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29 avril 2020

Reprise des messes avec fidèles: prudence ou précipitation?

Comme je l'ai écrit sur Twitter, le 22 avril, "catho pratiquant, la communion et la messe en paroisse me manquent".

J'ajoute ici que c'est dans l'impatience et la joie, avec une réelle gourmandise spirituelle, que j'attends ma première eucharistie d'après le confinement (si possible sous les deux espèces, par intinction si c'est permis). Elle aura un goût intérieur particulier.

Presque, précisément, comme une première communion. Car de la première communion de ma vie chrétienne, je n'ai qu'une vague mémoire sensorielle. Celui du moment où, tous assis dans l'église, nous avions porté à la bouche notre première hostie, non consacrée.

Quant aux deux autres sacrements de l'initiation catholique, je n'ai de fait aucun souvenir de mon baptême, mais un souvenir vivant de ma confirmation. Ayant décliné de la recevoir adolescent, car mon lien avec l'Église relevait alors davantage de l'héritage familial que d'une démarche personnelle, jeune adulte j'ai donné tout son sens à cette décision en vivant pleinement ce sacrement après l'éveil de ma foi chrétienne. Je l'ai revécu plus récemment en accompagnant mon filleul et neveu, main sur son épaule, vers l'évêque.

 

Dans ce même tweet du 22 avril, je poursuivais en expliquant que "je ne comprendrais pas une reprise rapide des offices (auxquels participent beaucoup de personnes âgées) après le 11 mai. Si on soulage urgences et réa c’est pour se préparer aux prochaines vagues épidémiques."

Mardi 28 avril, le premier ministre Édouard Philippe a présenté le plan de déconfinement progressif à partir du lundi 11 mai, en exposant que les rassemblements religieux, comme tous les autres rassemblements, resteraient interdits jusqu'au mardi 2 juin*. Bref, ce n'est qu'à partir de cette date que les messes avec fidèles (missa cum populo) pourront reprendre. Et que nous pourrons donc tous à nouveau communier.

Personnellement, je trouve que cette date est, d'une part trop tardive pour les bassins de vie où le virus n'est pas présent (s'il y en a), d'autre part judicieuse - à quelques jours près - pour ceux où le virus circule (R0>1). Nous savons en effet tous que le déconfinement progressif s'accompagnera d'un nouveau flux épidémique. L'inconnu, c'est son ampleur et sa durée (vague ou vaguelette?), avec l'objectif que les urgences hospitalières et les services de réanimation ne soient pas saturés.

Si j'ai bien compris, la durée d'incubation du virus est de quatorze jours maximum (le chiffre de vingt-et-un jours a même circulé un moment): 11 + 14 = 25 mai. Bref, la date la plus pertinente pour reprendre les rassemblements religieux là où le virus circule me semble, théoriquement le lundi 25 mai, pratiquement le vendredi 29 mai**, sauf évidemment si l'épidémie a redémarré. Je regrette donc le choix du mardi 2 juin et non du week-end précédent.

 

Sur Twitter, ma prudence et mon souci des fidèles les plus âgés et/ou fragiles ont été attaqués par la sphère catho-conservatrice-tradi (je donne par défaut ce nom imparfait pour englober: Michel Janva et Le Salon Beige, le Cercle Anjou Conférences et les signataires de l'appel d'Angers, le magazine L'Étudiant Libre, l'abbé Guy Pagès, le chroniqueur anonyme de Valeurs Actuelles Père Danziec***).

Là où je vois chez le gouvernement un choix - que tout à chacun peut bien entendu critiquer - dicté par des préoccupations sanitaires nationales****, eux y calquent leurs présupposés idéologiques en y voyant "le signe d'un pouvoir tyrannique, expression de la guerre du laïcisme, du matérialisme et du légalisme contre le catholicisme" (selon les mots de Guillaume Bernard*****).

