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10 janvier 2008

Nicolas Sarkozy veut bel et bien supprimer dans les faits la durée légale du travail

31a0341326641dc8adc64fd2f6dc53f2.jpgNicolas Sarkozy veut-il supprimer les 35 heures ? "Oui", dans les faits, a-t-il succinctement répondu, mardi, dans ses voeux à la presse (la droite ayant définitivement renoncé à assumer la suppression en droit des 35 heures).

Nicolas Sarkozy veut-il supprimer la durée légale du travail ? Non, en droit, a-t-il précisé, mercredi, dans ses voeux aux parlementaires (car, en effet, il faut bien une durée légale du travail au-delà de laquelle peuvent exister des heures supplémentaires).

La seule question qui demeure ouverte est donc la suivante : Nicolas Sarkozy veut-il supprimer dans les faits la durée légale du travail ? Sachant que François Fillon entend permettre à un accord d'entreprise de déroger à la loi, la réponse est sans ambiguïté oui. Sauf à considérer que dans ces entreprises le seuil de déclenchement des heures supplémentaires resterait à 35 heures et non à 39 heures. Mais, dans ce cas, il s'agirait d'une vraie-fausse mesure (à l'image du service minimum dans les transports publics).

08 janvier 2008

Au secours, revoilà les races

bed2d429b2f5687a851772c6289339b3.jpgNicolas Sarkozy a annoncé ce mardi 8 janvier, dans sa conférence de presse, qu'il avait confié à Simone Veil la présidence d'une commission chargée de rédiger un projet de texte complétant le préambule de la Constitution "pour garantir l'égalité de l'homme et de la femme, pour assurer le respect de la diversité, pour rendre possible de véritables politiques d'intégration ou pour répondre aux défis de la bioéthique".

Rappelons que l'universalisme républicain s'oppose à toute définition différenciée des droits des citoyens (en fonction de la race supposée, du sexe, de la religion...). La Constitution a déjà dû être modifiée en 1999 afin de permettre l'adoption de la "loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives". Nicolas Sarkozy souhaite maintenant modifier la Constitution afin :

1) d'"étendre le principe de parité aux élections aux institutions représentatives du personnel dans les entreprises (sous la forme d'une proportionnalité avec le nombre de femmes présentes dans l’entreprise), aux élections prud'homales et dans les jurys de concours de la fonction publique" (audition du candidat Nicolas Sarkozy par l'Observatoire de la Parité)

2) de favoriser la "diversité" raciale, le président de la République parlant lors de sa conférence de presse d'appartenance ou de non-appartenance "à une couleur qui n'est pas majoritaire"

Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait déjà sorti cette idée de discrimination positive et de quotas raciaux : "Les administrations sont obligées par la loi d'avoir 6% de leurs collaborateurs avec un handicap. Qu'est-ce que c'est, sinon un quota ? J'aimerais qu'on me dise pourquoi il serait normal de faire de la discrimination positive pour les femmes ou les handicapés, et pourquoi ce serait anormal pour les compatriotes de couleur" (Le Parisien, 20 octobre 2006). Le candidat avait ensuite heureusement fait machine arrière, semblant avoir abandonné toute idée de racialisation de la vie publique. Le président de la République y revient aujourd'hui.

Mais que va donc faire Simone Veil dans cette galère ?

De la monarchie élective

Nicolas Sarkozy (voeux à la presse) : "Monarchie, ça veut dire héréditaire. Vous croyez que je suis donc le fils illégitime de Jacques Chirac, qui m'a mis sur un trône ? Monsieur Joffrin, un homme cultivé comme vous, dire une aussi grosse bêtise. Moi, issu de la monarchie ? Okay, alors si la monarchie c'est l'élection, c'est plus la monarchie, Monsieur Joffrin. Ah non ! Excusez-moi Monsieur Joffrin, les mots ont un sens. Ils doivent l'avoir pour vous s'ils l'ont pour moi. Soit c'est une monarchie, donc c'est l'hérédité. Dans ce cas là j'aimerais qu'on m'explique de qui je suis l'héritier (...) Soit c'est l'élection et dans ce cas là c'est pas la monarchie."

