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06 février 2018

Que peuvent espérer obtenir les régionalistes corses?

Élus en décembre 2015 puis confirmés en décembre 2017 à la tête de la Collectivité territoriale de Corse, les régionalistes considèrent que leur mandat consiste, non seulement à administrer un territoire, mais aussi à ouvrir un "dialogue politique avec Paris" afin de négocier une "émancipation" autour de plusieurs revendications, considérant que l'île serait "un peuple et une nation sans État".

 

1. Un statut d'autonomie dans la Constitution

L'état des lieux. La Corse est actuellement une "collectivité à statut particulier" mais régie, comme les autres collectivités territoriales métropolitaines, par l'article 72 de la Constitution.

La revendication. Les régionalistes souhaiteraient que l'île soit désormais mentionnée dans la Constitution en étant régie par l'article 74, qui confère aux collectivités d'outre-mer (Saint Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna, Polynésie française) un statut tenant compte d'un "intérêt propre".
L'autonomie qu'ils revendiquent irait jusqu'à inclure "la dévolution progressive du pouvoir législatif, réglementaire et fiscal de plein droit et de plein exercice dans les domaines non régaliens".
Pour les autonomistes, majoritaires derrière Gilles Simeoni (Femu a Corsica), il s'agirait d'un aboutissement. Pour les indépendantistes, minoritaires autour de Jean-Guy Talamoni (Corsica Libera), il ne s'agirait en revanche que d'une étape vers l'indépendance.

La procédure. Inscrire dans la Constitution la Corse avec un statut d'autonomie approfondie commanderait par nature une révision constitutionnelle. C'est-à-dire son adoption par les deux assemblées en termes identiques, puis par référendum ou par les trois cinquièmes du Parlement convoqué en Congrès.

Analyse. Dans un discours à Furiani, le 7 avril 2017, le candidat Emmanuel Macron n'avait pas fermé la porte à une révision constitutionnelle: "Est-ce qu'il faudra aller plus loin, modifier le cadre législatif et réglementaire, réviser la Constitution pour permettre de nouvelles adaptations? (…) Je n'éluderai pas la question. Sur ce sujet, comme sur tous les autres, je suis ouvert au dialogue".
Le degré d'autonomie revendiqué remettrait toutefois en cause l'aspect unitaire de l'État, les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'indivisibilité de la République. Il est donc peu concevable que l'exécutif concède à un territoire métropolitain un statut de type fédéraliste, dont seule la Nouvelle-Calédonie bénéficie avec ses "lois du pays". Les "lois du pays" de la Polynésie française, à l'inverse, ne revêtent pas le caractère d'un pouvoir législatif. D'une part, elles conservent la valeur d'actes administratifs assujettis au contrôle du Conseil d'État. D'autre part, toute intervention dans le domaine de la loi nécessite au préalable un décret d'approbation, puis la ratification de ce dernier par le Parlement.

 

2. La co-officialité de la langue corse

L'état des lieux. Le corse est une langue régionale appartenant au patrimoine de la France. Depuis 1974, l'éducation nationale propose ainsi un enseignement facultatif de la langue et de la culture corses.

La revendication. La co-officialité de la langue corse avec la langue française reconnaîtrait, en Corse, à tout administré le droit de pratiquer cette langue régionale dans la vie publique, c'est-à-dire dans les administrations ou les services publics. Elle impliquerait en outre son enseignement obligatoire sur le territoire.

La procédure. Reconnaître la co-officialité de la langue corse nécessiterait également de réviser la Constitution. D'abord, son article premier, puisque donner un tel droit spécifique aux locuteurs de langue corse, à l'intérieur de la Corse, méconnaîtrait les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français. Ensuite, son article 2, qui dispose que "la langue de la République est le français".

