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02 janvier 2008

Politique de civilisation

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La gauche n'a pas hésité à dénoncer un "concept nouveau" qui "ne veut absolument rien dire". Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas inventé l'expression "politique de civilisation". Il n'a fait que l'emprunter à Edgar Morin. "Il faut restaurer maintenant une politique de portée historique, un grand New Deal, que j'appelle, moi, une politique de civilisation", écrivait Edgar Morin dès décembre 1995, dans le contexte du mouvement social contre la réforme Juppé. Pour le sociologue, tout l'enjeu consistait alors à concilier le "double impératif d'intégration européenne et de maintien de la spécificité française", à réformer le "service public à la française" sans qu'il soit "dilué dans un libéralisme économique européen généralisé".

Ce n'est donc pas un hasard - bien qu'Edgar Morin ne se rattache pas à cette mouvance - si ce thème trouvait alors écho chez les promoteurs d'une "autre politique" contre la "pensée unique" néolibérale et monétariste (politique du franc fort). En 1997, Edgar Morin publiait ainsi un livre avec le politologue chevènementiste Sami Naïr, justement titré "une politique de civilisation" (Éditions Arléa). "Ce qu'il nous faut, c'est une politique de civilisation et pas seulement une politique économique ou sociale", reprenait en 2002 l'économiste Henri Guaino, interrogé par le club séguiniste Appel d'R, rallié à la candidature de Jean-Pierre Chevènement.

Durant ces années, Nicolas Sarkozy appartenait, lui, plutôt au "cercle de la raison" qu'Alain Minc opposait aux tenants de l'"autre politique". Durant la précampagne électorale de 2007, il n'était ainsi pas question pour Nicolas Sarkozy de maintenir la "spécificité française", mais, au contraire, de "rompre avec un modèle social français dépassé". Mais c'était avant qu'Henri Guaino ne devienne la plume du candidat puis le conseiller du nouveau président de la République...

Reste à savoir ce que pense Edgar Morin de cette appropriation par Nicolas Sarkozy du concept de "politique de civilisation". En mai-juin 2007, le réseau "intelligence de la complexité" a publié, sous le titre "Pour une politique de la civilisation", les choix d'Edgar Morin s'il était à l'Élysée. Pas sûr, pour le moins, que le président de la République soit prêt à reprendre toutes les idées développées par le sociologue, plus keynésiennes que libérales et aux relents altermondialistes (lire note précédente).

"Cette voie nous pouvons nous y avancer en France, et par là espérer la faire adopter en Europe, et faisant de nouveau de la France un exemple, elle nous permettra d'indiquer la voie du salut planétaire", concluait Edgar Morin. Une conclusion reprise en substance et sans complexe, dans ses voeux aux Français, par Nicolas Sarkozy : "Alors, que la France montre la voie ! C'est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d'elle".

 

Avertissement : note originellement publiée le 1er janvier au matin, puis, ayant dans la journée repris l'info dans un article pour La Croix du 2 janvier, j'ai repoussé la publication de la note à ce matin

La politique de civilisation selon Edgar Morin

  • dépasser les souverainetés absolues des États-nations tout en reconnaissant pleinement les souverainetés pour ce qui ne sont pas de vie/mort de la planète.

  • instituer à l'ONU un Observatoire international des crimes d'inhumanité.

  • créer au sein de l'ONU des instances responsables pour la biosphère, l'eau, l'alimentation, l'économie.

  • instituer une autorité politique et une indépendance militaire à l'Europe avec constitution d'une armée commune européenne (NDLR : contradiction avec la reconnaissance pleine des souverainetés lorsqu'il ne s'agit pas de la vie/mort de la planète ?).

  • réguler les prix pour les produits fabriqués à coût minime dans l'exploitation des travailleurs.

  • élaborer une politique commune européenne d'insertion des immigrés.

  • susciter une rencontre entre les partenaires sociaux sur l'emploi et les salaires (NDLR : idée défendue par Ségolène Royal durant la campagne présidentielle).

  • susciter une rencontre entre les partenaires sociaux sur les retraites.

  • constituer un comité permanent de lutte contre les inégalités, qui s'attaquerait en premier lieu aux excès (de bénéfices et rémunérations au sommet) et aux insuffisances (de niveau et qualité de vie au bas de l'échelle sociale).

  • constituer un comité permanent chargé de faire des propositions afin de renverser le déséquilibre accru depuis 1990 dans la relation capital-travail.

  • constituer un comité permanent qui traiterait des transformations sociales et humaines que devraient entraîner l'intégration de la nécessité vitale d'une politique écologique.