 

Pour conclure, voici justement ce qu'a dit le Pape François, ce mercredi 29 avril, dans sa messe matinale à Sainte-Marthe:

 

 

* Je laisse de côté le raisonnement fallacieux consistant à prétendre que traiter un rassemblement religieux comme un rassemblement non religieux (festif, sportif, ludique etc.) reviendrait à considérer qu'ils sont de même nature: bien sûr que non, mais dans les deux cas il s'agit bien d'un rassemblement de personnes.

** Puisque le bilan épidémiologique par département a été fixé tous les jeudis: il faudra donc attendre celui du jeudi 28 mai.

*** Je ne cite que les plus connus, en omettant bien entendu la flopée de comptes anonymes d'extrême droite et parfois injurieux, envers l'Église catholique ou envers moi.

**** Je laisse cette fois de côté la parallèle stupide entre les rassemblements religieux et l'ouverture des commerces. D'une part, ceux-ci sont des lieux ouverts en continu dans la journée et où les clients circulent (il faudrait que tous les curés puissent précisément planifier le nombre de paroissiens présents). D'autre part, c'est méconnaître la spécificité pratique de la communion sacramentelle (il faudrait que les fidèles puissent communier avec leur masque sans toucher celui-ci [déjà, en avoir pour tous], se laver les mains avant/après la communion avec du gel hydroalcoolique [déjà, en avoir pour tous]).
Je laisse également de côté le parallèle, certes davantage pertinent, avec les
établissements scolaires ...car le Conseil scientifique plaidait justement en faveur d'une reprise qu'en septembre!

***** Au-delà de nos réelles divergences, j'ai une petite tendresse pour Guillaume Bernard, d'une part parce qu'il semble être, lui, un honnête homme dans ce milieu souvent agressif, d'autre part car il a mis au goût du jour un mot que j'emploie depuis toujours dans mes cours: dextrogyre (La guerre à droite aura bien lieu. Le mouvement dextrogyre, Desclée De Brouwer, 2017).

 

19 mars 2009

La papamobile capote en Afrique

Dois-je en parler ? Salarié d'un journal catholique, mais pour ma foi personnelle éloigné depuis longtemps de l'Église catholique, n'est-ce pas casse-gueule de me lancer dans une note sur les propos controversés du Pape au sujet des préservatifs ? Sans doute, mais j'en ai un peu ras-le-bol des postures des uns et des autres.

 

À ma gauche, les anti-papistes forcenés qui déforment les propos du Pape. Et qui, parfois, d'un coup, se mettent à glorifier Jean-Paul II pour mieux taper sur Benoît XVI. Alors qu'hier ils ne se gênaient pas pour défomer les positions dudit Jean-Paul II, en l'accusant des mêmes maux que Benoît XVI aujourd'hui !

 

À ma droite, les pro-papistes aveugles qui défendent Benoît XVI en démontrant, non sans talent, que les anti-papistes déforment les propos du Pape (cf. Eolas et Koz*) ...mais sans véritablement répondre sur le fond. Car, sur le fond, les propos de Benoît XVI me semblent bel et bien choquants.

 

Qu'a-t-il dit exactement ?

Philippe Visseyrias, France 2 : Saint-Père, parmi les nombreux maux dont souffre l'Afrique, il y a en particulier la propagation du sida. La position de l'Église catholique sur les moyens de lutter contre le sida est souvent considérée irréaliste et inefficace. Allez-vous aborder ce thème durant votre voyage ?