N'en déplaise à Monsieur Sarkozy, une monarchie peut être élective. Ce fut la cas en France et, de façon plus pérenne, en Pologne.

Dur dur de parler sans Henri Guaino pour tenir la plume...

 

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timbre "Hugues Capet élu roi de France" (1967)

02 janvier 2008

Post-scriptum

L'expression "politique de civilisation" avait déjà été employée, en 1979, par le penseur fédéraliste Denis de Rougemont :

"L'échec de la CED a marqué la première défaite de l'idée européenne comme politique de civilisation, au-delà des stéréotypes idéologiques et partisans hérités du XIXe siècle matérialiste et de ses superstitions spécifiques, telles que la Science, le Progrès, les nationalismes et la Croissance illimitée de tout" (Groupe Cadmos, Rapport au peuple européen sur l'état de l'union de l'Europe, Stock, 1979).

Politique de civilisation

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La gauche n'a pas hésité à dénoncer un "concept nouveau" qui "ne veut absolument rien dire". Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas inventé l'expression "politique de civilisation". Il n'a fait que l'emprunter à Edgar Morin. "Il faut restaurer maintenant une politique de portée historique, un grand New Deal, que j'appelle, moi, une politique de civilisation", écrivait Edgar Morin dès décembre 1995, dans le contexte du mouvement social contre la réforme Juppé. Pour le sociologue, tout l'enjeu consistait alors à concilier le "double impératif d'intégration européenne et de maintien de la spécificité française", à réformer le "service public à la française" sans qu'il soit "dilué dans un libéralisme économique européen généralisé".

Ce n'est donc pas un hasard - bien qu'Edgar Morin ne se rattache pas à cette mouvance - si ce thème trouvait alors écho chez les promoteurs d'une "autre politique" contre la "pensée unique" néolibérale et monétariste (politique du franc fort). En 1997, Edgar Morin publiait ainsi un livre avec le politologue chevènementiste Sami Naïr, justement titré "une politique de civilisation" (Éditions Arléa). "Ce qu'il nous faut, c'est une politique de civilisation et pas seulement une politique économique ou sociale", reprenait en 2002 l'économiste Henri Guaino, interrogé par le club séguiniste Appel d'R, rallié à la candidature de Jean-Pierre Chevènement.

Durant ces années, Nicolas Sarkozy appartenait, lui, plutôt au "cercle de la raison" qu'Alain Minc opposait aux tenants de l'"autre politique". Durant la précampagne électorale de 2007, il n'était ainsi pas question pour Nicolas Sarkozy de maintenir la "spécificité française", mais, au contraire, de "rompre avec un modèle social français dépassé". Mais c'était avant qu'Henri Guaino ne devienne la plume du candidat puis le conseiller du nouveau président de la République...

Reste à savoir ce que pense Edgar Morin de cette appropriation par Nicolas Sarkozy du concept de "politique de civilisation". En mai-juin 2007, le réseau "intelligence de la complexité" a publié, sous le titre "Pour une politique de la civilisation", les choix d'Edgar Morin s'il était à l'Élysée. Pas sûr, pour le moins, que le président de la République soit prêt à reprendre toutes les idées développées par le sociologue, plus keynésiennes que libérales et aux relents altermondialistes (lire note précédente).

"Cette voie nous pouvons nous y avancer en France, et par là espérer la faire adopter en Europe, et faisant de nouveau de la France un exemple, elle nous permettra d'indiquer la voie du salut planétaire", concluait Edgar Morin. Une conclusion reprise en substance et sans complexe, dans ses voeux aux Français, par Nicolas Sarkozy : "Alors, que la France montre la voie ! C'est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d'elle".

 

Avertissement : note originellement publiée le 1er janvier au matin, puis, ayant dans la journée repris l'info dans un article pour La Croix du 2 janvier, j'ai repoussé la publication de la note à ce matin