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16 décembre 2009

La bouillie digeste de Nadine Morano

À force de crier au loup, on finit par faire perdre aux mots leur sens. Ainsi en est-il de la petite phrase de Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la Famille et de la Solidarité, lors d'un débat sur l'identité nationale, à Charmes, dans les Vosges (ci-dessous). Selon le député PS Arnaud Montebourg, tenir de tels propos, "c'est renouer avec la conception ethnique de la nation, celle qui d'ailleurs a donné lieu finalement à Vichy" (au passage, Arnaud Montebourg aurait bien besoin d'un petit cours d'histoire de rattrapage).

Je suis d'accord avec Daniel Schneidermann pour dire que, dans son intervention, Nadine Morano "a de la bouillie dans la tête". La ministre mélange en effet un peu tout. Je rappelle toutefois, à sa décharge, qu'il ne s'agit pas d'un discours écrit, construit, mais d'une réponse au tac au tac à une question ouvertement arabophobe et islamophobe. Dans cette "bouillie", il y a en effet un raccourci malheureux jeune de quartier difficile/jeune musulman/jeune immigré. Mais, sur le fond, Nadine Morano a raison de dire - avec ses mots, certes (le verlan et la casquette à l'envers) - que si les jeunes de ces quartiers ont davantage de mal à trouver du travail que les autres, ce n'est pas avant tout à cause d'une discrimination raciale mais c'est avant tout parce qu'ils ne maitrisent pas toujours les codes sociaux nécessaires à leur intégration professionnelle. Qu'il s'appelle Mohammed et qu'il soit fils de travailleur immigré ou qu'il s'appelle Pierre et qu'il soit fils d'ouvrier.

Ceux qui, en revanche, se rallient à une "conception ethnique de la nation", ce sont tous ceux qui remplissent leur discours de références à la diversité raciale, à la discrimination dite positive ou aux statistiques ethniques.

 

Commentaires

Merci d'élever le débat et de rappeler quelques vérités.

Écrit par : centriste en vadrouille | 16 décembre 2009

Note parfaite. (Presque) rien à ajouter. Celà fait longtemps que je pense que ceux qui adoptent le style "cités" (verlan, parlé haché, pantalons baggy, tête cachées par d'amples capuches, démarche traînante) se marginalisent volontairement, se coupant de ce qui est la "vraie" société, c'est-à-dire celle du réseau social et institutionnel qui permet de réussir ses études et sa vie professionnelle.

J'ai écrit "volontairement". C'est évidemment partiellement faux : ces jeunes, bien trop souvent, ne réfléchissent pas. Majoritairement, il gardent dans leur tête une mentalité de colonisé, de banni (ban-lieue), qui les empêchent d'oser s'imaginer autrement que traîner toute leur vie leurs baskets sur leur dalle de béton. Il en va de la responsabilité de la République de les sortir de là (l'école, l'école, l'école), mais aussi de la leur. Ils voient bien, ne serait-ce qu'à la TV, qu'il existe une autre société et que des personnes issues des banlieues, comme de l'immigration, peuvent arriver à de très belles fonctions (politique, entrepreneurs, médecins, enseignants et avocats, scientifiques, journalistes, artistes, sans parler évidemment de l'exemple trop facile des sportifs).

L'effort doit être partagé et le message qui doit leur être adressé est : réintégrez-vous !

Écrit par : Libéral européen | 16 décembre 2009

Libéral européen > A peu près d'accord avec votre analyse, à ceci près :

"Ils voient bien, ne serait-ce qu'à la TV, qu'il existe une autre société et que des personnes issues des banlieues, comme de l'immigration, peuvent arriver à de très belles fonctions"

Là, je ne suis pas d'accord. S'il y a bien quelques exemples de réussite par l'intégration (dans tous les sens du terme) et grâce à l'ascenseur républicain dans le lot, la plupart des exemples de "réussite" issues des "quartiers" promues à la télévision ne sont pas vraiment des universitaires, patrons, médecins, enseignants, etc. mais plutôt des rappeurs (ceux qui exaltent les "valeurs" du ghetto façon amérique-unienne, par solidarité imaginaire avec des "frères" de la "west coast" qui vivent, eux, dans d'authentiques ghettos, pas ceux - une bonne partie, la majorité peut-être - qui utilisent le rap et sa thématique revendicative originelle pour en faire une musique), sans parler de l'exaltation du banlieusard voyou dans les films produits par Besson (Luc) et autres.

