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05 avril 2007

Nicolas Sarkozy veut "expérimenter" la TVA sociale

medium_caddie.gifVoilà plusieurs années que les politiques tournent autour de la TVA sociale, mais sans jamais oser franchir le pas. Face à cette question, les candidats à l'élection présidentielle se répartissent en deux catégories : ceux qui sont contre ...et ceux qui hésitent. En se prononçant, la semaine dernière, dans un entretien à L'Express, en faveur d'une "expérimentation" de la TVA sociale "dans un secteur", Nicolas Sarkozy est celui qui s'est engagé le plus loin dans cette voie.

Cette prise de position a de quoi surprendre, puisque le candidat de l'UMP s'était auparavant montré réservé sur la TVA sociale. "Basculer une partie de la fiscalité sur le travail vers la fiscalité sur la consommation est une expérience tentante", écrivait Nicolas Sarkozy, le 15 février, dans le Magazine Agricole Grandes Cultures. "Pour autant, les effets d'une telle mesure sur le pouvoir d'achat sont incertains et je me méfie de la théorie des vases communicants. Le principal problème fiscal de notre pays, c'est l'excès de prélèvements obligatoires en raison de l'excès de dépenses publiques. La meilleure réforme à entreprendre est donc la baisse des dépenses pour pouvoir baisser les prélèvements, pas le transfert de l'un sur un autre." Sans doute faut-il voir dans cette évolution - comme sur les critiques de l'euro fort ou sur la promotion d'un protectionnisme européen - l'influence grandissante du gaulliste Henri Guaino sur le libéral Nicolas Sarkozy.

Le centriste François Bayrou s'interroge, lui, depuis l'été 2005 sur le moyen de ne plus financer la protection sociale par les cotisations sociales sur le travail. Le candidat de l'UDF n'a cependant toujours pas choisi vers quel prélèvement obligatoire transférer ce financement : hausse de la CSG (impôt prélevé à la source sur la plupart des revenus), TVA sociale, nouvelle taxe carbone...

Les autres candidats sont, en revanche, hostiles à la TVA sociale. "Toute forme d'impôt supplémentaire est symboliquement une erreur", a ainsi martelé, mardi, Philippe de Villiers, sur Europe 1. Le candidat du MPF suggérant à la place de "trouver comme assiette des cotisations sociales de toutes les PME la différence entre le chiffre d'affaires et la masse salariale".

À gauche, Ségolène Royal a avancé, mardi également, dans sa conférence de presse, trois arguments contre la TVA sociale. Premièrement, cette idée "n'a rien de sociale" puisque "la vie va être encore plus chère" pour les Français. Deuxièmement, l'idée est "dangereuse pour la croissance". Troisièmement, "tous les syndicats de salariés sont contre" et "on ne peut pas lancer de façon autoritaire et péremptoire des réformes auxquelles les partenaires sociaux sont opposés".

Traditionnellement, la gauche préfère les impôts progressifs (impôt sur le revenu, impôt sur les successions) aux impôts proportionnels (TVA), même si c'est elle qui a instauré la CSG. Plutôt qu'une TVA sociale, le projet législatif du PS propose ainsi de calculer les cotisations patronales "sur l'ensemble de la richesse produite et non sur les seuls salaires". Une idée que la candidate du parti n'a toutefois pas retenue dans son "pacte présidentiel".

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 04/04/2007

29 mars 2007

L'avenir du Sénat en débat

Éclairage

 

medium_senat.gif"Dans la réforme des institutions, moi, cela ne m'aurait pas gêné de supprimer le Sénat", a déclaré, en début de semaine, Ségolène Royal. "Il faudrait supprimer le Sénat, avait-elle déjà affirmé le 14 septembre 2005. C'est un anachronisme démocratique insupportable." Des propos qui rappellent ceux de Lionel Jospin, qui avait qualifié en avril 1998 le Sénat d'"anomalie parmi les démocraties". Contrairement à un État fédéral, où une chambre représente la population et une autre les États fédérés, un État unitaire comme la France pourrait constitutionnellement être monocaméral. Ce fut d'ailleurs le cas entre 1791 et 1795, ainsi que lors de la parenthèse républicaine de 1848-1851. C'est également ce qu'avait prévu en 1946 le premier projet de Constitution. Quant au "Sénat nouveau" proposé par Charles de Gaulle en 1969, "remplaçant à la fois le Sénat et le Conseil économique et social", il n'aurait plus eu qu'un rôle consultatif.

