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17 décembre 2009

La France pourrait adopter des règles budgétaires plus contraignantes

bce.jpgNicolas Sarkozy a annoncé lundi dernier la tenue, en janvier, d'une "conférence sur le déficit de la France" afin d'avancer "des propositions pour sortir de la spirale du déficit et de l'endettement". Sans se prononcer aujourd'hui, le président de la République a notamment souhaité que le débat sur l'opportunité d'adopter des règles budgétaires contraignantes ait lieu.

 

Qu'est-ce que la "règle d'or" ?

Une première définition, libérale, de la "règle d'or" budgétaire consiste à atteindre l'équilibre budgétaire sans recourir à l'emprunt. "Surtout point de banqueroute, point d'augmentations d'impôts, point d'emprunts, avaient échangé Louis XVI et Turgot en 1774 (1). Pour remplir ces trois points, il n'y a qu'un moyen : c'est de réduire la dépense au niveau de la recette."

Une seconde définition, plus souple, n'autorise le recours à l'emprunt que pour financer des dépenses d'investissement. Telle est la règle adoptée en 1969 dans la Loi fondamentale allemande : "Le produit des emprunts ne doit pas dépasser le montant des crédits d'investissements inscrits au budget ; il ne peut être dérogé à cette règle que pour lutter contre une perturbation de l'équilibre économique global." Cette dernière définition n'interdit donc pas de mener une politique économique de relance keynésienne par l'investissement public.

 

Qu'en est-il en France ?

"Je ferai en sorte qu'à l'avenir il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette", s'était engagé Nicolas Sarkozy dans son projet présidentiel. Parallèlement, l'UMP proposait dans son contrat de législature 2007-2012 "d'inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la “règle d'or” selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement".

Ces promesses n'ont pas été tenues, la révision constitutionnelle de juillet 2008 s'étant contentée d'introduire "l'objectif d'équilibre des comptes" dans le cadre d'orientations pluriannuelles des finances publiques.

Au sein de la majorité, le Nouveau Centre a immédiatement réagi aux propos de Nicolas Sarkozy pour rappeler qu'il considère "toujours comme une priorité absolue d'inscrire dans le marbre de la Constitution le principe de l'interdiction de présenter le budget de l'État en déficit de fonctionnement".

 

Quelles sont les autres règles budgétaires contraignantes ?

L'introduction de l'euro s'est accompagnée d'une interdiction d'un déficit public supérieur à 3% du PIB. Une interdiction qui a bien entendu volé en éclats avec la crise. Cette année, l'Allemagne est toutefois allée encore plus loin en adoptant dans sa Loi fondamentale la règle d'un déficit maximum de 0,35% du PIB à partir de 2016.

Ce choix libéral a été évoqué en France aussi bien par Nicolas Sarkozy (2) que par la commission coprésidée par Alain Juppé (UMP) et Michel Rocard (PS). Estimant que "les règles législatives actuelles, comme les règles européennes, ne suffisent pas en elles-mêmes à garantir le retour à une trajectoire soutenable de nos finances publiques", les deux anciens premiers ministres se réfèrent en effet aux nouvelles règles allemandes pour affirmer que "la question d'une règle de portée supra-législative mérite d'être posée également en France".

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 15/12/2009

(1) je laisse aux historiens la tâche de trancher si ces propos ont été tenus par Louix XVI ou Turgot, puisqu'apparemment il y a divergence...

