04 mars 2014
Municipales: petite histoire électorale du FN à Paris
Élections municipales de 1977
Ancêtre direct du Front national, Ordre nouveau avait présenté deux listes aux élections municipales de 1971: à Lille (2,09%, liste conduite par Patrick Masse, futur délégué départemental du FN) et à Paris (2,58%).
Aux élections municipales de 1977, le FN présente davantage de listes, en particulier dans l'ensemble des secteurs de Paris (18 à l'époque, les résultats ont été ventilés selon les arrondissements actuels).
Jean-Marie Le Pen est lui-même tête de liste dans le XVe arrondissement, où il habite: il termine dernier avec 1,87% des suffrages exprimés. Parmi les autres candidats figurent Michel Bayvet (VIIIe arrondissement), Yves de Coatgoureden (XIVe) et Myriam Baeckeroot (XVIIe).
Le courant nationaliste-révolutionnaire voire néo-nazie, qui quittera le parti en 1980, est bien représenté avec François Duprat (Ve arrondissement; François Duprat est l'animateur de ce courant et dirige alors la commission électorale du FN), Jean-Silve de Ventavon (IXe arrondissement), Hubert Kohler (Xe), Pierre Bousquet (XIe arrondissement), Alain Renault (XVIe), Pierre Pauty (XIXe) et l'inclassable Pierre Gripari (IIe et IIIe arrondissements, à l'époque regroupés).
L'auteur des Contes de la rue Broca reviendra plus tard sur cette candidature: "Moi je ne savais pas très bien ce que c'était, je pensais qu'il s'agissait d'un comité de soutien, de patronage, quelque chose comme ça... Bon, c'étaient des copains, j'ai dit oui. Quelques jours plus tard, Camille Marie-Galic m'apprend que je suis candidat du Front national. Moi, je tombe des nues (...)" (Alain Paucard, Gripari, mode d’emploi, L'Âge d'Homme, 1985).
Élections municipales de 1983
Les élections municipales de mars 1983 sont difficiles pour le FN, qui ne présente que quelques listes, notamment à Clermont-Ferrand (3,99%, avec Jean-Claude Waterlot), Montpellier (3,90%, avec Alain Jamet) et Nice (2,62%). Le FN gagne toutefois une poignée d'élus dans le cadre d'alliances locales avec la droite comme à Antibes (1 élu), Grasse (1), Lunel (1) ou encore Dreux (2 élus, avant la fameuse élection partielle de septembre 1983).
À Paris, le FN ne présente des listes que dans sept secteurs, tandis que le PFN concurrent est présent dans trois autres. Dans le XIXe arrondissement, le candidat du FN est d'ailleurs l'ex-PFN Roland Gaucher-Goguillot. Seules deux têtes de liste de 1977 sont de nouveau candidates: Yves de Coatgoureden (XIVe arrondissement) et Jean-Marie Le Pen.
Le président du FN est cette fois candidat dans le XXe arrondissement, où il arrive en troisième position, derrière les listes d'union de la droite et d'union de la gauche. Pour la première fois le FN est présent en triangulaire au second tour. Le score de Jean-Marie Le Pen passe entre les deux tours de 11,26% à 8,54%, ce qui lui permet de siéger au conseil d'arrondissement mais pas au conseil de Paris.
Élections européennes de 1984
Un an après les élections municipales, les européennes de 1984 sont particulièrement intéressantes à Paris. D'une part, le FN y décroche un score plus élevé que sa moyenne nationale: 15,24% contre 10,95%. D'autre part, le FN capte un électorat de droite radicalisé depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir (contexte, cette année-là, des manifestations pour l'enseignement privé).
L'extrême droite obtient ainsi ses meilleurs scores dans les quartiers les plus bourgeois: Champs-Élysées (VIIIe arrondissement; 19,9% des suffrages exprimés), Europe (VIIIe arrondissement; 19,8%), Chaussée-d'Antin (IX arrondissements; 19,5%), Place Vendôme (Ier arrondissement; 19,0%), etc. Seule exception: La Chapelle (XIXe arrondissement; 19,4% des suffrages exprimés). [Source de la carte des quartiers: Nonna Mayer, "De Passy à Barbes: deux visages du vote Le Pen à Paris", Revue française de science politique, numéro 6, 1987].
Les listes de "Rassemblement national" obtiennent deux élus à Paris aux législatives de 1986 (à la représentation proportionnelle): Jean-Marie Le Pen et Édouard Frédéric-Dupont, maire CNIP du VIIe arrondissement. Cet électorat conservateur quittera cependant très vite le FN, préférant le vote utile (droite RPR-UDF) au vote protestataire. C'est néanmoins cet électorat (contexte cette fois des manifestations contre l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe) que vise à nouveau le FN aux municipales de 2014 afin de se qualifier au second tour dans l'Ouest parisien.
