seulement, d'en profiter pour l'enfoncer.

Écrit par : Libéral européen | 21 octobre 2010

Moi, j'en ai marre d'entendre la droite ET la gauche opposer le report de l'âge légal et l'augmentation de la durée de cotisation. Le report de l'age légal (seul) pénalise ceux qui ont commencé tôt. L'augmentation de la durée de cotisation (seule) pénalise ceux qui ont fait des études... Alors une réforme équilibrée ne devrait-elle pas combiner les 2 paramètres en même temps ? Comment peut-on décaler l'âge légal sans augmenter d'autant la durée de cotisation ? Cette querelle idéologique qui oppose la droite et la gauche est un défi arithmétique à La Palisse et c'est le principal facteur d'inéquité de cette réforme.

Merci pour le rappel (a). Si l'âge moyen de cessation d'activité est un paramètre essentiel de l'équilibre financier, comment ne pas constater que la réforme proposée n'apporte aucune garantie à cette évolution ?
-- RIEN sur les mesures incitatives à l'emploi des séniors, ce qu'un bonus / malus sur les cotisations patronales pourrait régler
-- RIEN sur le renforcement de la formation des plus de 40 ans, ce qu'expliquait très bien Christian Saint-Etienne à Ce soir ou jamais, lundi soir
-- RIEN sur les mesures incitatives pour permettre les départs progressifs qui permettraient de décaler l'âge de départ effectif et de dédramatiser la question de l'âge légal

Écrit par : pierre s | 21 octobre 2010

@ Libéral européen :

Si la gauche n'avait pas créé le Fonds de réserve sous Jospin, la réforme d'aujourd'hui serait loin, très loin même d'atteindre l'équilibre (attendu) ! Alors ne soyez pas trop sévère avec elle, même s'il est vrai qu'elle s'est toujours tenue à l'écart de cette question épineuse.

Pour ma part, je soulignerais plutôt que c'est la gauche qui a effacé les avantages de la pénibilité en 1982 car à cette date, certains travailleurs manuels pouvaient partir 5 ans avant les autres (travail à la chaîne, au four, sur chantier aux intempéries, etc). Avantage englouti dans la généralisation de la retraite à 60 ans pour tout le monde...

Écrit par : pierre s | 21 octobre 2010

Côté mauvaise foi, la principale est celle des partisans de la réforme des retraites.

Deux arguments sont faux ou dévoyés :
- la question de la crise qui jouerait contre le système actuel est fausse car la France a crée son système par répartition au sortir de la guerre alors qu'elle était ruinée et ça marchait ; la Bolivie, pays pourtant pauvre, a décidé de diminuer l'âge de départ en retraite de 62 à 58 ans (56 ans pour les mineurs) ;
- l'argument du nombre d'actif par rapport au nombre de retraités est également faux car la productivité des salariés a considérablement augmenté depuis la guerre, bien plus vite que le nombre de retraités. La France est d'ailleurs dans le haut du classement de l'OCDE sur ce point. Un salarié de 2010 produit nettement plus de richesses par an qu'un salarié de 1945, 1960 ou 1990 !

La France de 2010 est un pays incroyablement riche par rapport à 1945. Le PIB a explosé depuis, bien plus vite que la population.
La différence, c'est la répartition des richesses. La part destinée au travail (salaires, charges sociales) diminue constamment depuis des décennies au bénéfice du capital(- 11 points sur 25 ans).

Moralité : la solution repose sur une réorientation des richesses créées.

- Plus de salaires = plus d'impôts et plus de cotisations sociales.
- Plus d'emplois = plus de salaires donc plus d'impôts et plus de cotisations sociales.
- Une taxe de 8 % sur les revenus financiers des entreprises et des banques (comme la taxe patronale sur les salires) = 24 milliards d'euros.
- La fin du TEPA de 2007 = 15 milliards de plus par an dans les caisses de l'Etat.
- Et cetera.

Le seul souci de ces propositions n'est pas leur crédibilité mais la volonté politique de rompre avec 30 ans de politiques libérales qui ont ruiné notre industrie et précarisé le marché de l'emploi.