Écrit par : Brath-z | 16 décembre 2009

Bonjour Brath-z. C'est vrai, celà dépend de quelle chaîne TV et de quelle émission on parle. Je pensais au 20 heures de TF1, qui reste, malgré l'éparpillement de l'audience (et hors match de foot ou élection de miss France), l'émission principal de "rassemblement" des Français et de formation de leur représentation du monde.

Celà dit, même un jeune réfractaire au journal télévisé a certainement dû voir, au hasard de la télé, de youtube ou de dailymotion, de vidéo circulant sur portables, etc. des personnes telles que Harry Roselmack, Rachida Dati, Fadela Amara, Rama Yade, Rachid Arab, etc. ou quelques uns des nombreux informaticiens, médecins, commerçants, patrons de PME d'origine immigrée ou des Dom-Tom. Tous peuvent ne pas être d'ascendance gauloise, mais tous démontrent clairement que les études, le travail, et la volonté de se conformer au "look de la réussite" permettent de s'intégrer (j'allais presque dire "facilement").

Pour enfoncer le clou : des situations qu'on a pu tous vivre : un "black" (comme le "blanc") qui arrive en trainant des pieds capuche sur la tête, démarche chaloupée, parlant verlan sera regardé de travers. Les mêmes, arrivant en costume-cravate-lunettes (je force le trait), démarche droite et disant "bonjour, je m'appelle Pierre" sans accent n'auront aucun souci d'intégration y compris dans des milieux professionnels très en vue (j'en connais dans le monde de la banque et de la finance par exemple, dans l'informatique). Comme quoi - et c'est heureux - la discrimination vient infiniment moins de la couleur que du look et de l'accent.

Écrit par : Libéral européen | 17 décembre 2009

Libéral Européen > "la discrimination vient infiniment moins de la couleur que du look et de l'accent."
C'est clair et net ! Mon frère, "gaulois" comme moi (enfin à quelques ascendances à la troisième génération près) mais portant des locks et des bonnets en poil de yack (je force le trait) se fait contrôler tous les jours par des agents de police (dans ma petite ville de Brie, il connait tous les policiers en poste depuis plus d'un an ou deux par leur prénom, à force). Moi, j'ai été contrôlé une seule fois dans toute ma vie.
A l'inverse, un ami fils d'immigrés algériens très typé arabe qui en avait marre de subir quotidiennement ce genre de désagréments (contrôles, entretiens d'embauche tendus, etc. sans parler des dealers qui le prenaient toujours pour un client potentiel) a adopté le costume-cravate (ce qui faisait rire du temps du lycée), et là, il n'a presque plus eu de problème.

En ce qui concerne les modèles d'intégration promus à la télévision, je sais qu'il y en a quelques-uns qui sont regardés comme des cooptés soumis, voire des "traitres" à leur communauté supposée (l'exemple le plus typique : Malek Boutih surnommé "bounty" paraît-il chaque - rare - fois qu'il va se perdre à Argenteuil ou La Courneuve) et qui figure plutôt comme des incitations à l'arrivisme, voire comme des repoussoirs (du style : "on ne peut réussir qu'en trahissant, alors autant pas réussir"), pour certains jeunes des "banlieues".

Écrit par : Brath-z | 18 décembre 2009

Merci Barth-z pour ton exemple : "un ami fils d'immigrés algériesa très typé arabe qui en avait marre de subir quotidiennement ce genre de désagréments (contrôles, entretiens d'embauche tendus, etc. sans parler des dealers qui le prenaient toujours pour un client potentiel) a adopté le costume-cravate (ce qui faisait rire du temps du lycée), et là, il n'a presque plus eu de problème."

Ce genre d'exemple remplit d'espoir. Comme quoi :
* Les réactions soi-disant "racistes" des Français d'ascendance n'en sont souvent pas vraiment (il s'agit de discrimination socio-culturelle mais pas de racisme biologique).
* Le simple changement de look permet de faire considérablement avancer l'intégration d'un immigré.

Il y a des jours, où la vie paraît plus facile. Il en faut.

Écrit par : Libéral européen | 18 décembre 2009

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