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27 décembre 2015

Déchéance de la nationalité et Constitution

Je l'avoue, j'étais initialement opposé à l'inscription dans la Constitution de la déchéance de la nationalité française, pensant qu'une loi ordinaire suffisait pour que cette sanction puisse désormais concerner tous les Français et plus seulement les Français naturalisés depuis moins de 15 ans (cas d'une condamnation pour terrorisme).

D'autant plus que la formulation initiale était absolument inacceptable en ce qu'elle ne visait que les Français plurinationaux, c'est-à-dire qu'elle créait deux catégories de Français, les plurinationaux et les mononationaux (alors que seule une différence de situation au regard du droit international peut justifier une différence de traitement):

Article 3-1. Un Français qui a également une autre nationalité peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu’il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.

(c'est à cause de cette formulation initiale que le débat sur la déchéance de la nationalité s'est déporté sur celui de la plurinationalité; bref, François Hollande a lui-même biaisé et vicié le débat!)

 

Or, même en suivant l'avis du Conseil d'État conseillant d'inscrire dans la Constitution cette égalitarisation de la déchéance (qui ne concernerait plus les seuls naturalisés Français mais aussi les nés Français), la formulation retenue demeure inacceptable:

Article 34. La loi fixe les règles concernant ...la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne née française qui détient une autre nationalité peut être déchue de la nationalité française lorsqu’elle est définitivement condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation;

J'émets en effet trois critiques:

- la constitutionnalisation de la notion de "personne née française", alors que Français nés Français et Français par acquisition (naturalisation, mariage) sont dans la même situation au regard du droit de la nationalité et devraient donc aussi l'être dans la Constitution puisque la République française "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine (...)".

- la référence maintenue aux plurinationaux (la sanction doit s'adresser sans distinction à tous les Français: que le droit international en limite de fait sa portée ne doit intervenir qu'après, par exception)

- le renvoi trop imprécis (notion d'"atteinte grave à la vie de la Nation") à une loi ordinaire (qu'une simple majorité parlementaire peut modifier sans passer par une révision constitutionnelle)

 

En conclusion, voici selon moi la formulation qui permettrait de conserver et élargir (afin de supprimer l'actuelle inégalité) la déchéance de nationalité sans rompre l'égalité entre les citoyens devant la loi:

Article 3-1. Toute personne peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme, sauf si la déchéance a pour résultat de la rendre apatride.

Article 3-1. Toute personne peut, dans les conditions fixées par la loi et dans le respect des engagements internationaux de la France, être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.

ou

Article 34. La loi fixe les règles concernant ...la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme, sauf si la déchéance a pour résultat de la rendre apatride;

Article 34. La loi fixe les règles concernant ...la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut, dans le respect des engagements internationaux de la France, être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est définitivement condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme;

 

[Ajout]

Autre solution, sans réviser cette fois la Constitution: modifier l'actuel article 23-8 du Code civil sur la perte de la nationalité, qui concerne déjà tous les Français (par attribution ou par acquisition, mononationaux ou plurinationaux), en ajoutant les "organisations considérées comme terroristes par une organisation internationale dont la France fait partie":

Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou une organisation considérée comme terroriste par une organisation internationale dont la France fait partie ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n'a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l'injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement.

 

Commentaires

Votre formulation rompt l'égalité des citoyens, car elle ne permet de déchoir de la nationalité française que les binationaux, qui sont à 90 % d'origine étrangère. Cette mesure est inefficace et elle a une portée symbolique désastreuse : en établissant une loi spécifique pour les binationaux, on les désigne comme une "cinquième colonne", susceptibles de trahir leur pays . On leur fait sentir qu'ils ne sont pas des français comme les autres.
L'indignité nationale visant tous les citoyens coupables d'actes de terrorisme, quelques soient leur origine serait le seule mesure acceptable .

Écrit par : C Morell Sampol | 27 décembre 2015

Pour la énième fois:
1. Cette différence de traitement est déjà le droit actuel.
2. Cela a déjà été jugé: ce n'est pas une rupture d'égalité puisque c'est le traitement différent de personnes qui se trouvent dans une situation différente au regard du droit international.
Ça finira bien un jour pas rentrer dans toutes les têtes...

Comme écrit avec agacement à force de me répéter sur Twitter: "Bonne résolution: ne plus parler déchéance de la nationalité avec ceux qui ne connaissent ni le droit actuel ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière".

Après, oui, l'indignité nationale est une autre réponse. Mais ce n'est pas une raison pour écrire n'importe quoi au sujet de la déchéance de nationalité.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 27 décembre 2015

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