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31 août 2014

Clarification politique?

Le nouveau gouvernement de Manuel Valls marque une rupture davantage symbolique qu'idéologique dans la politique conduite par le PS au pouvoir. Mais ce symbole est important: le PS assume enfin son orientation sociale-libérale. Le parti dominant à gauche ne l'assume certes qu'implicitement et pas encore explicitement, puisque l'étiquette de "sociaux-libéraux" est malheureusement toujours connotée négativement aux yeux de dirigeants qui continuent à se revendiquer "sociaux-démocrates" voire même "socialistes". Ce décalage entre le discours et le pratique est une constante de l'histoire de la SFIO puis du PS: il se disait hier marxiste lorsqu'il avait une pratique sociale-démocrate; il se dit aujourd'hui social-démocrate alors qu'il a une pratique sociale-libérale.

Durant sa campagne présidentielle, François Hollande avait été volontairement ambiguë sur l'axe économique de son programme. Avec un éventail allant au second tour de François Bayrou à Jean-Luc Mélenchon, ses soutiens attendaient bien entendu des politiques économiques radicalement opposées. Dans l'opposition, l'ambiguïté ne se voit pas trop. Au pouvoir, le roi est nu.

L'erreur consiste toutefois à considérer que le nouveau gouvernement de Manuel Valls marquerait une rupture idéologique. François Hollande est issu des réseaux de Jacques Delors au sein du PS. Seuls les gogos pouvaient croire qu'il impulserait une politique économique plus proche de Jean-Luc Mélenchon que de François Bayrou. Dès octobre 2012 la ratification du Pacte budgétaire européen, signé par Nicolas Sarkozy, a sifflé la fin de la récréation en confirmant la ligne sociale-libérale qui est celle du PS depuis le "tournant de rigueur" de 1983. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est à l'occasion de ce vote que s'est pour la première fois manifesté le noyau dur des futurs députés "frondeurs".

Emmanuel Macron est donc un bouc-émissaire un peu facile: si, comme l'a prouvé son entretien au Point juste avant sa nomination au gouvernement, il se situe (à la suite du Manuel Valls de la primaire de 2011) à un degré de libéralisme plus avancé que François Hollande, il ne s'agit en rien d'une différence de nature.

Le départ du gouvernement d'Arnaud Montebourg marque malgré tout une amorce de clarification. Encore faut-il bien préciser les choses: le Montebourg viré du gouvernement n'est pas le Montebourg de la primaire de 2011 chantre de la "démondialisation". Ce Montebourg-là n'existe plus depuis qu'il a cautionné par sa participation l'orientation économique des gouvernements Ayrault puis Valls. Le Montebourg viré du gouvernement ne demandait en effet que des ajustements au sein de celle-ci, à travers l'application d'une règle des "trois tiers": un tiers des économies affecté à la réduction du déficit public ; un tiers "au soutien des entreprises"; un tiers surtout "aux ménages pour stimuler leur pouvoir d'achat et la croissance".

De fait, les "frondeurs" ne forment pas un groupe homogène. Certains se contentent de vouloir amender dans cette direction la politique gouvernementale. Leurs convictions se jaugent à l'aune de leur approbation du Traité constitutionnel européen (2005) puis du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (2012). Bref, pas de quoi affoler le Medef, qui sait bien que seul le PS peut mener sereinement des réformes libérales, car avec la droite au pouvoir ce même PS dénoncerait hypocritement à cor et à cri l'"ultralibéralisme".

D'autres "frondeurs", en revanche, prônent véritablement "une autre politique". Ces derniers sont très minoritaires, autour d'une poignée de députés seulement (Pouria Amirshahi, Fanélie Carrey-Conte, Nathalie Chabanne, Pascal Cherki, Barbara Romagnan), de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, du président du conseil général de l'Essonne Jérôme Guedj ou encore de Gérard Filoche.