Analyse. Il est peu probable que l'exécutif accepte de conférer à la langue corse un statut qu'aucune autre langue régionale ne possède, y compris outre-mer. Tout en consacrant un article entier à la langue tahitienne, le statut d'autonomie de la Polynésie française confirme en effet que "le français est la langue officielle de la Polynésie française". Même chose pour la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, qui se contente de proclamer que "les langues kanak sont reconnues comme langues d'enseignement et de culture".

 

3. Un "statut de résident corse"

L'état des lieux. À défaut de reconnaissance d'un "peuple corse" (censurée par le Conseil constitutionnel en 1991), tous les Français sont égaux devant la loi en général et les conditions d'accès à la propriété foncière en particulier.

La revendication. Les régionalistes soutiennent l'idée d'un "statut de résident" qui conditionnerait l'accès à la propriété à une résidence préalable de cinq ans ou à la détention sur l'île du "centre de ses intérêts matériels et moraux". Dans un document, Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse, indique que cette notion serait déterminée par "un faisceau d'indices concordants: lieu de naissance, lieu de résidence des parents ou des ascendants, propriété, inscription sur les listes électorales, scolarité, etc."

La procédure. Rompre l'égalité des citoyens français devant la loi nécessiterait, encore une fois, de réviser la Constitution.

Analyse. Il est peu plausible que l'exécutif s'aventure vers une révision constitutionnelle remettant en cause l'un des trois termes de la devise de la République. Les seules exceptions reconnues à l'égalité sont la parité femmes-hommes et, outre-mer, un héritage de la colonisation: le "statut personnel" ou "coutumier" dont peuvent jouir les Kanaks de Nouvelle-Calédonie, les Wallisiens et les Futuniens.

 

4. Le rapprochement familial des détenus

L'état des lieux. L'association régionaliste "Sulidarità" comptabilise onze "prisonniers politiques corses": trois détenus à Borgo, sur l'île, et huit sur le continent.

La revendication. Les régionalistes demandant le "rapprochement immédiat de tous les prisonniers politiques corses".

La procédure. L'affectation des personnes arrêtées est de la compétence du directeur régional de l'administration pénitentiaire ou, notamment dans le cas des actes terroristes, du ministre de la justice.

Analyse. Les situations judiciaires sont individuelles. Mais, en raison de leur inscription sur le répertoire des "détenus particulièrement signalés", il est impossible que les trois condamnés à perpétuité pour l'assassinat de Claude Érignac obtiennent un rapprochement familial: Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi ne peuvent purger leur peine que dans une maison centrale. Or, cette catégorie d'établissement pénitentiaire n'existe pas en Corse.

 

5. L'amnistie des condamnés et des recherchés

L'état des lieux. Contrairement aux autonomistes, les indépendantistes ont engagé depuis les années 1970 une lutte armée "de libération nationale" contre l'État, voyant la France comme un colonisateur. Cette vision a conduit à l'assassinat du préfet Claude Érignac, le 6 février 1998. Plusieurs activistes sont emprisonnés ou recherchés.

La revendication. Les groupes armés ayant "unilatéralement" cessé leurs actions militaires depuis 2014 (FLNC - Union des Combattants) ou 2016 (FLNC du 22 Octobre), les régionalistes exigent en réciprocité "une loi d'amnistie" afin de "tourner la page".

La procédure. Une "amnistie" passerait soit par le droit de grâce, à titre individuel, du président de la République, soit par une loi d'amnistie. À l'exemple de celle ayant amnistié, en 1990, "les infractions commises avant le 20 août 1988 [accords de Matignon-Oudinot] à l'occasion des événements d'ordre politique, social ou économique en relation avec la détermination du statut de la Nouvelle-Calédonie ou du régime foncier du territoire".

Analyse. Lors de la cérémonie d'hommage au préfet Claude Érignac, le 6 février 2018, Emmanuel Macron a d'emblée rejeté cette revendication en vantant une justice "sans complaisance, sans oubli, sans amnistie". Dominique Érignac, sa veuve, a même clairement répondu aux régionalistes que "la page n'est pas tournée" parce qu'elle est "tachée de sang".

 

 

Ajout:

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