  • créer de Maisons de la Fraternité dans les diverses villes et dans les quartiers des métropoles comme Paris et Lyon. Ces maisons regrouperaient toutes les institutions à caractère solidaire existant déjà (secours populaire, secours catholique, SOS amitié etc.) et comporteraient de nouveaux services voués à intervenir d'urgence auprès de détresses, morales ou matérielles, à sauver du naufrage les victimes d’overdose de drogue ou de chagrin. De telles maisons seraient dotées de dispositifs d’accueil, d'alerte et d'urgence qui loin de se substituer aux dispositifs hospitaliers ou policiers les stimuleraient si besoin ou pallieraient leurs carences.

  • instituer un service civique obligatoire de fraternité qui serait utilisé dans et par les Maisons de la Fraternité et de plus se voueraient aux désastres collectifs inondations, canicules, sécheresses, etc. non seulement en France mais aussi en Europe et dans les pays méditerranéens.

  • revitaliser des campagnes à travers la nécessité de substituer les activités fermières neo-paysannes à l'agriculture et l'élevage industrialisés, de réanimer les villages par l'installation du télé-travail, le retour de la boulangerie et du bistro.

  • instituer des aides à la création et au développement des métiers de solidarité et de toute activité contribuant à la qualité de la vie.

  • politique des grands travaux pour développer le ferroutage, élargir et aménager les canaux et créer des ceintures de parkings autour des villes et autour des centre-ville.

  • développer l'épargne solidaire.

  • généraliser le micro-crédit.

  • développer l'alimentation de proximité qui ne dépend plus des grands circuits intercontinentaux.

  • instituer une année propédeutique pour toutes disciplines sur : les risques d’erreur et d'illusion dans la connaissance; les conditions d’une connaissance pertinente; l'identité et la condition humaines; l'ère planétaire que nous vivons; l'affrontement des incertitudes, la compréhension humaine.

  • instituer une éducation de civilisation contemporaine : la vie urbaine (avec les mégapoles); la relation villes-campagnes; l'humanisation des villes et revitalisation des campagnes; individualisme et solidarités; la culture juvénile; l'évolution de la famille, la situation de la vieillesse; l'éducation à la consommation; l'intoxication automobile; l'éducation aux vacances; l'éducation aux médias.

Lettre Chemin Faisant, MCX-APC, numéro 38, mai-juin 2007

 

N.B. : n'ont été retenues que les propositions concrètes et pas les déclarations d'intention, même si certaines peuvent être confrontées avec les idées de Nicolas Sarkozy, notamment sur la réforme de l'État ou la délinquance des mineurs, l'immigration et la "repentance" : "Dans notre conception de la fraternité, nous considérons les délinquants juvéniles non comme des individus abstraits à réprimer comme les adultes, mais comme des adolescents à l'age plastique où il faut favoriser les possibilités de rédemption. Nous considérons les immigrés non comme des intrus à rejeter, mais comme des frères issus de la pire misère celle qu'a créée non seulement notre colonisation passée, mais aussi celle qu'a créée dans leur pays l'introduction de notre économie en détruisant les polycultures de subsistance et en déportant les populations agraires dans le dénuement des bidonvilles urbains".

 

Philosophiquement, les quatres principes d'une "politique de civilisation" (Edgar Morin, Pour une politique de civilisation, Arléa, 2002) sont :

  • solidariser (contre l'atomisation et la compartimentation)
  • ressourcer (contre l'anonymisation)
  • convivialiser (contre la dégradation de la qualité de vie)
  • moraliser (contre l'irresponsabilité et l'égocentrisme)

 

19 décembre 2007

Nicolas Sarkozy s'achemine vers une réforme des institutions a minima

0b227c2a23bc059b10e1024c6561e8a6.jpgQue penser de l'avant-projet de loi portant réforme des institutions ?

 

 

 

1. Pas de grand soir institutionnel

Nicolas Sarkozy avait évoqué pour la première fois une révision constitutionnelle lors de ses vœux à la presse du 12 janvier 2006 puis lors de la convention de l'UMP sur les institutions le 5 avril 2006. À l'époque, le futur président de la République affichait de fait l'ambitieux projet de présidentialiser la Ve République, prévoyant notamment que ce soit le président de la République, et non plus le premier ministre, qui détermine la politique de la Nation. Une évolution soutenue depuis longtemps par Édouard Balladur et François Fillon, en particulier dans le prolongement de l'adoption du quinquennat (2000).

Dans sa lettre de mission adressée au comité "Balladur", Nicolas Sarkozy demandait cet été encore d'examiner "dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l'articulation des pouvoirs du président de la République et du premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l'évolution qui a fait du président de la République le chef de l'exécutif". Le comité "Balladur" a donc proposé d'écrire dans la Constitution que le président de la République "définit la politique de la nation" tandis que le gouvernement la "conduit".

