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03 mai 2012

Bayrou choisit Hollande... mais à moitié

J'avais exposé dans un article de La Croix "l'embarras des choix pour François Bayrou" au second tour de l'élection présidentielle, que l'on pouvait ainsi résumer:

- retourner à droite (tout ça pour ça!) en soutenant Nicolas Sarkozy et en s'alliant avec l'UMP aux élections législatives.

- passer à gauche en soutenant François Hollande et en s'alliant avec le PS aux élections législatives.

- rester au centre en votant blanc et en continuant à être laminé par des élections au scrutin majoritaire à deux tours (à commencer par les législatives) qui éliminent les tiers partis.

 

Finalement, François Bayrou a choisi François Hollande ("Reste le vote pour François Hollande. C'est le choix que je fais") mais à moitié ("je ne donnerai pas de consigne de vote. Chacun de mes amis, chacun de mes électeurs s'exprimera en conscience. Je sais qu'il y aura des expressions différentes. Et je les respecterai. Je veux donc vous dire mon jugement personnel").

J'avais pressenti ce choix en faveur de François Hollande dans une note de ce blog, vu que l'intéressé avait déjà indiqué qu'"entre un candidat auquel il s'oppose sur les valeurs (Nicolas Sarkozy) et un candidat auquel il s'oppose sur le programme (François Hollande), c'est pour lui la première opposition qui l'emporterait".

J'ajoute que cela me semble d'autant plus logique que même sur le programme, on ne peut que constater qu'au-delà des déclarations de campagne (refus d'inscrire la règle d'or budgétaire dans la Constitution française), le candidat de gauche soutient en réalité la règle d'or via l'Union européenne, puisque, même s'il souhaite les compléter, il ne remet pas en cause ce principe fondateur des traités budgétaires européens. Et qu'à partir de là, quelles qu'aient été ses promesses électorales, ce "bébé Delors" restera bien dans les clous de la politique union-européenne de rigueur (tant pis pour Jean-Luc Mélenchon).

 

Ajout 04/05/2012 16h10: lire mon article dans La Croix " François Bayrou se décentre vers la gauche".

Quoi qu'il en soit, nul ne sait, en définitive, si Bayrou restera au centre ou s'il passera à gauche. À partir du moment où il votera pour François Hollande, la cohérence politique consisterait en effet à négocier une participation du MoDem à son éventuelle future majorité. Bref, à passer à gauche en vue des élections législatives.

Peur du mot "gauche"? Que François Bayrou se rassure: la majorité de mes confrères ne vont pas plus loin que les positionnements affichés, classant par exemple la Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel à gauche ou le Nouveau Centre d'Hervé Morin au centre. "Je ne suis pas et ne deviendrai pas un homme de gauche. Je suis un homme du centre et j’entends le rester", aurait-il donc pu pareillement déclarer en délivrant une consigne de vote qui aurait valu proposition de participer à une alliance avec le PS.

Il n'en a rien été, opérant un choix ...à moitié.

Commentaires

"J'avais pressenti ce choix en faveur de François Hollande dans une note de ce blog, vu que l'intéressé avait déjà indiqué qu'"entre un candidat auquel il s'oppose sur les valeurs (Nicolas Sarkozy) et un candidat auquel il s'oppose sur le programme (François Hollande), c'est pour lui la première opposition qui l'emporterait"

Oui bien sûr. Ce qui m'étonne le plus est l'étonnement de nombreux journalistes, décidément trop habitués à ne savoir compter le nombre de forces politiques que jusqu'à deux.

Écrit par : FrédéricLN | 03 mai 2012

Sans compter ceux de mes confrères qui ont continué après 2005-2007 à classer François Bayrou à droite, tout en classant Hervé Morin ou Jean-Louis Borloo au centre. Quel manque de rigueur journalistique! Quelle incohérence intellectuelle!

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03 mai 2012

Classer Hervé Morin ou Jean-Louis Borloo au centre? C'est vrai, bien peu ont échappé à cette erreur. J'oserais même me demander si le journal "La Croix" a toujours évité ce piège...
Peur du mot "gauche" chez Bayrou? Mais non, bien sûr, croyez-vous vraiment qu'il puisse en être encore là?
Et si vous envisagiez la fidélité à ses convictions? Etes-vous sûr que cela n'existe chez aucun homme politique français?
Et encore: et si simplement F. Bayrou ne voulait pas que son choix soit confondu avec une course aux maroquins? Ne connaissez-vous vraiment aucun commentateur qui aurait été capable d'interpréter en ce sens sa prise de position?

Écrit par : Monique | 04 mai 2012

Une fois de plus, bravo pour votre perspicacité et pour la qualité de vos analyses.

Écrit par : J.-M. Robine | 04 mai 2012

Et bien peut-être cette non participation gouvernementale (si elle n'a pas finalement lieu) témoignerait-elle précisément d'un maintien du MoDem au centre, malgré cette déclaration quasi chiraquienne (indication d'une préférence personnelle sans donner de consigne de vote) ?

Écrit par : Brath-z | 04 mai 2012

Sur votre article dans La Croix "http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/France/Francois-Bayrou-se-decentre-vers-la-gauche-_NG_-2012-05-04-802435"

Le contenu (malgré le titre) est riche et servira, j'espère, de source d'inspiration à vos confrères.

Une toute petite coquille : la motion de censure Clearstream, c'est en 2006.