Si l'on s'en tient à la seule politique économique, le débat d'idée se résume ainsi en cinq positions:
-    une politique antilibérale à l'échelon européen (le Front de Gauche et l'aile gauche du PS)... ce qui nécessiterait de convaincre l'ensemble de nos partenaires européens car le libéralisme n'est pas le "programme de la droite allemande" mais le dogme gravé dans le marbre des traités européens!
-    une politique sociale-libérale selon un dégradé de nuances (le PS, le MoDem et une partie de l'UDI voire de l'UMP)
-    une politique néolibérale (l'UMP et une partie de l'UDI)
-    une politique antilibérale à l'échelon français (FN) ... ce qui commanderait de sortir de l'Union européenne!

La question n'est pas nouvelle. "Il ne peut pas y avoir deux politiques au gouvernement. Mais il peut y en avoir deux à l'intérieur du PS", avait déclaré en 1983 Jean-Pierre Chevènement en démissionnant du gouvernement (il finira néanmoins par quitter le PS en 1992). La première partie de cette phrase est une évidence, la seconde partie est dramatique pour la clarté du débat démocratique. Si les idées et non les partis guidaient la vie politique (ou bien si les frontières partisanes correspondaient aux clivages idéologiques), le MoDem de François Bayrou appartiendrait depuis 2012 à la majorité gouvernementale, tandis qu'à l'inverse l'aile gauche du PS serait dans l'opposition. Dit autrement, la majorité de François Hollande est viciée depuis l'origine.

La pression de Jean-Luc Mélenchon à la gauche du PS, la mystique unitaire au sein de la gauche en générale et du PS en particulier (magnifiquement résumée dans la formule "l'union pour l'union") ainsi que le manque de courage politique n'ont pas permis la clarification que nous sommes nombreux – de convictions opposées et à des postes différents (acteurs ou observateurs) – à attendre depuis longtemps. Le symbole de la nomination du "repoussoir" Emmanuel Macron à Bercy constitue néanmoins peut-être un pas supplémentaire vers une recomposition politique. Malgré l'incompréhensible maintien au gouvernement de la "frondeuse" Christiane Taubira, passée du radicalisme de gauche à la gauche radicale...

Commentaires

Hé oui, mais le PS est embarrassé par la réalité, juste la réalité.
Pour satisfaire une vision romantisée de l'histoire de la gauche, et pour rassembler ses électeurs, elle doit proclamer "toujours plus à gauche" avant l'élection, et s'imagine mettre en place (ou feint de croire qu'elle le peut) une politique "sociale" après celle-ci.
Sauf qu'elle se heurte au mur, non pas de l'argent, mais de la réalité, et globalement ses dirigeants le savent bien.
Prélèvements obligatoires? Enormes, alors qu'ils étaient inférieurs à 35% dans les années "De Gaulle". Leur efficacité? Faible: notre système éducatif est médiocre, le système de santé ne fait plus rêver. Les champions nationaux? Privatisés ou pas, ils vivotent et ne se renouvellent pas mais viennent tendre la sébille à la première difficulté.
Les PME subissent, les français tirent la langue.
Nous sommes en train de devenir le Royaume-Uni des années 70, avec son industrie dépassée, son administration pléthorique et inefficace. Bientôt le FMI comme il est venu au UK, et on aura beau jeu de blâmer l'euro plutôt que l'absence totale de culture économique et de courage politique depuis plus de 30 ans.

Écrit par : alex | 03 septembre 2014

Et pas seulement en matière économique, en cette rentrée, à gauche, on brise aussi d'autres tabous idéologiques Mon commentaire ici : http://contre-regard.com/en-cette-rentree-a-gauche-on-brise-des-tabous-ideologiques/

Écrit par : Santo Michel | 03 septembre 2014

"Prélèvements obligatoires? Enormes, alors qu'ils étaient inférieurs à 35% dans les années "De Gaulle". Leur efficacité? Faible: notre système éducatif est médiocre, le système de santé ne fait plus rêver. Les champions nationaux? Privatisés ou pas, ils vivotent et ne se renouvellent pas mais viennent tendre la sébille à la première difficulté.
Les PME subissent, les français tirent la langue.
Nous sommes en train de devenir le Royaume-Uni des années 70, avec son industrie dépassée, son administration pléthorique et inefficace. Bientôt le FMI comme il est venu au UK, et on aura beau jeu de blâmer l'euro plutôt que l'absence totale de culture économique et de courage politique depuis plus de 30 ans.