De tout cela, il ne reste plus grand chose dans l'avant-projet de loi constitutionnelle (unique clarification : le rôle du premier ministre en matière de défense nationale). Nicolas Sarkozy renonce donc à transcrire dans le texte de la constitution sa pratique présidentialiste. La seule trace qui demeure de cette évolution est le droit de message du président de la République, qui pourrait "prendre la parole devant le Parlement réuni en congrès ou l'une ou l'autre de ses assemblées". Et encore : dans un entretien au Monde, François Fillon indique aujourd'hui que "la question reste ouverte". Il est vrai que le PS a déjà dit son intention de ne pas voter la réforme des institutions si cette disposition y figurait.

 

2. Une revalorisation consensuelle du Parlement

Si la redéfinition des relations entre les différents membres de l'exécutif a été abandonnée, la volonté de rééquilibrer les rapports entre le Parlement et l'exécutif est tojours présente.

La procédure législative serait profondément remaniée. Tout d'abord, l'ordre du jour des assemblées parlementaires ne comporterait plus "par priorité et dans l'ordre que le gouvernement a fixé la discussion des projets de loi déposés par le gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui" mais serait partagé à parité entre le gouvernement et le Parlement.

Ensuite, les textes discutés en séance seraient ceux adoptés par les commissions parlementaires (jusqu'à dix commissions permanentes, contre six actuellement) et non plus ceux présentés par le gouvernement. Enfin, le Parlement pourrait s'opposer à l'usage de la procédure d'urgence (convocation par le gouvernement d'une commission mixte paritaire dès la première lecture) et, surtout, la portée de l'article 49 alinéa 3 (adoption d'un texte sans vote) serait limitée aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale et à "un autre texte par session".

Le Parlement verrait par ailleurs ses pouvoirs renforcés. D'une part, certaines nominations relevant du président de la République (Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature...) seraient soumises à l'avis d’une commission constituée de parlementaires. Et, d'autre part, lorsque la durée d'une intervention des forces armées à l'extérieur excède six mois, sa prolongation serait autorisée par le Parlement.

 

3. Vie politique : la réforme devient réformette

Le texte instaurerait notamment un statut de la majorité et de l'opposition (cette dernière fixant l'ordre du jour parlementaire un jour de séance par mois), modifierait le collège électoral sénatorial afin de mieux tenir compte de la démographie et permettrait aux ministres de retrouver leur siège au Parlement lorsqu'ils cessent d'exercer leurs fonctions gouvernementales. Mais, du droit d'initiative populaire du comité "Balladur", il ne resterait qu'un droit de pétition devant le Conseil économique et social. Autres propositions non retenues : la possibilité pour les justiciables d'invoquer l'inconstitutionnalité d'une loi devant les tribunaux ou l'interdiction de tout cumul entre une fonction ministérielle et un mandat électif.

 

4. Il n'y a pas que la Constitution dans la vie

Le projet de loi de révision de la Constitution, dont l'examen devrait débuter au Parlement avant les élections municipales des 9 et 16 mars 2008, ne constitue toutefois qu'un élément de la réforme des institutions.

Les deux principales attentes du PS et du Nouveau Centre ne sont en effet pas de nature constitutionnelle : le non-cumul des mandats (PS) et l'introduction d'une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale (PS et Nouveau Centre). Même si, en ce qui concerne ce dernier point, une première brèche serait ouverte avec l'affirmation que "les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale". Créant pour la première fois deux catégories de députés : ceux qui représentent la nation (élus au scrutin majoritaire) et ceux qui représentent cette fraction du peuple (probablement élus à la représentation proportionnelle).

 

NOTA : des extraits de cet article ont été utilisés pour un article à paraître demain dans La Croix

27 novembre 2007

Vous avez dit "diversité culturelle" ?

c3804d94f493d51dd6ae9a3ba96a56c6.jpgL'UMP présentera jeudi ses têtes de liste parisiennes par arrondissement. Certains de mes confrères ont présenté les candidatures de Rachida Dati (VIIe), Lynda Asmani (Xe) et Jean-Claude Beaujour (XXe) comme des candidatures relevant de la "diversité culturelle".

En quoi ces trois personnes ne seraient-elles pas de culture française ? En quoi leurs candidatures seraient-elle des candidatures relevant de la "diversité culturelle" ?

Que mes confrères assument. Ils emploient le mot "culture" mais ils pensent au mot "racial". Alors qu'ils écrivent "diversité raciale" et, encore une fois, assument leur complicité dans la propagation insidieuse d'une vision racialiste du monde. La bête immonde n'est pas morte. Elle revient en voulant faire l'ange...

05 novembre 2007

Bipolarisation et bipartisme

ff7da4b4fd43b99419381984d8f4c01c.jpgJe vous invite à lire une petite étude sur la bipolarisation de la vie politique française. De quand date la bipolarisation de la vie politique française ? Quelles en sont les causes ? La bipolarisation évolue-t-elle vers un bipartisme ?