(2) Nicolas Satkozy : "La Commission d'Alain Juppé et de Michel Rocard recommande dans son rapport d'ouvrir un débat sur l'opportunité de mettre en place dans notre pays une règle budgétaire pour revenir à l'équilibre des comptes publics. Nos amis allemands ont ainsi pris l'engagement de ramener leur déficit à 0 en 2016 si les conditions économiques sont normales. Cette règle en Allemagne est même inscrite dans la Constitution. Je ne me prononcerai pas aujourd'hui sur une telle disposition, mais je souhaite que ce débat ait lieu. Et c'est pour cela que se tiendra la conférence sur le déficit de la France que nous mettrons en place en janvier et que nous terminerons dans les semaines et mois qui suivent et qui débattra des propositions pour sortir de la spirale du déficit et de l'endettement. Le gouvernement sera naturellement très ouvert à toute proposition et pourquoi pas, s'inspirer de ce que font nos amis allemands compte tenu de la proximité de nos liens avec eux"

 

Mon commentaire :

- il n'est pas facile de distinguer dans le budget de la nation les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement : le traitement des fonctionnaires dans les domaines de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de la santé etc. constituent autant des dépenses de fonctionnement que des dépenses d'investissement.

- il est antidémocratique d'inscrire dans le marbre d'une Constitution une orientation économique (en l'occurence néolibérale), dont le choix, en démocratie, doit relever du débat électoral et du verdict des urnes.

Commentaires

Comme je ne suis vraiment pas doué en économie, encore moins en gestion budgétaire, je vais juste commenter le deuxième point de votre commentaire :

"il est antidémocratique d'inscrire dans le marbre d'une Constitution une orientation économique (en l'occurence néolibérale)"

Mon point de vue sur la question est identique.

Néanmoins, je comprend la raison qui pousse beaucoup à procéder ainsi, à défaut de les excuser. Cette tendance affirmée à vouloir graver dans le marbre une orientation politique (qui se réduit en l'occurence, il est vrai, à une vision presque purement économique) est, quelque part, le fruit d'une croyance, ou du moins d'un présuposé. Ce présuposé, c'est l'économisme, la théorie qui réduit la relation actuelle à l'économique des sociétés à un phénomène naturel.

Cette tendance est ancienne (il suffit de lire Condorcet, Barnave, Destutt, pour la voir exprimée dès la fin du XVIIIème siècle, et même dès les années 1720 chez certains physiocrates) et a été repérée et critiquée depuis fort longtemps (lire par exemple la première partie de Misère de la philosophie, ou bien la Critique du programme de Gotha, tous deux ouvrages de Karl Marx), mais toujours vive. Pour certains (Soral, Michéa, Chevènement, pour citer quelques personnalités d'aujourd'hui), elle est le résultat d'une volonté de prétendre faire du "fait économique" (l'expression est de Barnave) un phénomène naturel sur lequel les gouvernements ne peuvent avoir aucune prise, afin précisément que les gouvernements ne prétendent pas mener de politique économique.

Si je ne doute pas un instant que certains promoteurs de cette thèse (au passage adoptée aussi bien par les néolibéraux que par les marxiste-léninistes) aient cet objectif du désengagement de l'état en tête, je suis persuadé que pour la plupart de ses exégètes, la conviction que l'économique est en dehors du politique est sincère. Tout comme certains adeptes de la thèse de Hannah Arendt sur les origines du totalitarisme sont en toute bonne foi persuadés que le peuple (dit aussi "populace" chez Hannah Arendt, sans commentaire...) est la seule origine possible du totalitarisme.
Suivant une lecture littérale et/ou non dogmatique (car l'économisme est un dogmatisme qui se prétend pragmatisme), ce genre de conception est antidémocratique. Mais dans l'ordre d'idées dans lequel évolue une bonne partie des intellectuels, il s'agit d'une simple adaptation à la réalité du monde. Ce qui n'excuse rien, encore une fois.

Sans compter que, la subjectivité étant ce qu'elle est, un texte même constitutionnel est toujours plus ou moins adapté à une tournure d'esprit, pour ne pas dire à une pensée idéologique ou en tous cas politique (y compris la Constitution de la Vème République). La constitution qui serait politiquement neutre est de l'ordre de l'utopie, selon moi. L'ennui c'est que l'aveuglement de certains pourrait conduire à un type de régime ou l'alternance ne serait pas envisageable sans amendements à la Constitution, voire adoption d'une nouvelle constitution.

Écrit par : Brath-z | 18 décembre 2009

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