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19 avril 2013

Mariage pour tous: derrière les invectives, des divergences de fond?

L'examen parlementaire du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe va s'achever.

Derrière l'argument de l'égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels (1) se cachaient en réalité des conceptions différentes de l'Homme et de la société (présentées en 140 caractères - ou presque - comme sur Twitter):

 

Il y a ceux pour qui le mariage est l'institution unissant un homme et une femme en vue de la procréation.

Il y a ceux pour qui le mariage est l'institution consacrant l'amour entre deux personnes.

Et il y a ceux pour qui le mariage est un contrat régissant la vie commune entre deux personnes.

 

Il y a ceux pour qui être parent, c'est engendrer un enfant.

Et il y a ceux pour qui être parent, c'est élever un enfant.

 

Il y a ceux pour qui un enfant a naturellement besoin pour son développement d'une mère, référent féminin, et d'un père, référent masculin.

Et il y a ceux pour qui les figures maternelle et paternelle sont le fruit d'une société genrée.

 

Il y a ceux pour qui l'égalité c'est le droit pour tous, couples hétérosexuels et couples homosexuels, de se marier.

Et il y a ceux pour qui l'égalité c'est le droit pour tous les enfants d'avoir un père et une mère.

 

Il y a ceux pour qui débattre, c'est insulter l'ennemi, forcément un méchant homophobe ou forcément un méchant destructeur de la famille et de la société (2).

Et il y a ceux pour qui débattre, c'est d'abord entendre et comprendre les arguments de l'autre.

 

 

(1) Rappelons, même si cela n'invalide bien entendu pas d'autres arguments en faveur du "mariage pour tous", que le Conseil constitutionnel a jugé que "la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille" sans qu'il y ait discrimination et rupture d'égalité (Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011).

(2) Notons que certains slogans "un papa, une maman" peuvent blesser des enfants de couples homosexuels, ce qui ne retire rien de la sincérité de ceux qui pensent que tout enfant doit avoir droit à un père et à une mère: complexité du débat politique...

Commentaires

Tout à fait d'accord, sinon que le débat me semble plus minime encore que "des conceptions différentes de l'Homme et de la société." Car je pense que les manifestants des deux camps acceptent les trois conceptions de la "vie commune institutionnelle" que tu mentionnes. Simplement, chacun voudrait que le mot "mariage" désigne sa conception à lui…

Je pensais que ces mois de débat (depuis au moins septembre dernier, http://demsf.free.fr/index.php?post/2012/09/17/Mariage-de-couples-du-meme-sexe ) allaient me permettre d'en apprendre sur les familles élevées par deux parents du même sexe, sur le vécu du mariage entre personnes du même sexe dans les pays qui l'ont institués, sur la réalité des risques contre lesquels les "anti" mettent en garde : eh ben non. Je n'ai rien appris du tout. Les pro se sont contentés de dire "=", de poser une pétition de principe comme si les réalités humaines n'étaient pas multiples. Les anti ont évoqué de multiples tragédies possibles dont aucune ne me semble avoir de rapport clair avec la loi qui sera votée.

A la fin, la seule chose que ce débat a produit, c'est que le "mariage entre personnes du même sexe" est devenue un idée, une image familière dans l'esprit de tous. Son côté extraterrestre a disparu. C'est donc le sens du mot qui a évolué, sous l'effet de sa répétition en boucle.

Écrit par : FrédéricLN | 20 avril 2013

Bien entendu, chacun aimerait que sa vision corresponde à celle consacrée par la société!
Pour le reste, nous sommes d'accord ;)

Écrit par : Laurent de Boissieu | 22 avril 2013

Effectivement, ce qui fait la complexité du débat sur l'ouverture du mariage (et de l'adoption) aux couples de même sexe et rend toute discussion difficile est que le mariage est (ou peut être) plusieurs choses à la fois. Je lui vois au moins cinq aspects distincts (les trois premiers étant déjà évoqués dans l'article de l'auteur de ce blog) :
- un symbole consacrant l'amour que deux personnes se portent
- une institution qui serait la base de l'organisation de la société
- un contrat entre deux individus
- un symbole religieux
- un contrat passé pour obtenir certaines choses de l'état (fiscalité, immigration...)
Ces différentes conceptions n'étant ni mutuellement exclusives ni nécessairement liées.

Ainsi, je conçois tout à fait que différentes personnes puissent avoir des visions différentes du mariage, de ce qu'il est et de ce qu'il doit être.

Il en va de même pour la parenté.