Écrit par : Solidaire27 | 21 octobre 2010

@Pierre S : d'accord avec ton analyse sur l'âge et sur le nombre de trimestres, qui résume bien le pb.
Oui, c'est vrai le Fonds de réserve des retraites est une initiative de Jospin qui va dans le bon sens, mais qui ne remplace malheureusement pas une vraie réforme de structure. Jospin la voulit initialement, mais il a cédé au premier froncement de sourcil préventif ds syndicats. Pas très très courageux, tout de même.
D'accord aussi sur le fait qu'il aurait mieux valu accompagner les réformes des retraites d'une vraie réflexion sur la place des seniors dans l'entreprises. Je n'ai pas dit que cette réforme était idéale, mais qu'elle avait le mérite de prendre le pb de front, sur son aspect le plus difficile et crucial.

Écrit par : Libéral européen | 21 octobre 2010

@Solidaire27. Il y a peut-être de la mauvaise foi du côté des partisans, mais celà ne retire rien à celle des opposants. Enfin, celà dit :

2 critiques sur de arguments :
- La retraite par répartition a été en fait créée (même si on n'ose pas souvent le dire) le 14 mars 1941 par le régime de Vichy (avec la création de l'AVTS) et non pas en 1945 (date à laquelle on a étendu le système avec création de la Sécu). Celà fonctionne bien en régime de croissance démographique car bcp plus d'actifs que de retraités (ce qu'espérait Vichy qui était nataliste) mais pose pb avec le retournement démographique des années 70.
- L'augmentation de la productivité est réelle, tu as raison. Seulement cette sorte de surplus économique ne peut pas servir à tout ! On l'a déjà utiliser pour financer l'augmentation du niveau de vie (réel sur le long terme si ce n'est pas le cas récemment), le chômage, la solidarité nationale (CMU, etc.), les 35 heures... Elle ne peut servir à tout à la fois !

Sur la question du partage de la valeur ajoutée, le sujet est réel mais n'est pas au coeur de celui des retraites. Le problème des retraites se poserait de toutes façons (le rapport Rocard date de 1991). Il respose principalement sur 3 facteurs sans lien avec le partage de la VA :
- La démographie du pays (avec la répartition, une génération donnée a le niveau de retraite qu'elle mérite en fonction du nombre d'enfants qu'elle fait),
- L'allongement de la durée de la vie.
- L'allongement de la durée des études.

Écrit par : Libéral européen | 21 octobre 2010

@Libéral européen. Tu ne réponds pas à une question soulevée par Solidaire27 et qui me titille également: le véritable problème de financement du système par répartition est-il avant tout un problème démographique (vieillissement de la population) ou un problème politique (acceptation d'un chômage de masse: nombre de chômeurs + RMIstes)?

Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 octobre 2010

Ah ben voilà ! Là, je vous suis !

Écrit par : Sancelrien | 21 octobre 2010

"Je vous laisse, à présent. Ne vous inquiétez pas, je ne reviendrai pas" ;)
Juger un blog et une personne sur un seul et unique billet (ou, au passage, sur son nom), ce n'était pas faire preuve d'une grande curiosité...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 octobre 2010

Je n'ai pas tous les chiffres et il faudrait évidemment faire des simulations économiques pas évidentes pour répondre à cette question.
Cependant, le coeur du pb est bien le rapport entre actifs et retraités. D'après les chiffres couramment donnés :
- 1960 : 4 cotisants pour 1 retraité (Le Monde, 16 ou 17/02/2010).
- 2006 : 1,8 cotisant pour 1 retraité (source idem).

Ce rapport a reculé pour plein de raisons bonnes ou mauvaises :
- baisse de la natalité,
- allongement de la durée de la vie,
- allongement de la durée des études,
- progression du chômage.
...

Mon avis, c'est que les mouvements démographiques (natalité et durée de la vie), extrêmement lourds et massifs, constituent les explications principales, bien plus importantes que les explications plus socio-économique. D'autant que, pour le chômage, la question est facilement réglé : un chômeur est considéré comme un actif et cotise pour la retraite. Il ne déséquilibre donc pas le rapport cotisant/retraité.

Écrit par : Libéral européen | 21 octobre 2010

Un chômeur indemnisé valide ses trimestres pour le régime général mais je ne suis pas certain que l'UNEDIC cotise réellement pour lui... Vous êtes sûr, Libéral ?

S'il n'est plus indemnisé, ses trimestres sont validés pendant 1 an supplémentaire et on peut supposer que dans ce cas, les trimestres sont validés sans cotisation.