Benoît XVI : Je dirais le contraire. Je pense que l'entité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est justement l'Église catholique, avec ses mouvements, avec ses réalités diverses. Je pense à la communauté de Sant'Egidio qui fait tellement, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, je pense aux Camilliens, à toutes les sœurs qui sont au service des malades... Je dirais que l'on ne peut vaincre ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. S'il n'y a pas l'âme, si les Africains ne s'aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d'augmenter le problème. On ne peut trouver la solution que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c'est à dire un renouveau spirituel et humain qui implique une nouvelle façon de se comporter l'un envers l'autre, et le second, une amitié vraie, surtout envers ceux qui souffrent, la disponibilité à être avec les malades, au prix aussi de sacrifices et de renoncements personnels. Ce sont ces facteurs qui aident et qui portent des progrès visibles. Autrement dit, notre effort est double : d'une part, renouveler l'homme intérieurement, donner une force spirituelle et humaine pour un comportement juste à l’égard de son propre corps et de celui de l'autre; d'autre part, notre capacité à souffrir avec ceux qui souffrent, à rester présent dans les situations d’épreuve. Il me semble que c'est la réponse juste, l'Église agit ainsi et offre par là même une contribution très grande et très importante. Nous remercions tous ceux qui le font.

source : La Croix

 

Quand le Pape dit que, dans l'absolu, le meilleur moyen de lutter contre le SIDA c'est la chasteté (à ne pas confondre avec l'abstinence) et la fidélité, il est dans son rôle. C'est ce que disait également Jean-Paul II. Quand le Pape dit que, partant de là, on ne peut pas résoudre ce fléau uniquement en distribuant des préservatifs, il est toujours dans son rôle. Et tout humanisme, religieux ou athée, pourrait certainement se nourrir des réflexions de Benoît  XVI sur l'"humanisation de la sexualité".

Mais quand le Pape dit que distribuer des préservatifs "risque d’augmenter le problème" du SIDA, c'est une insulte envers tous ceux qui, catholiques (et ils sont nombreux) ou non-catholiques, luttent sur le terrain contre ce fléau et aident ceux qui en sont les victimes. Même si sa distribution n'est pas accompagnée d'un message sur l'"humanisation de la sexualité", le préservatif demeure en effet un outil de prévention.

 

* Koz défend d'ailleurs le Pape tout en proposant d'"augmenter le problème", puisqu'il reconnaît tout de même, au détour d'une phrase, l'utilité du préservatif dans la lutte contre le SIDA : "Oh bien sûr, à l'échelle d'un rapport et d'un individu, et sous les réserves précédemment exposées (non-fiabilité à 100%, ndlr), le préservatif est intéressant", admet-il. À transmettre d'urgence à Benoît XVI !

 

Ajout du 24 mars : Le Figaro vient de révéler que l'Osservatore Romano contredit dans son édition du dimanche 22 mars les propos de Benoît XVI en vantant la méthode dite "ABC" pour lutter contre le SIDA : "A" comme abstinence (abstinence), "B" comme fidélité (be faithful) et "C" comme préservatif (condom use). "Ces trois facteurs, insiste le quotidien du Vatican, ont une influence importante sur la réduction de l'incidence du sida". Miracle !, le préservatif n'est soudainement plus un facteur qui risque d'augmenter le problème mais un facteur qui contribue à lutter contre le fléau...

11 septembre 2008

Nicolas Sarkozy, Benoît XVI et la laïcité

sarkozybenoit.jpgN'en déplaise au collectif "remballe ton pape!", il n'y a rien de choquant à ce que le président de la République française reçoive le chef de l'État du Vatican. Accueillir un chef d'État étranger n'a jamais signifié cautionner tous les actes ou toute la pensée dudit chef d'État. Cette visite ne constitue donc pas, en soi, une attaque contre la laïcité ! Et il faut vraiment être de mauvaise foi – sans jeu de mot – pour clamer le contraire.

Quant au Pape, chef de l'Église catholique, il est tout à fait normal qu'il veuille aller à la rencontre d'un peuple dont la majorité des croyants se revendiquent de son autorité spirituelle (et même, d'ailleurs, si ce n'était pas le cas !). Je dis bien "spirituelle". Et c'est là que l'argumentation du collectif "remballe ton pape!" tombe à l'eau. Qu'une Église dise ce qu'elle considère comme bon ou juste n'a rien d'attentatoire à la liberté individuelle. C'est, justement, ce que permet ce bien précieux qu'est, en France, la laïcité. Ce n'est en effet que lorsque pouvoir politique et pouvoir spirituel se confondent que commencent les atteintes à la liberté individuelle. Sauf en cas d'un improbable dérapage théocratique, les propos de Benoît XVI, chef d'État étranger, ne pourront donc en rien constituer une attaque contre la laïcité. Non-croyants ou croyants d'une autre religion, nous sommes libres de les écouter ou non, de les critiquer ou de les approuver.

