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14 octobre 2014

Zemmour contre la France

Je viens enfin de lire les quelques pages du dernier livre d'Éric Zemmour consacrées au régime de Vichy (Le Suicide français, Albain Michel, pages 87 à 94).

L'essayiste y dénonce "l'équation paxtonienne: Vichy est le mal absolu; Vichy, c'est la France; donc la France est le mal absolu".

 

Tout comme Zemmour, je suis contre cette "équation paxtonienne", car je soutiens que Vichy n'était pas la France. Je l'ai déjà écrit sur ce blog, "invoquer la responsabilité de la France dans le crime contre l'Humanité jugé au Tribunal de Nuremberg, comme cela a pu être fait jusqu'au plus haut sommet de l'État, c'est nier le 18 Juin 1940".

 

Mais, contrairement à Zemmour, je ne pense pas qu'il y ait eu une quelconque "efficacité de l'échange immoral, Juifs français contre Juifs étrangers, voulu et obtenu par Vichy". Si je suis globalement critique envers le soi-disant Conseil représentatif des institutions juives de France, sur son site figure une courte et salutaire mise au point: "Le gouvernement antisémite de Vichy n'a jamais réellement cherché à protéger les Juifs français".

 

Bref, l'erreur d'Éric Zemmour consiste à expliquer que Vichy n'était pas la France (position gaulliste) en passant par une réhabilitation du régime de Vichy (position néo-pétainiste). Plus qu'une erreur, c'est une faute: confondre la responsabilité du régime de Vichy avec celle de la France. À quoi bon en effet expliquer inlassablement que la continuité française était à Londres et non à Vichy, si ce dernier régime doit finalement, comme le plaide Éric Zemmour, ne pas être "reconnu à la fois responsable et coupable"? Une vraie faute contre la France de la part de quelqu'un qui prétend la défendre.

 

P.S. Conséquence énervante: Zemmour dit un truc vrai (Vichy n'est pas la France) et un truc faux (Vichy a conduit une politique de sauvetage des Français juifs). En dénonçant le truc faux, certains attaquent aussi le truc vrai. Mais si tu défends le truc vrai, on t'accuse bien vite de défendre le truc faux!

 

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L'historien Jacques Semelin a analysé comment 75% des juifs vivant en France et 90% des Français juifs ont échappé à la déportation (Persécutions et entraides dans la France occupée, Les Arènes - Seuil, 912 pages).

Contrairement à ce qu'écrit Éric Zemmour, ce n'est pas la conséquence d'une "stratégie adoptée par les Pétain et Laval face aux demandes allemandes: sacrifier les Juifs étrangers pour sauver les Juifs français". Même si la nationalité fut un facteur important: "Les Français juifs étaient intégrés dans la société, ils parlaient français, avaient davantage de moyens financiers et pouvaient faire appel à de la famille, des amis, des voisins", soulignait ainsi Jacques Semelin dans un entretien qu'il m'avait accordé pour La Croix.

Je lui posais d'ailleurs la question suivante :

La Croix: L'argument du nombre de Français juifs sauvés n'est-il pas, déjà, le principal argument des défenseurs du maréchal Pétain ?

Jacques Semelin: Constater que 75% des juifs de France ont été sauvés ne revient pas à exonérer le maréchal Pétain. Berlin avait stratégiquement besoin de Vichy – qu'il s’agisse du maintien de l’ordre ou de l'économie de guerre –, et Vichy aurait donc sans doute pu s'opposer aux déportations. Il n'en demeure pas moins, quelles qu'aient été les intentions d'un régime pratiquant l'antisémitisme d'État, qu'en soi, le maintien d'un appareil étatique a eu un effet positif pour la survie des juifs de France.

 

Il y a donc eu un effet collatéral du maintien d'un appareil étatique en zone dite "libre", et non le résultat d'une politique volontaire de sauvetage des Français juifs.

Commentaires

bonjour laurent, votre blog gagnerait à adopter une police de caractère un poil plus haute. pour ma part je publie en georgia 14, je pense que même les malvoyants y trouvent leur compte ! ce commentaire peut être détruit après lecture, sans problème !

Écrit par : edgar | 15 octobre 2014

Bonjour, chez moi c'est bien lisible, mais en effet on m'a déjà signalé qu'ailleurs c'était trop petit. Je ne sais pas comment paramétrer cela...

Écrit par : Laurent de Boissieu | 15 octobre 2014

" Il n'en demeure pas moins, quelles qu'aient été les intentions d'un régime pratiquant l'antisémitisme d'État, qu'en soi, le maintien d'un appareil étatique a eu un effet positif pour la survie des juifs de France." Donc , sans Etat, et sans Vichy ... Non?

Écrit par : Santo | 15 octobre 2014

"Il y a donc eu un effet collatéral du maintien d'un appareil étatique en zone dite "libre", et non le résultat d'une politique volontaire de sauvetage des Français juifs", contrairement à ce qu'écrit Zemmour.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 15 octobre 2014

Et c'est la seule chose qui vous a choque dans ce "livre" et qui mérite d'être corrigé ou nuancé ??

Zemmour,par sa haine pathologique de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Arabe(sans doute par solidarité communautaire avec israël, comme Finkielkraut qui est passé de l'antiracisme dans les années 1980 aux thèses de l'extrême droite islamophobe après la seconde intifada),raconte depuis longtemps beaucoup de bêtises,relayent des infos fausses,exagerent sans cesse,ment,trafiquent les chiffres pour étayer ses thèses.
Mais bon,tant qu'ils visaient les noirs et les Arabes,cela ne dérangeaient pas grand monde...