Pour les régimes complémentaires AGIRC ARCCO, c'est plus clair. On parle de "points gratuits" ce qui laisse entendre que les points sont attribués sans cotisation.

À première vue, je dirais au contraire que le chômage n'est pas neutre sur l'équilibre des régimes de retraite.

Écrit par : pierre s | 21 octobre 2010

Il me semble que seuls les revenus d'activité et assimilés (salaires, primes) sont soumis aux cotisations sociales, pas les revenus de remplacement (dont les allocations chômage), tout de même soumis à la CSG et à la CRDS. À vérifier.
De toute façon 1) les allocations chômage sont moins élevées que le salaire 2) tous les chômeurs ne sont pas indemnisés + les dispositifs spécifiques et le RMI-RSA

Écrit par : Laurent de Boissieu | 21 octobre 2010

Vous avez sûrement raison sur ces points techniques, et il est d'ailleurs logique que le chômage joue (même partiellement) sur le pb des retraites. Mais je continue de penser que, parmi les causes du pb des retraites, c'est une cause de second rang.

Écrit par : Libéral européen | 21 octobre 2010

@ Libéral européen. Quand il s'agit d'équilibrer les comptes, même les ressources "de second rang" peuvent avoir une importance considérable.

@ Laurent. Sans aucun cynisme, il me semble que le cas des chômeurs non indemnisés est moins problématique, si l'on peut dire : ils ne cotisent pas mais ne reçoivent aucun droit en retour.

Pour les chômeurs indemnisés, je ne vois pas qui paierait la "part employeur" de la cotisation ASSEDIC... mais je suis sûr que leurs trimestres sont validés. Le niveau de l'indemnité importe peu car le salaire de référence est basé sur les 25 meilleures années (sur 41 ou 42).

Écrit par : pierre s | 21 octobre 2010

@solidaires 27
De quelles sources tirez-vous vos chiffres sur une diminution de la part des salires dans la valeur ajoutée de 11 points sur 25 ans ?
Selon le rapport Cotis (mai 2009), la part des salaires s'est stabilisée depuis la fin des années 80 à environ 2/3 de la valeur ajoutée, ce qui correspond au niveau atteint au début des années 70. Il y a certes eu une phase exceptionnellement favorable aux salaires, de 1973 à 1982, avec un pic à 75 % de la VA cette dernière année, mais cette parenthèse, liée aux mécanismes d'indexation des salaires sur les prix et à la dégradation de la profitabilité des entreprises après les deux chocs pétroliers, n'était pas soutenable dans la durée, et s'est accompagnée de l'apparition d'un chômage de masse.

Vos "solutions alternatives" me semblent relever du discours gauchiste sur les sources de financement miraculeuses, le grand capital qu'on va faire cracher : plus de salaires, plus d'emplois, on fait comment ? que se passe-t-il si ces deux objectifs sont contradictoires ? Quid des effets de la taxation des entreprises sur leur compétitivité à l'internationale (nous sommes plus ouverts que l'économie nord-coréenne) ? Comment réduit-on la dette publique ? Faut-il privilégier les retraites ou des dépenses d'avenir (recherche, enseignement supérieur).

@Laurent
A quels services publics faitesz-vous référence lorsque vous souhaitez l'abrogation des directives européennes ayant entraîné leur libéralisation. Le transport aérien ? Les telecoms ? Le problème c'est que les aspirations du citoyens, qui peut souhaiter le retour au statu quo ante, et du consommateur, qui exige des prix toujours plus bas, sont souvent contradictoires.

Écrit par : Megalon | 22 octobre 2010

@Megalon. Cela devrait précisément faire l'objet d'un débat politique. Quelles activités doivent-elles relever d'un service public? C'est-à-dire être proposées sur tout le territoire national à un tarif préférentiel unique? Les télécoms (dont Internet à haut débit), certainement. Pour les transports, cela devrait effectivement concerner un grand moyen de transport de masse, mais pour plusieurs raisons je pense au train et non à l'avion.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 octobre 2010

Pour la valeur ajoutée, la remise en perspective historique de Megalon est intéressante. Plusieurs graphiques plus ou moins parlant valident son commentaire, notamment là (figure 6) même s'il date un peu ( http://www.convergencesrevolutionnaires.org/spip.php?article306 )