Ségolène Royal a toutefois renoncé à reprendre la suppression du Sénat dans son "pacte présidentiel" et avance trois propositions. Tout d'abord, "instaurer le non-cumul des mandats pour les parlementaires". Classique pour les députés, qui représentent la nation, cette proposition est plus originale pour les sénateurs, le Sénat assurant dans la Constitution de 1958 "la représentation des collectivités territoriales de la République". Ensuite, "modifier le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs", dans la lignée de ce qu'avait commencé à faire Lionel Jospin en 2000 en élargissant le nombre de sénateurs élus à la proportionnelle. Enfin, "supprimer le droit de veto du Sénat en matière institutionnelle". Dans la procédure législative, l'Assemblée nationale possède en effet le dernier mot, sauf pour l'adoption des lois constitutionnelles (et des lois organiques relatives au Sénat). Le Sénat est donc incontournable pour réviser la Constitution. Or, avec une majorité défavorable, il poserait à Ségolène Royal le même problème qu'il a posé à Charles de Gaulle en 1962 et 1969.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 28/03/2007

22 mars 2007

Seul François Bayrou ne dénonce pas la Banque centrale européenne

medium_euro.2.jpgL'Europe a l'habitude : à chaque campagne électorale française, elle se retrouve au banc des accusés. Cette année, c'est plus particulièrement la Banque centrale européenne (BCE) qui est montrée du doigt. D'un côté par les souverainistes, opposés par principe à tout ce qui possède un caractère supranational, notamment la monnaie unique européenne. D'un autre côté par ceux qui refusent le statut d'indépendance de la BCE et son objectif principal de lutte contre l'inflation.

Cette dernière attitude est, classiquement, celle des candidats situés à la gauche de la gauche. Mais, fait nouveau, elle a également été adoptée par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Il est vrai que la première est aussi soutenue par d'anciens "nonistes", membre du PS ou non (Jean-Pierre Chevènement), tandis que le second subit l'influence de l'ex-séguiniste Henri Guaino. On retrouve ainsi, en 2007, dans la bouche de ces deux défenseurs du "oui" au référendum sur la Constitution européenne, des arguments employés en 2005 par les partisans du "non".

Nicolas Sarkozy a été le premier à virer de bord, le 22 juin 2006, dans son discours d'Agen (Lot-et-Garonne). "Avons-nous déjà oublié le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d'achat, en déficits et en endettement public pour que nous nous sentions obligés de recommencer ?", s'est interrogé l'ancien ministre du budget d'Édouard Balladur. Rebelote en décembre 2006, où il a pointé "l'autisme d'un certain nombre de banquiers qui ne comprennent pas que la priorité, ce n'est pas la lutte contre une inflation qui n'existe pas, c'est la lutte pour plus de croissance, pour plus d'emploi et pour moins de chômage". Avant de récidiver, le 6 mars dernier, à Cormeilles-en-Parisis (Val-d'Oise), en demandant que "la politique de surévaluation de l'euro qui est en train d'accentuer tous les problèmes d'Airbus et d'accélérer la désindustrialisation de l'Europe soit abandonnée".

Ségolène Royal lui a emboîté le pas, en décembre 2006, lors du congrès des socialistes européens à Porto (Portugal). "Ce n'est plus à Jean-Claude Trichet de décider de l'avenir de nos économies, c'est aux dirigeants démocratiquement élus", a lancé la candidate en souhaitant "que la BCE soit soumise à des décisions politiques, bien sûr celles de l'Eurogroupe, mais aussi celles du Conseil européen". Ségolène Royal a toutefois, ensuite, nuancé son propos. "Ce n'est pas à la BCE de prendre seule les décisions. Il ne s'agit pas de remettre en cause son indépendance mais il s'agit de ne pas la laisser exercer une omnipotence".

