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09 août 2012

Règle d'or budgétaire: une règle antidémocratique

La relation entre la règle de l'équilibre budgétaire et la démocratie est généralement soulevée par les souverainistes, en ce qu'ils considèrent que conférer à une entité supranationale un droit de regard sur les budgets nationaux revient à dessaisir les peuples de leur souveraineté. Cette approche ne manque pas d'arguments et mérité mieux que d'être balayée d'un revers de main.

C'est toutefois sous un autre angle que je souhaite aborder ici la relation entre la règle de l'équilibre budgétaire et la démocratie.

Il existe en réalité deux "règles d'or" budgétaires. L'une ne pose en elle-même aucun problème démocratique, l'autre si.

 

La "règle d'or" démocratique.

Cette première "règle d'or" consiste à autoriser le recours à l'emprunt pour les dépenses d'investissement mais à l'interdire pour les dépenses de fonctionnement (sur le modèle de ce qui existe déjà en France pour les collectivités locales). C'est celle qui existait en Allemagne entre 1969 et 2009. C'est également celle que défendait François Bayrou en 2007. Cette "règle d'or" est critiquable (à l'échelon de l'État, la distinction entre dépenses de fonctionnement et d'investissement n'est pas toujours opportune dans les services publics), mais elle ne pose en elle-même aucun problème démocratique.

 

La "règle d'or" anti-démocratique.

Cette deuxième "règle d'or" consiste à interdire tout déséquilibre budgétaire. C'est celle adoptée en Allemagne en 2009 (déficit public inférieur à 0,35% du PIB à partir de 2016) et c'est celle qui figure dans le Pacte budgétaire signé par Nicolas Sarkozy et que François Hollande va appliquer (déficit public inférieur à 0,5% du PIB). Cette "règle d'or" pose un vrai problème démocratique en ce qu'elle oblige les gouvernements, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, à une orientation budgétaire donnée. Interdire tout déséquilibre budgétaire revient en effet à interdire de fait toute politique keynésienne de relance par l'investissement public. Or, en démocratie, le choix d'une orientation budgétaire doit normalement relever du seul vote des citoyens.

Commentaires

Ce n'est pas exactement "interdire tout déséquilibre budgétaire".
La conclusion devrait être "interdre toute politique keynésienne de relance par l'investissement public lorsque l'on n'est pas en temps de crise."

Écrit par : Fabrice_BM | 10 août 2012

"lorsque l'on n'est pas en temps de crise": ça sort d'où cette interprétation?

Écrit par : Laurent de Boissieu | 10 août 2012

La définition du "dféicit structurel" ne permet-elle pas justement de considérer que les dépenses (dans la limite des 3%) sont autorisées en temps de crise conjoncturelle?

Écrit par : Magali | 10 août 2012

@Magali
Si c'est justement mon point.
Après si la France dit qu'elle est en crise pendant 30ans, ce n'est plus de la "relance", mais juste un déficit *structurel* ce qui n'est pas permis pour le coup dans le cadre actuel.

Écrit par : Fabrice_BM | 10 août 2012

Je crois que cela sort de là:
Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance :
Article 3 §1 c) les parties contractantes ne peuvent s'écarter temporairement de leur objectif respectif à moyen terme ou de la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation qu'en cas de circonstances exceptionnelles, telles que définies au paragraphe 3, point b);
Article 3 § 3 b) les "circonstances exceptionnelles" font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabililité budgétaire à moyen terme.

Écrit par : x.delcourt | 10 août 2012

Ah oui, nous sommes d'accord: déficits publics autorisés en cas et seulement en cas de crise conjoncturelle. Mais c'est là une exception. Le principe étant donc bien leur interdiction.
(Exactement le même débat que j'ai déjà eu sur Twitter avec Fabrice Borel Mathurin sur les aides publiques aux entreprises: moi je m’insurgeais contre une interdiction de principe; lui ne me répondait que sur les exceptions).

Écrit par : Laurent de Boissieu | 10 août 2012

Le traité mentionne une autre exception (qui n’est pas près de se produire)
"Article 3 §1 d) d) lorsque le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché est sensiblement inférieur à 60 % et lorsque les risques pour la soutenabililité à long terme des finances publiques sont faibles, la limite inférieure de l'objectif à moyen terme telle que définie au point b) peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d'au maximum 1,0 % du produit intérieur brut aux prix du marché;"
Néanmoins, et quoi que l'on pense du principe,n'oublions pas que le choix français n'est pas de l'inscrire dans la Constitution.

Écrit par : x.delcourt | 10 août 2012

Petit codicille à le phrase de conclusion de mon dernier post..