Écrit par : Libéral européen | 22 octobre 2010

Quelques petites remarques sur les réflexions en vrac :

a) Merci de nous rappeler l'hypocrisie (ou du moins la médite) du PS sur la question de la réforme des retraites.

b) Merci encore de ne pas céder au discours fataliste de "la seule politique possible". Par contre, j'aurais tendance à être plus indulgent que vous avec la majorité sur ce point : la politique n'étant pas une voie vers la Vérité une et universelle et reposant notamment sur la mobilisation populaire, il se mène en permanence de nombreuses "batailles des esprits" dont l'un des axes majeurs est quasi systématiquement l'adhésion du grand nombre par l'incantation du "raisonnable" (ou du "réalisme", ça dépend des périodes). En somme la majorité ment sciemment en disant que cette réforme est la seule envisageable, mais de son point de vue, "c'est pour la bonne cause" (ce qui permet au passage de ricaner en constatant la totale inanité de la thèse des trotskystes inspirés de Leur morale et la notre)

c) Tout comme vous, je suis tout à fait favorable à une intervention directe du peuple (je préfère habituellement parler de "nation" dans ce genre de cas, car cette notion implique notamment que le peuple est conscient d'en être un) dans le processus de décision politique, ne serait-ce qu'au travers de l'outil du référendum (c'est mon côté jéromiste qui parle). En revanche, tout comme au point précédent, j'aurais tendance à montrer beaucoup de mansuétude à l'égard de la gauche (il me semble que les oppositions de droite ne jouent pas l'argument "la rue"="le peuple"). Certes, en confondant "la rue" et "le peuple", ils mentent sciemment. Cependant non seulement "c'est pour la bonne cause" de leur point de vue, mais en agissant ils se réfèrent (vraisemblablement sans le savoir, ou du moins confusément) à une longue tradition politique française portée par le PCF dès les années 1920 : la "démocratie sociale", concept qui fournit une caution idéologique et philosophique au "simple" établissement d'un rapport de force. Personnellement, je suis toujours heureux de voir que notre politique nationale ne s'est pas totalement vidée de sa substance et qu'il est encore de loin en loin et de temps à autre fait appel à des constructions intellectuelles qui structurent notre vie publique. Je m'étonne d'ailleurs toujours de voir nos gouvernants (quels qu'ils soient) récuser l'héritage de la "violence légitime de l'état" au nom d'un humanisme qui devient mièvre à force de se caricaturer, sachant que sans cette "violence" la France n'aurait surement jamais pu exister.

d)1) Alors là, vous ne pourrez guère trouver plus d'accord avec vous sur ce point !
d)2) Là, par contre (mais vous devez vous en douter), je suis plus circonspect. Ce n'est pas tant la mesure envisagée (après tout on a vu plus répressif et bien moins légitime) que la justification que vous en donnez qui me gène. Et tout particulièrement ce "l'État, c'est nous". Il me semble (dites-moi si je me trompe) que l'essentiel des fondements philosophiques de notre République sont issus des philosophies des XVIIème et XVIIIème siècles (aboutissement, évidemment, des périodes précédentes). Parmi elles, la notion de citoyenneté a été, je pense, celle qui a le plus conditionné le rapport de l'individu à l'état (notez que je ne met pas de majuscule à "état" ; ce n'est pas pour faire mon intéressant, mais simplement parce que je ne pense pas que la notion d'état soit un concept ni une personnalisation). Or s'il y a bien un point commun entre les différentes philosophies modernes de la citoyenneté, c'est bien la notion de "civilisation de l'état". J'explique : l'état n'est pas nous. C'est une émanation de nous, qui formons une "société civile" (là, ça devient plus flou). Une émanation qui tire du peuple sa légitimité, son pouvoir et ses moyens d'action mais qui n'est ni notre propriété ni notre incarnation et qui doit (selon la ligne philosophique "classique" inspirée de Condillac) "se civiliser", notamment par une implication plus importante du peuple dans le processus de décision politique. Or on pourrait arguer sans problème que depuis 1962 (élection du président de la République au suffrage universel direct) le processus de "civilisation" de l'état s'est comme stoppé. L'appareil d'état semble apte à fonctionner indépendamment du peuple (nonobstant les contraintes de survie physique). J'ai eu l'occasion de discuter avec plusieurs hauts fonctionnaires dont certains avaient officié en leur temps dans des ministères, et tous m'ont conté la même chose : le pouvoir qu'à l'appareil d'état (nécessaire et même indispensable) de retarder voire bloquer une décision politique est gigantesque. Or si on peut être opposé à une décision gouvernementale, force est de constater que le gouvernement est issu (indirectement) de la volonté populaire, alors que les hauts fonctionnaires officiants dans les cabinets ministériels n'ont d'autre légitimité que leurs qualités et leur professionnalisme (ce qui est fort honorable en soi, mais ne suffit pas, en tous cas pas dans une république ni dans un état démocratique). On pourrait, je pense, trouver bien d'autres raisons qui font que non seulement l'état, ce n'est pas nous, mais qu'en plus, l'état a cessé (ou du moins largement ralenti) son processus de civilisation.