Ni Ségolène Royal ni Nicolas Sarkozy ne vont, en effet, jusqu'à remettre en cause le principe d'indépendance de la banque centrale, inscrite dans les traités européens depuis Maastricht. L'un et l'autre veulent, d'une part, donner à la BCE un interlocuteur politique à travers l'institution d'un "gouvernement économique de la zone euro". Et, d'autre part, ajouter dans son statut, à côté de la lutte contre l'inflation, l'objectif de la croissance et de l'emploi.

Quoi qu'il en soit, prenant aux mots les critiques de ses deux principaux concurrents, François Bayrou s'est posé en défenseur isolé de l'Union européenne. "Je ne partage pas les critiques et les affirmations négatives qui ont été faites autour de la BCE par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy", a ainsi martelé le président le l'UDF, le 23 février dernier. Reste à savoir si Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy* ont changé depuis quelques mois ou s'il ne s'agit de leur part que d'une posture électorale.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 21/03/2007

* Nicolas Sarkozy est celui qui est allé le plus loin dans le recyclage du discours "noniste" : critique de l'euro fort, dénonciation de l'Europe "cheval de troie" de la mondialisation, promotion d'un protectionnisme européen...

21 mars 2007

Les candidats et la VIe République

medium_institutions.2.jpgQui parle de VIe République ?

Olivier Besancenot (LCR), José Bové (altermondialiste), Marie-George Buffet (PCF), Dominique Voynet (Les Verts), Ségolène Royal (PS) et François Bayrou (UDF).

 

Faut-il changer de numéro pour changer de République ?

Sur le papier, rien n'empêche de modifier profondément l'équilibre institutionnel sans rédiger de A à Z une nouvelle Constitution, donc sans passer à une "VIe République". Dans le numéro de septembre-octobre 2000 de la Revue politique et parlementaire, Robert Ponceyri, professeur à la faculté de droit et de science politique de Clermont-Ferrand, expliquait ainsi déjà que l'adoption du quinquennat marquait, selon lui, "la fin de la République gaullienne". Autre exemple : un changement radical de mode de scrutin - ce qui relève d'une loi organique et non d'une révision constitutionnelle - pourrait avoir des conséquences sur la nature du régime.

S'agissant, aujourd'hui, des différents candidats qui veulent modifier les grands équilibres institutionnels de la Ve République, en réduisant le rôle du premier ministre au profit du président de la République, François Bayrou (UDF) utilise le terme VIe République, mais pas Nicolas Sarkozy (UMP), afin de ne pas froisser les gaullistes. L'un et l'autre proposent pourtant, grosso modo, la même réforme institutionnelle.

À l'inverse, Ségolène Royal (PS) a successivement parlé de "nouvelle République" puis, dimanche dernier, de VIe République, mais ne propose - paradoxalement - pas de changer fondamentalement les grands équilibres de la Ve République (contrairement au projet du PS).

 

Quel pourrait être le nouvel équilibre des pouvoirs ?

Deux pistes de réforme constitutionnelle modifieraient les grands équilibres institutionnels voulus en 1958 par le général de Gaulle. La première consiste à vouloir instaurer en France un régime de nature parlementaire. Dans son programme, Dominique Voynet (Verts) veut ainsi explicitement "créer un régime parlementaire équilibré". C'est également la voie que propose Marie-George Buffet (PCF) en défendant "la prépondérance du législatif sur l'exécutif". Plus précise, la candidate de la "gauche populaire et antilibérale" indique que "le rôle du président de la République sera réduit", ce qui revient concrètement à prôner l'instauration d'un régime parlementaire primo-ministériel. Marie-George Buffet veut en outre "créer les conditions" de l'élection du président de la République "au suffrage indirect".