PS:comme l'a démontré Caron,il ment sur le nombre d'étrangers en FRance en avançant le chiffre farfelu de plus de 7 millions d'enfants etrangers de moins de 4 ans alors que la France(dans sa totalité) ne compte que 4 millions d'enfants de moins de 4 ans.
Autre exemple,il affirme que lors des émeutes de 2005,les émeutiers se consultaient et l'encourageaient via les réseaux sociaux comme facebook ou twitter alors ces derniers datent respectivement de 2004 et de 2007..

Écrit par : lina | 15 octobre 2014

Ouch...je viens de me relire:beaucoup de fautes de français,notamment de conjugaison(relaie,exagère,etc).

Écrit par : lina | 16 octobre 2014

@Lina. Comme répondu ailleurs à quelqu'un d'autre: "je n'ai absolument pas le temps de lire les 534 pages de ce livre, et j'assume complètement de n'avoir pris le temps de lire et de commenter que le passage controversé sur Vichy afin de voir et savoir ce qu'il en était exactement."

Écrit par : Laurent de Boissieu | 16 octobre 2014

P.S.: il ne me semble pas que ce soit Caron mais Sébastien Lafargue qui ait démontré les erreurs factuelles de Zemmour:
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1250135-sur-france-2-le-20h-de-pujadas-demonte-les-mensonges-de-zemmour-une-lecon-de-journalisme.html

Écrit par : Laurent de Boissieu | 16 octobre 2014

Je ne suis pas sûr de partager l'idée que Zemmour «dise vrai» au moins sur un point, le fait que «Vichy n'était pas la France». Car ce point là n'est ni vrai ni faux, ou en tout cas ce n'est pas de l'ordre de la vérité historique concrète (comme la question de savoir si Vichy a tenté ou non de sauver les Juifs français), c'est une simple vue de l'esprit, une question idéologique.

Que désigne-t-on quand on dit «la France» ? Souvent dans le langage courant, cela désigne les autorités gouvernementales françaises : de fait l'appareil d'État français, dans sa continuité légale, était le régime de Vichy. Ce qui ne veut pas dire que «la France» désigne dans cette acception l'ensemble des Français - même si par ailleurs ce régime était au moins initialement soutenu par une majorité d'entre eux.

Alors évidemment, on peut dire qu'on entend par «la France» la «légitimité» de la Nation, de sa liberté, ou des valeurs de la République, ou que sais-je, et considérer donc que De Gaulle incarne cet esprit et la continuité «légitime» (à défaut de la continuité «légale») de la France à partir du 18 juin 40 et pas l'État français pétainiste. Mais encore une fois c'est une simple construction intellectuelle et abstraite qui n'est ni vraie ni fausse en soi. Au même titre qu'un Allemand pourrait dire que le IIIe Reich n'était pas l'Allemagne, mais que l'Allemagne existait à travers les derniers Allemands qui résistaient au nazisme.

Écrit par : Fabien | 18 octobre 2014

Juridiquement, si on parle de droit, l'ordonnance du 9 août 1944 sur le rétablissement de la légalité républicaine dispose que "la forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d’exister" et déclare "nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires" de l'"autorité de fait qui s'est imposée à la France".
Certes, c'est le "droit du vainqueur", mais c'est notre droit!

Écrit par : Laurent de Boissieu | 18 octobre 2014

Vous avez raison de le souligner. Mais comme vous le mentionnez, c'est le droit des vainqueurs, et, de fait, une réécriture a posteriori. Jusqu'en août 1944 l'État français de Vichy est le gouvernement de la France, même si l'ordonnance affirme ensuite le contraire de manière rétroactive.

C'est l'inscription dans le droit de la philosophie politique du vainqueur. Mais il est de toute façon évident que le droit - et particulièrement le droit constitutionnel - est une construction politique portée par des représentations et des intérêts spécifiques, et que les moments de guerre ou de révolution sont des moments où il est particulièrement plastique et malléable.

Mais évidemment je suis d'accord sur le fait que la Résistance intérieure comme extérieure fait vivre l'esprit de la France libre et républicaine pendant l'Occupation. De mon point de vue, simplement, il n'y a pas à proprement parler de «vérité» historique ou objective sur qui est légitime pour être «la France», cela relève de la construction idéologique (ce qui n'est pas péjoratif). Factuellement, il y a des individus et des groupes qui ont leurs représentations et leurs intérêts différents et qui à tels ou tels moment parviennent à les imposer et à les «naturaliser» y compris par le droit.

En l’occurrence, il y a un gouvernement sur le territoire français qui obtient le pouvoir par les voies légales, et des opposants à ce gouvernement qui constituent progressivement un gouvernement en exil qui se revendique comme le seul légitime et qui ensuite prend le pouvoir et est en mesure de faire triompher (et d'objectiver par le droit) «sa» conception de la légitimité.

Ce sont les quelques réflexions que m'inspirent cette thématique, mais j'ai déjà fait trop long et je ne voudrais pas abuser de cet espace de commentaires. Mais c'est un débat passionnant.

Écrit par : Fabien | 18 octobre 2014

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