Voilà, c'était mon modeste apport au débat.

Écrit par : Brath-z | 22 octobre 2010

Nous faudra-t-il vraiment une révolution
Pour que gouvernement rime avec solution ?

Arracher au sol les pavés et les lancer
Au front des démocrates aux valeurs éventées,
Couper à l'Elysée l'immonde pompe à fric,
Interdire, exiler, politiques et flics.

Il y a deux siècles à peine qu'on a tondu la reine,
Guillotiné le roi pour en vider les veines,
Aujourd'hui, pas de gêne, le peuple fait la loi,
La haine nous gangrène, l'exprimer nous nettoie.

Je suis poli, je tique et je garde patience,
Mais cette politique est hasard et pas science ;
Ces impôts-de-vin sont au vol qualifié
Ce que sont aux voyous les tyrans statufiés.

Alors sus aux mensonges, sus à l'envahisseur
Qui, comme un bon cancer, nous prend de l'intérieur,
Arrêtons de penser, redoublons nos efforts :
Il faut frapper la tête et nous frapperons fort !

Écrit par : Quent. | 23 octobre 2010

Bonjour,

merci pour cet article et ces commentaires fort intéressant. Sur votre dernier point, si certains services doivent sans doute rester publics (la retraite en est peut-être un bon example), on doit à mon avis rendre au secteur marchand tout ce qui n'est pas un vrai service public. Par exemple, le train privé fonctionne très bien, les autoroute privées aussi.

Sur le fond, je pense que le problème du financement de la protection sociale est indissociable de celui du chômage. Et c'est pour là qu'au-delà de cette réforme provisoire, nous devrons sans doute faire de plus gros changements dans le "train de vie" de notre protection sociale.

Écrit par : Joyeux Acier | 24 octobre 2010

« Je suis d'ailleurs favorable à ce que le peuple se prononce directement par référendum sur les grandes réformes structurantes du pacte républicain ». Bien parlé.

Voir http://horsparti.blogspot.com/2010/10/quand-les-francais-voteront-ils-sur.html

Écrit par : horsparti | 24 octobre 2010

@Joyeux Acier: je pense à l'inverse que les autoroutes et le ferroviaire devraient précisément relever de l'État...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 24 octobre 2010

A http://www.orvinfait.fr/retraites_logements_et_si_c_etait_possible.html

Je propose un système de retraite qui rétablit les droits des plus pauvres. Il y a un outil de calcul pour faire des simulations.

Qu'en pensez-vous?

Écrit par : Serge Cheminade | 24 octobre 2010

A peu près d'accord avec tous les commentaires de "liberal europeen", donc pas d'autre remarques sur les retraites.

Sur les points d1 et d2 de Laurent de Boissieu : la combinaison des deux suppose une révolution culturelle. Il faudrait que l'Etat soit reconnu comme le seul fournisseur légitime de service public (ce qui n'est pas du tout le cas actuellement) ET QUE l'Etat soit reconnu comme propriété des citoyens (alors que la conception "1793-napoléonienne" encore en vigueur fait plutôt de chaque citoyen un obligé de l'Etat : logique "jacobine" qui méprise les intérêts privés).

Vous pourriez dire : cette combinaison des deux, c'est la logique gaulliste de 1958, c'est la restauration de l'Etat comme colonne vertébrale et moteur du pays.

Oui mais les gaullistes d'aujourd'hui sont précisément ceux qui, en 2005, ont privatisé les autoroutes et refilé aux régions la charge de financer les trains grandes lignes non-TGV.