Personnellement, c'est plutôt Nicolas Sarkozy, président de notre République, qui m'inquiète. Cette semaine, un de ses proches m'assurait que le chef de l'État n'irait "pas plus loin" que dans ses discours de Latran (20/12/2007) et Riyad (14/01/2008). "Si tu vas plus loin, tu me retrouveras dans la rue avec les manifestants", lui a même répondu cet interlocuteur commun. Se voulant rassurant, ces propos m'ont, au contraire, plutôt inquiété en ce qui concerne l'état d'esprit profond de Nicolas Sarkozy...

D'autant plus que sa "laïcité positive" constitue, déjà, une attaque directe contre la laïcité (la laïcité point : ajouter un qualificatif est d'emblée suspect; comme si la laïcité française, historique, républicaine était une laïcité "négative" ou "fermée"). Plutôt que de faire un copié-collé, je vous renvoie à ma note du 17 janvier dernier sur la "laïcité positive".

"François Mitterrand n'avait laissé aucune consigne à ses proches, leur disant simplement qu'une messe est possible, poursuit mon interlocuteur. Nicolas Sarkozy est également en recherche. Mais ce n'est pas dans son tempérament volontariste de laisser les autres décider à sa place". Je respecte profondément la quête spirituelle de l'être humain. Je la comprends, même. Mais ledit être humain est aussi président d'une République laïque. Et, hors conversations privées, c'est à ce seul titre qu'il doit s'exprimer et se comporter face à un chef religieux. Car la France ne doit pas devenir le laboratoire d'expérimentation d'une quête spirituelle personnelle.

 

 

P.S.: le plus drôle, c'est que certains signataires du collectif "remballe ton pape!" s'étaient opposés à la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics !

13 avril 2007

Sarkozy versus Onfray

Éclairage

 

medium_sarkoonfray.jpg"J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie", a affirmé Nicolas Sarkozy dans un entretien avec Michel Onfray dans le mensuel Philosophie Magazine (avril 2007). "Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable."

Les propos de Nicolas Sarkozy s'inscrivent dans un courant de pensée qui recherche des bases biologiques aux comportements sociaux. Au XIXe siècle, ce courant s'intéresse aux caractéristiques physiques, avec notamment la théorie de Cesare Lombroso (1835-1909) sur le "criminel-né". Au XXe siècle, il se tourne vers la génétique. Ce courant inspire les politiques de stérilisation pratiquées entre 1907 et 1958 dans certains États américains, entre 1934 et 1945 en Allemagne (parallèlement à l'eugénisme racial), entre 1935 et 1976 en Suède, ou encore en Norvège, Finlande et Danemark.

Sur le plan théorique, cette thèse a connu un renouveau avec la publication, aux États-Unis, en 1975, par Edward Osborne Wilson, de l'ouvrage Sociobiology : The New Synthesis. Sur le plan pratique, il est à l'origine des recherches visant à isoler le chromosome ou le gène permettant d'expliquer tel ou tel comportement social. Du "chromosome du crime" (1965) au "gène de l'homosexualité" (1993). À chaque fois, cependant, ces travaux ont été contredits.

Ces débats sont sensibles puisqu'ils font intervenir des notions philosophiques et religieuses fondamentales : inné versus acquis, nature versus culture, matérialisme versus spiritualisme, essentialisme versus existentialisme, déterminisme versus liberté. En témoigne la vigueur des réactions aux propos de Nicolas Sarkozy, au-delà du seul monde politique.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 12/02007