La deuxième piste de réforme constitutionnelle consiste à vouloir instaurer en France un régime présidentiel "à la française", c'est-à-dire en fonction des projets des uns et des autres : maintien ou non du droit de l'exécutif de dissoudre l'Assemblée nationale et du droit du législatif de censurer le gouvernement, suppression ou non du poste de premier ministre. Si aucun des candidats à l'élection présidentielle ne prône explicitement l'instauration d'un régime présidentiel, aussi bien Nicolas Sarkozy (UMP), François Bayrou (UDF) que Jean-Marie Le Pen (FN) veulent, de fait, avancer dans cette voie. D'une part, pour François Bayrou et Nicolas Sarkozy, en renforçant les pouvoirs du Parlement. D'autre part, pour l'ensemble de ces trois prétendants, en déclarant que c'est le président de la République et non plus le premier ministre qui "détermine et conduit la politique de la Nation". Enfin, Ségolène Royal (PS) veut renforcer les pouvoirs du Parlement mais sans toucher à la répartition des rôles entre les deux têtes de l'exécutif.

18 décembre 2006

La campagne en "kit" de Ségolène Royal

"Ramener à gauche le vote populaire : il est là l’enjeu de 2007, nulle part ailleurs". C’est ainsi que Ségolène Royal a présenté, samedi, à Paris, devant les premiers secrétaires fédéraux du PS et les responsables de ses comités locaux "Désirs d’avenir", sa campagne pour l’élection présidentielle de 2007. De fait, à la présidentielle de 2002 la candidature de Lionel Jospin n’avait convaincu ni les ouvriers (24% avaient voté pour Jean-Marie Le Pen, 16% pour Jacques Chirac, 12% pour Arlette Laguiller, 11% pour Lionel Jospin) ni les chômeurs (30% avaient voté pour Jean-Marie Le Pen, 18% pour Jacques Chirac, 14% pour Lionel Jospin) (1).

L’objectif mis en avant par Ségolène Royal n’est en soi pas original. D’autres personnalités de gauche l’ont affiché avant elle, à l’intérieur (Laurent Fabius depuis 2002, Jean-Luc Mélenchon) ou à l’extérieur (Jean-Pierre Chevènement) du PS. L’originalité de la démarche de la candidate réside toutefois dans le fait qu’elle compte y parvenir sans remettre en cause l’orientation suivie, sous l’impulsion de François Mitterrand, par la gauche de gouvernement depuis le "tournant" de 1983. Une rupture, donc, non pas sur le fond, mais sur la forme : ce qu’il faut changer, selon elle, ce sont "les pratiques politiques".

Ségolène Royal a donc appelé ses soutiens à mener une campagne "imaginative" et "même ludique". Jusqu’en février 2006 seront organisés des "débats participatifs dans toute la France". À cet effet, un kit de campagne intitulé "réussir un débat participatif" a été présenté. La candidate participera, mercredi, au premier d'entre eux à Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin). À partir de ces réunions sera ensuite établie une "hiérarchie des priorités".

"La façon dont nous allons nous adresser aux Français les plus éloignés de la politique va compter énormément", a insisté Ségolène Royal en visant "la France qui pense ne compter pour rien". Ce positionnement, qui consiste à s’adresser aux abstentionnistes et aux électeurs tentés de voter pour les extrêmes sans remettre en cause le marché unique européen, est exactement celui d’un autre candidat : François Bayrou. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si le premier secrétaire du PS, François Hollande, a taclé à la tribune un président de l’UDF qui se veut "ni à gauche, ni à droite" : "Il y a là une forme de supercherie : on sait bien que François Bayrou ne sera pas au second tour. Donc, il devra faire un choix. Et, comme à l’habitude, tout centriste fait le même choix, à droite. C’est le destin du centrisme."

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 18/12/2006

(1) sondage sortie des urnes CSA/La Tribune réalisé le 21 avril 2002 auprès de 5 352 personnes