Mais ce que fait vraiment cette loi aujourd'hui n'est pas de consacrer une vision par rapport aux autres (Même si on peut penser que c'est le cas car cette loi est un symbole fort, c'est en réalité déjà fait et cette loi n'est que la suite logique) mais de rendre le système actuel cohérent.

En effet, il y a, dans notre société actuelle, des couples mariés sans enfants, des couples avec enfants sans être mariés, des célibataires qui adoptent. Et tout cela par choix. Il n'est donc plus nécessaire d'être marié pour avoir des enfants (qui soit légalement et socialement reconnu j'entends. Ca n'a jamais été nécessaire d'un point de vue physique.) De même le mariage n'implique plus forcément de devenir parent (ou d'essayer). La société évolue et dans notre société, aujourd'hui, mariage et parenté ne sont plus liés d'un point de vue social et surtout d'un point de vue légal.

Dans ces conditions, il n'est donc pas possible de refuser le mariage aux couples de même sexe sauf à remettre en cause le principe d'égalité.

De la même façon, si des célibataires peuvent adopter alors des homosexuels célibataires peuvent adopter et il est de facto possible que des couples homosexuels élèvent un enfant ensemble même si seul un des deux est légalement reconnu comme parent. Cette situation rend l’ouverture de l'adoption aux couples de même sexe nécessaire.

Alors on peut considérer que les enfants doivent avoir des parents qui soient ou pourrait être leurs parents biologiques (c'est à dire un homme et une femme). On peut aussi considérer qu'on ne peut avoir des enfants que dans le cadre du mariage et qu'on ne peut se marier que si on souhaite avoir des enfants. Ces positions ne sont pas en phases avec la société actuelle et on pourra dire qu'elles sont dépassées voire archaïques ; mais la première justifie l'opposition à l'adoption par des couples de même sexe et, ajoutée à la seconde, l'opposition au mariage pour les couples de même sexe sans qu'il y ait forcément d'homophobie (ce qui par ailleurs, ne l'exclut pas).

En revanche s'opposer au mariage et à l'adoption par les couples de même sexe sans être aucunement en désaccord avec les pratiques actuelles en ce qui concerne le mariage et l'adoption est incohérent et me semble avoir pour seule explication possible une certaine homophobie.

Écrit par : Benjamin Fievet | 26 avril 2013

Je suis on ne peut plus d'accord avec cette note. Cependant, car il y a un cependant, je suis particulièrement attristé de constater qu'une partie des partisans du "mariage pour tous", notamment dans les institutions, entretient sur le sujet un discours mensonger. Je fais référence au discours de Jean-Marc Ayrault dans lequel il indiquait que la réforme ne changerait rien au mariage. C'est pourtant bel et bien le cas ! Le "mariage pour tous" est une transformation du mariage.
Il est tout à fait légitime de transformer le mariage. C'est une démarche on ne peut plus acceptable. Néanmoins, ce qui n'est pas acceptable, c'est de prétendre ne pas le faire alors qu'on le fait.

Dès qu'on pose le débat en termes de "lutte contre une discrimination" et non pas en termes de "réforme du mariage", on fait croire qu'on est face à une nécessité technique (mettre fin à une discrimination, c'est de l'ordre de la nécessité technique), alors qu'on est face à une proposition politique, par définition légitime et respectable, mais par définition aussi légitimement critiquable. Dès lors, toute critique de cette proposition politique est assimilée à un refus de lutter contre une discrimination. Ce n'est pas une méthode acceptable. Et en face, la ridicule mascarade de "la manif pour tous", soit-disant "apolitique" mais en réalité extrêmement orientée politiquement (je note d'ailleurs que si Frigide Barjot a contesté les méthodes du "Printemps Français", elle n'en a en revanche pas critiqué les objectifs, à savoir fédérer les oppositions de droite au gouvernement... et pour cause : ce sont aussi les siens !), a permit à d'authentiques homophobes de se manifester.
Résultat : on a assisté à un antagonisme bien réglé entre d'un côté ceux qui veulent faire croire qu'adopter cette réforme c'est lutter contre une discrimination existante qu'il faut faire disparaître, et de l'autre ceux qui veulent faire croire que s'opposer à cette réforme c'est maintenir une discrimination existante qu'il faut maintenir. Le terrain a été totalement miné, tout discours qui ne s'inscrit pas dans la perspective "il y a une discrimination et je suis pour ou je suis contre" est totalement inaudible.

Écrit par : Brath-z | 29 avril 2013

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