Élections municipales de 1989
Aux élections municipales de 1989, le FN parvient à sa qualifier au second tour dans quatre arrondissements: XXe avec Jean-Marie Le Pen (15,58% au premier tour puis 11,02% au second), XIXe avec Roland Gaucher-Goguillot (10,17% puis 9,06%), XVIIIe avec Patrice de Blignières (11,13% puis 10,32%) et Xe avec Jean-Claude Varanne (10,07% puis 10,87%). Ce dernier est le seul à améliorer son score, bénéficiant des 2,55% au premier tour de Pierre Pauty (Parti Nationaliste Français), candidat FN dans un autre arrondissement en 1977 (il retournera d'ailleurs au FN fin 1992).
L'extrême droite obtient trois conseillers d'arrondissement: Jean-Marie Le Pen (réélu dans le XXe), Patrice de Blignières (XVIIIe) et Roland Gaucher-Goguillot (XIXe). Le président du FN démissionne dès le 27 juin 1989 et est remplacé par Martine Lehideux. Serge Jeanneret, ex-FN (responsable de la fédération de Paris-Est) et ex-PFN, conseiller de Paris sortant apparenté RPR, n'est en revanche pas réélu dans le XVIIe arrondissement.
À noter que dans le Ve arrondissement (celui où se présente Jacques Chirac) la tête de liste du FN est Wallerand de Saint-Just, qui n'atteintque 4,84% des suffrages exprimés.
Élections municipales de 1995
Les élections municipales de 1995 sont un bon cru pour le parti lepéniste, avec l'élection de 992 conseillers municipaux dans les villes de plus de 3.500 habitants et, surtout, la victoire dans trois villes de plus de 30.000 habitants: Toulon (Var) avec Jean-Marie Le Chevallier, Orange (Vaucluse) avec Jacques Bompard et Marignane (Bouches-du-Rhône) avec Daniel Simonpieri.
À Paris, le FN dépasse le seuil de 10% des suffrages exprimés dans neuf arrondissements, dont quatre sont pourvus au premier tour. Le FN gagne alors son premier (et jusqu'à présent unique) conseiller de Paris dans le XVIIe arrondissement, Jean-Pierre Reveau.
Cinq conseillers d'arrondissement FN sont en outre élus: Poulain (XIIe; puis Christiane Pacros), Jean-Pierre Reveau (XVIIe), Patrice de Blignières (XVIIIe), Xavier Voute (XIXe) et Martine Lehideux (réélue dans le XXe).
Élections municipales de 2001
Profondément affaibli par la scission mégrétiste de 1998-1999, aux élections municipales de 2001 le FN ne fait élire que 213 conseillers municipaux, contre 240 pour le MNR. Jacques Bompard est en outre réélu maire d'Orange, mais sans mettre en avant son étiquette FN, tandis que pour le MNR Daniel Simonpieri à Marignane et Catherine Mégret à Vitrolles sont réélus.
Le FN ne tourne autour de 5% des suffrages exprimés que dans trois arrondissements parisiens du Nord-Est: le XVIIIe (Martial Bild), le XIXe (Xavier Voute) et le XXe (Martine Lehideux, chef de file sur l'ensemble de Paris en 1995). Aucun conseiller d'arrondissement sortant (Jean-Pierre Reveau tête de liste dans le XVIIe, Christiane Pacros tête de liste dans le XIIe, Xavier Voute tête de liste dans le XIXe, Martine Lehideux tête de liste dans le XXe) n'est donc réélu.
Les candidats du FN (Charles de Gaulle) et du MNR (Jean-Yves Le Gallou) à la mairie de Paris se présentent l'un contre l'autre dans le XVe arrondissement. Enfin, dans un seul, le Xe, le candidat du MNR (Françoise Monestier, tête de liste FN en 1995) dépasse - de 19 petites voix - celui du FN.
Élections municipales de 2008
Le FN est au plus bas aux élections municipales de 2008, avec seulement 59 élus.
À Paris, son vote s'uniformise à un niveau proche de celui de 1977 (3,17% en 2008 contre 1,86% en 1977). Retour à la case départ, ou presque. Son candidat à la mairie de Paris, le conseiller régional Martial Bild, quittera le FN début 2009 - en compagnie entre autres de Martine Lehideux, Myriam Baeckeroot et Michel Bayvet - pour fonder avec Carl Lang le Parti de la France.
Élection présidentielle de 2012
Le renouveau du vote FN avec Marine Le Pen est visible à Paris, même si le FN y obtient un score bien moins élevé que sa moyenne nationale: 6,20% contre 17,90%.
Pour les élections municipales de 2014, tout l'enjeu pour Wallerand de Saint-Just - finalement candidat dans le XVe arrondissement après avoir songé au XVIIe - est de reconquérir dans l'Ouest un électorat bourgeois et dans l'Est un électorat populaire.
Pour ce faire, le "Rassemblement Bleu Marine" mise notamment de nouvelles recrues: Michel Bulté, éphémère maire RPR du XIXe arrondissement en 1994-1995; Paul-Marie Coûteaux (VIe), ex-parlementaire européen souverainiste; Philippe Martel (XVIIIe), un ancien collaborateur d'Alain Juppé.
Pour aller plus loin:
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