Après, de petites différences d'appréciation : 1) l'indépendance recommence, pour moi, en 2002, on peut chipoter sur le mois. Mais l'UDF ne participe pas au gouvernement (malgré le choix personnel de Gilles de Robien) et déclare qu'elle votera en toute indépendance sur les projets de celui-ci - même position que le Centre démocrate en 62-74 (je ne connais pas le détail des soubresauts de l'époque, ils sont dans la thèse de Muriel Montero). Cette indépendance est ce qui m'a fait adhérer :-)

2) Je regrette que la presse attribue à des élus UDF la création du Nouveau Centre, ce qui est juridiquement vrai, mais selon Hervé Morin lui-même (discours d'Epaignes après la présidentielle 2007), l'idée et la demande venaient de Nicolas Sarkozy.

3) Enfin, "une opposition vigilante et constructive" ne dépend pas du nombre de députés, ni même de celui des militants. C'est l'efficacité de cette opposition, qui en dépend !…

Écrit par : FrédéricLN | 04 mai 2012

Réponse rapide: sur la forme (pas le temps de répondre maintenant sur le fond), j'ai vu ma coquille peu après la mise en ligne - espérant que personne ne la verrait ;) - mais je ne peux pas rectifier mon article avant dimanche! :(

Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 mai 2012

Je reprends:

1) Objection habituelle, mais je maintiens que la rupture avec la droite c'est 2005 et non 2002. Le groupe UDF vote en 2002 la déclaration de politique générale du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (http://www.assemblee-nationale.fr/12/scrutins/jo0001.asp ), et se classe donc alors dans la majorité de droite.
Ce n'est qu'à partir de 2005 (bien 2005 cette fois, d'où mon lapsus dans mon article) que, progressivement, l'UDF se démarque de la majorité de droite (détail: http://www.france-politique.fr/courants-udf.htm ).
Par ailleurs, l'UDF demeure durant cette période l'alliée de l'UMP aux élections locales.

2) Mais non, les ex-UDF restés à droite ne comptaient pas adhérer à l'UMP, donc il fallait bien qu'ils fondent un nouveau parti!

3) Enfin, si cette "opposition vigilante et constructive" ne s'exprime plus au Parlement parce que François Bayrou et tous les candidats MoDem sont battus aux législatives, son efficacité a tout de même du plomb dans l'aile...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 mai 2012

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il s'agit de questions d'appréciation. Et que l'intérieur du parti (votes dans les Congrès…) donne une tonalité différente de celle du vote des députés, la plupart des députés UDF de 2002-2007 étaient partisans à la fois d'un parti indépendant et de l'alliance avec la droite. Ce qui s'est avéré peu compatible.

Sur le point 2, ils auraient aussi bien pu continuer comme de 2002 à 2007, et il me semble que c'est ce qu'ils prévoyaient, jusqu'à ce que Nicolas Sarkozy propose à Hervé Morin le marché "parti contre Ministère", pour résumer ce que ce dernier expliquait à ses électeurs : http://demsf.free.fr/index.php?post/2009/12/15/archiviste-Nouveau-Centre

Sur le point 3, il y a tout de même le contre-exemple du FN, ou des écologistes, très présents dans le débat politique depuis 24 ans sans être substantiellement représentés à l'Assemblée. En fait, soit il y a une majorité absolue à l'Assemblée et ses débats ont l'importance de jeux dans une cour de récré (c'est au Sénat qu'il y a alors du contenu), tout se décide pour le 20h à l'Elysée — c'était déjà le cas en 81-82.

Soit, comme presque toujours dans l'Histoire de France depuis la création des partis modernes (sauf 81-86 et depuis 2002— assertion sous votre contrôle), il y a besoin de coalitions entre partis pour faire adopter des lois, alors le travail législatif est sérieux, des députés ont une importance, et il y a une chance que la démocratie retrouve une maîtrise de l'évolution du pays.

Si donc il y avait après les législatives une Assemblée pluraliste, sans majorité absolue (ce qui est hélas douteux), et que nous n'y étions pas représentés par un nombre significatif de députés, ce serait effectivement bien dommage pour le poids du courant démocrate dans la conduite de la politique française.

Écrit par : FrédéricLN | 05 mai 2012

1) Sur l'indépendance, j'ai déjà eu l'occasion de souligner qu'il y avait une véritable ambiguïté:
- pour certains indépendance = refus du bipartisme et existence d'un second parti à droite, aux côtés de l'UMP mais davantage orienté au centre-droit.
- pour d'autres indépendance = refus de la bipolarisation et existence d'une troisième force concurrente de la droite (UMP et alliés) et de la gauche (PS et alliés).
J'avais senti cette ambiguïté - qui sera à l'origine de la rupture en 2007 - début 2006, au moment du "parti libre".

2) Sur la création d'un parti, je ne comprends décidément pas ce que vous voulez dire: dans tous les cas il s'agit bien de la création d'un nouveau parti, puisqu'ils n'avaient plus la jouissance de l'UDF! Oui, exactement comme le CDP en 1969 (qui n'était pas qu'un groupe parlementaire, contrairement par exemple au Groupe Progrès et Démocratie Moderne).

3) Pour le FN, c'est justement afin d'éviter le parallèle que j'ai précisé dans mon article au sujet du MoDem "pour un parti de gouvernement (...)". Quant aux Verts, ils ont précisément obtenu des parlementaires (hors élections européennes: proportionnelle) à partir du moment où ils ont abandonné le "ni droite ni gauche" (Waechter) pour s'inscrire dans la coalition de gauche. Ce qui ne fait que renforcer ce que je dis sur le MoDem!

Enfin, oui, si après les législatives PS + alliés ont le même nombre de députés que UMP + alliés, et si le MoDem obtient des élus permettant ainsi à l'une ou l'autre des coalitions d'obtenir la majorité: bingo pour vous!
Mais ça fait beaucoup de "si"...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 05 mai 2012

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