Écrit par : alex | 03 septembre 2014"

On aura raison de blâmer l'Europe en cas de problème, puisque c'est le fait d'en faire le premier (ou le seul ?) objectif du pays qui pousse à se désintéresser de l'avenir des "champions nationaux" par exemple.

Le système de santé de la France ou du Royaume-Uni fait rêver aux Etats-Unis, y compris en termes de coûts relatifs...

Lorsque l'on compare la France avec d'autres pays en terme de dépense publique, en prenant en compte tous les éléments de comparaison (par exemple, en intégrant les fonds de pension aux Pays-Bas et au Royaume-Uni ; en tenant compte des différences de natalité qui induisent beaucoup de dépenses supplémentaires en France ; et des dépenses de défense) on se rend compte que la France dépense moins que plusieurs autres pays, et pas uniquement moins que le Danemark.
La différence avec les pays dépensant moins se fait surtout sur les dépenses sociales, retraites en particulier.

Donc, si vous voulez tenir compte de l'ensemble des données, vous pouvez éventuellement critiquer, mais à défaut votre post se résume à un rabâchage d'un discours médiatique...fort imprécis.

Écrit par : td | 03 septembre 2014

M. de Boissieu,

Si votre article ne manque pas de bon sens, je n'ai pu m'empêcher de sourire lorsque vous avez qualifié la position de l'UMP sur l'économie de "néo-libérale".

Faut-il vous rappeler que sous le mandat de N. Sarkozy, les impôts et les dépenses publiques ont massivement augmenté ? C'est le contraire d'une politique néo-libérale, car les néo-libéraux préconisent une baisse massive et simultanée des dépenses et de la fiscalité.

La politique menée, par exemple, par le gouvernement de D. Cameron au Royaume-Uni n'a rien à voir avec celle menée par l'UMP.

Donc si l'UMP a une vision économique néo-libérale, je suis quant à moi le prochaine pape de l'église catholique romaine ...

Écrit par : Benax | 04 septembre 2014

@Benax. Lisez les propositions de Fillon et Le Maire!

Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 septembre 2014

@td:

"On aura raison de blâmer l'Europe en cas de problème, puisque c'est le fait d'en faire le premier (ou le seul ?) objectif du pays qui pousse à se désintéresser de l'avenir des "champions nationaux" par exemple."
Enlevez l'euro, les problèmes resteront. Quant à la politique des champions nationaux, elle ne marche que pour les pays en rattrapage ou en reconstruction (France post-45).

"Le système de santé de la France ou du Royaume-Uni fait rêver aux Etats-Unis, y compris en termes de coûts relatifs..."
Le système de santé américaine est effectivement cher, mais il est d'une qualité bien supérieure, ce pays disposant dans quasiment tous les domaines des dernières technologies et traitements les plus récents.

"Lorsque l'on compare la France avec d'autres pays en terme de dépense publique, en prenant en compte tous les éléments de comparaison (par exemple, en intégrant les fonds de pension aux Pays-Bas et au Royaume-Uni ; en tenant compte des différences de natalité qui induisent beaucoup de dépenses supplémentaires en France ; et des dépenses de défense) on se rend compte que la France dépense moins que plusieurs autres pays, et pas uniquement moins que le Danemark."
Mouais, donc en fait si on enlève toutes nos dépenses on est au même niveau que les autres :))
Pour votre information, la natalité française est équivalente, à quelques décimales près, de celle du Royaume Uni, et pas beaucoup plus élevée que celle des Pays-Bas.

"La différence avec les pays dépensant moins se fait surtout sur les dépenses sociales, retraites en particulier."
Là, nous sommes d'accord. Mais pas seulement pour les retraites, d'ailleurs. Nous offrons des prestations sociales ultra-généreuses, idem pour l'indemnisation chômage, sans efficacité et souvent sans contrôle.

Donc, si vous voulez tenir compte de l'ensemble des données, vous pouvez éventuellement critiquer, mais à défaut votre post se résume à un rabâchage d'un discours médiatique...fort imprécis.

Écrit par : alex | 07 septembre 2014

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