La décision du Conseil constitutionnel porte entièrement sur l’interprétation du paragraphe 2 de l’article 3 du traité
« Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. »
Et voilà comment il le lit :
« 19. Considérant que les stipulations du paragraphe 2 de l’article 3 comportent une alternative selon laquelle les États contractants s’engagent à ce que les règles énoncées au paragraphe 1 de l’article 3 prennent effet dans leur droit national, soit « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles », soit au moyen de dispositions « dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon »
(…)
22. Considérant que, dans la seconde branche de l’alternative, les stipulations précitées donnent aux États la liberté de déterminer les dispositions dont le plein respect et la stricte observance garantissent « de quelque autre façon » que les règles relatives à l’équilibre des finances publiques prennent effet dans le droit national ; que, dans ce cas, le respect des règles figurant au paragraphe 1 de l’article 3 n’est pas garanti par des dispositions « contraignantes » ; que, d’une part, il revient aux États de déterminer, aux fins de respecter leur engagement, les dispositions ayant l’effet imposé par le paragraphe 2 ; que, d’autre part, le traité prévoit que le respect des règles figurant au paragraphe 1 de l’article 3 n’est alors pas garanti dans le droit national au moyen d’une norme d’une autorité supérieure à celle des lois ;
(…)
24. Considérant que le vingt-deuxième alinéa précité de l’article 34 de la Constitution permet que des dispositions de nature organique soient prises pour fixer le cadre des lois de programmation relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques ; que, sur ce fondement et sur celui des dix-huitième et dix-neuvième alinéas précités de l’article 34 de la Constitution en ce qui concerne les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, le législateur organique peut, pour que les règles énoncées au paragraphe 1 de l’article 3 du traité prennent effet dans les conditions prévues par cette seconde branche de l’alternative, adopter des dispositions encadrant ces lois relatives, notamment, à l’objectif de moyen terme ainsi qu’à la trajectoire d’ajustement de la situation budgétaire des administrations publiques, au mécanisme de correction de cette dernière et aux institutions indépendantes intervenant tout au long du processus budgétaire ;

Autrement dit, les règles françaises ne seront ni permanentes, ni contraignantes, et les orientations budgétaires seront bien votées par la représentation nationale…

Écrit par : x.delcourt | 10 août 2012

Addendum: car sinon, bien entendu, il faudrait modifier la Constitution...

Écrit par : x.delcourt | 10 août 2012

Je suis en train de poursuivre ma lecture et mon analyse: merci pour toutes ces précisions!
Mais il y a mieux: via l'article 55 de la Constitution la règle d'or contenue dans le Pacte budgétaire s'impose de toute façon, avec ou sans loi organique! Même s'il faudra bien une loi organique pour respecter ledit traité, qui demande par ailleurs l'adoption d'une règle nationale.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 10 août 2012

Vous avez tout à fait raison (quoique le traité baisse à 0,5% du PIB le déficit structurel public autorisé à terme, contre 1% dans le pacte, tel que révisé le 16 novembre 2011).
C'est donc qu'il y a aussi autre chose dans ce traité...

Écrit par : x.delcourt | 10 août 2012

@Laurent

Le débat n'est pas exactement le même...
D'un côté il y a en effet l'impossibilité de réaliser des déficits en permanence. J'imagine que pour certains ça peut être regrettable, mais peut-on parler de "relance" si les déficits sont constants depuis 30 ans ?

Là où il y a divergence avec Laurent, c'est sur l'analyse de la possibilité ou non d'avoir un subventionnement. A dire vrai, je ne connais pas les textes précédents ne m'intéressant à ces questions que depuis peu de temps. Néanmoins la norme est qu'il est possible de subventionner dans un seul cas: gain de productivité et recherche. C'est ce qui fait qu'en cas de reprise d'entreprise à la déroute il faille monter un dossier, car notre beau pays en plein déclin n'aide que les sociétés moribondes et doit mentir à Bruxelles en prétendant qu'elles recèlent de nouvelles technologies à développer (ce qui est bien souvent un mensonge mais permet de récupérer de l'argent UE).

Donc ce n'est plus une question d'exception ou non (ce qui était peut-être le cas dans le passé), mais de recherche et développement ou non. Si une entreprise n'apporte rien, la norme est de ne pas la subventionner. Ce n'est donc pas ce que tu disais sur twitter: ce n'est pas une question de régime "d'exception", c'est une question de "type d'activité" et "catégorie d'entreprises".

Par exemple, Bruxelles n'aurait aucun problème à ce que l'Etat subventionne massivement des activités de telecoms et de pose de fibres optiques, et ce même dans des endroits reculés (et où c'est donc non-rentable). Mais les élites de France préfèrent, pour des raisons politiciennes, plutôt arroser les entreprises dont on sait qu'elles vont mourir. Le pathétique "plan automobile" ne devrait pas faire exception à cette règle.