Il me semble donc manquer un sujet politique pour porter cette conception de "l'Etat serviteur essentiel des intérêts des personnes". Ce qui ne retire rien à sa grandeur !

Écrit par : FrédéricLN | 25 octobre 2010

@Serge Cheminade: merci pour le lien et votre contribution au débat d'idée.
@FrédéricLN: je ne vous suis pas forcément dans votre typologie (logique jacobine vs logique gaulliste), mais j'ai sauté en l'air en lisant "les gaullistes d'aujourd'hui"; si vous parlez de Chirac/Villepin, on s'éloigne du gaullisme et il convient de parler de "néogaullisme", si vous parlez de Sarkozy/Fillon (Fillon version depuis 2005), on s'en éloigne encore davantage...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 26 octobre 2010

@ Mégalon : Ah le gauchisme ! C'est bien d'utiliser ce genre d'insultes : cela permet de disqualifier le commentaire sans faire avancer le débat...

Bref !

Je parle du PIB pas de la Valeur Ajoutée et l'INSEE a des chiffres dessus. A moins que l'INSEE ne soit considérée comme un organisme gauchiste ? Je ne pense pas.

Quant aux solutions "gauchistes" sur le grand capital, ben pourquoi pas ? Allez vous me dire que tout le monde trinque actuellement ? Fiez-vous aux articles des diverses revues économiques (genre "Usine Nouvelle") qui parlent des résultats extraordinaires des entreprises du CAC 40 ou des entreprises industrielles pour le premier semestre 2010 !

Je répète deux arguments essentiels de ma première contribution au débat : d'une part, la France est un pays incroyablement riche, autrement plus riche qu'en 1947 à la création de la retraite par répartition ; d'autre part (mais sujet lié au précédent), la productivité des salariés français a considérablement augmenté en cinquante ans.

De fait, si il n'y a plus que trois cotisants pour deux retraités, la richesse crée par ces salariés est nettement plus importante que celle qu'ils auraient créée en 1947. En clair, il n'y a plus que trois gâteaux à se partager à cinq aujourd'hui mais les gâteaux sont dix fois plus gros qu'hier ! L'argument démographique ne tient pas au regard de la cagnotte à se répartir.

Pour ce qui est de la compétitivité, effectivement, la question se pose dans un mode où la doctrine libérale est devenue un dogme. Protéger ses marchés nationaux et ses services publics et passer des accords mutuellement avantageux avec nos partenaires économiques est une autre voie pour concevoir l'économie mondiale. Ce n'est pas fermer ses frontières mais protéger des secteurs vitaux.

L'exemple agricole est intéressant. Depuis le Gatt, la libéralisation des marchés coule notre ruralité et délocalise nos productions agricoles dans des pays du Tiers-Monde au mépris de l'environnement et des agricultures vivrières locales. La misère paysanne est la première cause d'explosion des bidonvilles dans les pays du sud et, par conséquent, des immigrations vers les pays du nord.

Le modèle libéral et sa logique de compétition mène nos économies dans une spirale sociale baissière (Il n'y a pas que les retraites), dans une financiarisation dangereuse (on reverra tôt ou tard un autre krach financier) et dans un massacre de notre planète (délocalisation dans des pays peu regardant écologiquement, déforestation accélérée, explosion des transports, surconsommation).

Alors oui ! Il y a d'autres solutions pour les retraites. Mais c'est globalement toute la conception de l'économie, en France et dans le Monde, qui est à revoir.

Écrit par : Solidaire27 | 26 octobre 2010

@ Laurent de Boissieu : "on s'en éloigne encore davantage..." je ne vous contredirai certainement pas, ni sur les premiers ni sur les seconds !

Écrit par : FrédéricLN | 29 octobre 2010

Bravo pour le courage d'exprimer votre opinion (qui ne va pas forcément dans le sens du "politiquement correct°. Je partage votre vue au sujet du point "d".
En ce qui concerne le gaullisme, il me semble qu'en dehors de quelques cas isolés (Jacques Myard et L. Luca), l'UMP ne peut se réclamer de cette doctrine. A mon sens, il n'y a que DLR qui en soit la digne héritière en tant que formation politique.

Écrit par : J-J.S | 03 novembre 2010

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