Je suis sûr qu'on passerait à côté de l'électricité avec une telle classe politique au pouvoir 100 ans plus tôt...

Écrit par : Fabrice_BM | 11 août 2012

@Fabrice

Sur les aides d'État aux entreprises, je n'ai pas le temps de fouiller, mais voici un doc qui résume tout je pense (et qui va dans mon sens):
http://www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_3.3.3.pdf

Sur les déficits, encore une fois tu ne me réponds pas sur le principe! Bien entendu que le niveau de notre déficit public ne permet pas actuellement une vraie politique keynésienne de relance par l'investissement public. Mais peu m'importe: ce que je dénonce comme antidémocratique c'est son interdiction de principe avec cette "règle d'or", aujourd'hui comme demain.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 11 août 2012

Si on veut une pleine liberté démocratique dans la gestion de notre économie, il faut alors renoncer à l'euro. Ce dernier implique nécessairement un renoncement de souveraineté au profit de règles macroeconomiques (ie planification keynesienne) strictes et communes à tous en vue de sa soutenabilité à long terme. C'est pourquoi le UK a refusé l'euro.
Mais cela ne suffit certes pas car il n'y a pas de vraies règles de transferts internes en cas de desequilibres intra-zone.
Dois-je aussi rappeler que l'un des grands arguments pour l'euro dans les années 90 etait de séparer la gestion éco du politique afin que le premier ne soit pas utilisé par le second pour de strictes raisons populistes,électorales... à la papa.
Quant aux relances keymesiennes, elles ne fonctionnent que temporairement en doppant la demande via subsides aux consommateurs individuelles (politique fiscale ou dons gratuits)en économie fermée. Cela fait 40 ans que l'on en fait pour maintenir en Europe une faible croissance. Rien à voir avec vos grands travaux à la New Deal qui sont totalement illusoires: cf Grèce au cours des 15 dernières années qui n'a fait que cela. Et pour quels résultats ? De plus c'est la seconde guerre mondiale qui a relancé l'économie US (voir NBER).
Enfin un bon investissement public est productif et rétablit l'économie sur sa trajectoire de croissance naturelle. Ce ne peut être un acoup. En cela il s'auto-rembourse. Et aûcun État planmificateur n'y est parvenu sauf en investiusant dans la recherche, l'ouverture et l'éducation. En plus de maintenir un état de droit viable. Ce que la Chine qui s'essouffle n'a pas réussi préférant les bulles immobilières et autres crédits faciles. À la bush (forme décentralisée d'un keynesiannisme qui ne s'intéresse qu'à la demande agrégée au plus grand mépris de l'offre et de ses constituants micreconomiques.
En un mot, une telle regle d or ne fait qu'appeler à plus de discernement ddonc de connaissances éclairées. Un vrai paradigme du très chrétien. Tocqueville.

Écrit par : jbt | 11 août 2012

@jbt. Vous êtes contre le keynésianisme, c'est votre droit le plus absolu. En revanche, vous n'avez pas le droit de refuser au peuple d'éventuellement pouvoir le choisir démocratiquement par son vote. C'est simplement ce que dit ma note.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 11 août 2012

@Laurent

Je regarderai dès que j'ai un peu de temps pour les histoires d'aides d'état, je pense que le cadre à évolué et que c'est la raison de notre désaccord. Les aides d'état ne sont autorisées que si elles respectent la "Stratégie de Lisbonne". Tout autre subventionnement est en effet interdit. C'est balot, mais cela veut dire que ce qui est subventionnable est décidé à Bruxelles.

Pour le keynésianisme ou non, le problème est en effet lié au cadre monétaire. C'est pour cela que le seul endroit où de la dette pourrait être possible devrait être le budget européen, avec une véritable "Agence Europe Trésor". Tout le reste n'a pas de sens, sauf à revenir aux monnaies nationales. Peu de gens ont compris cela en 1992...

Écrit par : Fabrice_BM | 11 août 2012

On y revient toujours: la logique c'est soit la création d'un véritable État fédéral européen, soit le retour aux États-nations.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 12 août 2012

@Laurent

On est bien d'accord.
La situation actuelle doit être clarifiée: dommage que malheureusement ces choses ne soient abordées par les politiciens que pour se dédouaner de leurs échecs en politique intérieure et jouer l'Europhobie pour redorer leur carrière.

Écrit par : Fabrice_BM | 12 août 2012

Ce n'est pas que par nationalisme que certains ne veulent pas d'un État fédéral européen. Par exemple les jacobins partisans d'un État unitaire savent très bien qu'un État européen ne sera que fédéral et jamais unitaire.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 12 août 2012

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