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01 juin 2013

Mobilisation contre le "mariage pour tous", interpellations et gardes à vue: retour sur le 26 mai

J'ai déjà expliqué ici pourquoi je n'étais pas contre la loi Taubira.

Cette position ne m'empêchait toutefois pas de considérer que certains opposants soulevaient aussi des questions qui auraient mérité d'être étudiées avec davantage d'attention (par exemple les conséquences sur l'adoption internationale), que ce sujet de société aurait parfaitement pu faire l'objet d'un référendum (je suis personnellement pour la multiplication, donc la banalisation et la dépersonnalisation des référendums) et, bien entendu, la moindre des choses pour un journaliste!, de refuser les amalgames.

 

Un petit exemple: cette infographie publiée le jour des dernières manifestations du 26 mai sur le site du quotidien Le Monde.

manif-lemonde.png

Or, en réalité, il ne s'agissait pas de "quatre cortèges pour une manifestation", mais de deux manifestations, dont une avec trois cortèges.

Le communiqué de la Préfecture de police de Paris est pourtant sans ambiguïté:

Le dimanche 26 mai 2013, diverses manifestations se dérouleront dans la Capitale.

► À partir de 13 heures, trois rassemblements sont prévus avec des itinéraires convergeant vers l’Esplanade des Invalides et ses abords, comme suit : (...)
La dispersion est envisagée sur le site des Invalides (7e), côté esplanade des Invalides et
côté place Vauban, vers 19 heures 30.

► À partir de 14 heures 30, une autre manifestation est prévue au départ de la place du
Général Catroux (17e). Les participants défileront : (...)  place de l’Opéra (1e) où aura lieu la dispersion vers 19 heures.

 

Volontairement (désinformation) ou non (erreur), les amalgames se sont pourtant multipliés tout au long de cette journée:

 

*
**

Dans le même esprit, j'ai cherché cette semaine à en savoir plus en ce qui concerne les interpellations et les gardes à vue du samedi 25 et du dimanche 26 mai.

Mon ambition: dresser une carte de Paris des interpellations, avec leur tranche horaire, afin de voir combien d'entre elles étaient effectivement imputables à la manifestation organisée par le collectif "La Manif Pour Tous".

Le ministère de l'Intérieur m'a renvoyé sur la Préfecture de police de Paris. Celle-ci ne m'a malheureusement pas fourni d'indications suffisamment précises quant au lieu et à l'heure des interpellations pour pouvoir proposer un article dans le cadre professionnel. C'est donc sur ce blog personnel que je livre les éléments que j'ai pu recueillir.

 

Voici en exclusivité le détail des interpellations et suites judiciaires:

  Samedi soir Dimanche (journée)
Dimanche soir Total
Interpellations 62 106 180 348
...dont gardes à vue 56
  • 39: refus de dispersion après les sommations d'usage

  • 15: entrave à la circulation

  • 2: violences sur personne dépositaire de l'autorité publique

31
  • 19: violation de domicile

  • 6 (dont un mineur): port d'arme prohibée

  • 4: participation à un attroupement armé

  • 1: outrage et port d'arme prohibée

  • 1: rébellion

178
  • 154: participation à un attroupement

  • 14: jet de projectiles

  • 6: refus de dispersion après les sommations d'usage

  • 4: violences sur personne dépositaire de l'autorité publique

265
...dont individus déférés 1 22 34 57

Sur les 265 personnes mises en garde à vue, 28 ont été laissées libres (dont 6 avec une convocation ultérieure devant le tribunal), 180 ont reçu un rappel à la loi et 57 ont été déférées au Parquet.

 

Combien sont véritablement imputables à la manifestation organisée par le collectif "La Manif Pour Tous"?

 

L'opération du samedi soir de blocage des Champs-Élysées (type "Printemps Français", même si cette mouvance ne l'a pas revendiquée) est hors "Manif Pour Tous". Certains confrères n'ont cependant pas hésité à titrer "Manif pour tous: une cinquantaine d'interpellations sur les Champs-Élysées" (Europe1).

 

Les interpellations et gardes à vue au cours de la journée de dimanche sont normalement facilement identifiables. Plutôt, elles l'auraient été si la Préfecture de police m'avait fourni les lieux des interpellations.

Que peut-on dire avec certitude et quelles hypothèses peut-on émettre?

1. Les 19 gardes à vue pour violation de domicile concernent Les Identitaires, qui sont allés occuper une terrasse mitoyenne du siège du PS (ils sont tous convoqués devant la justice le 27 juillet). En dehors donc de la "Manif pour tous"

 

2. Les Jeunesses Nationalistes expliquent sur leur site qu'une de leur militante a "été placée en garde à vue pour «possession d'une arme blanche non classée»" (racontant ensuite que "la seule chose qui soit blanche, c'est la couleur de sa canne! Car en effet, notre amie est malheureusement atteinte de cécité"). On peut donc formuler l'hypothèse que les gardes à vue pour "port d'arme prohibée" et "participation à un attroupement armé" les concernent. Elles-mêmes dénoncent "l'arrestation arbitraire de 27 militants des Jeunesses Nationalistes, et du Président de l’Œuvre Française, Yvan Benedetti". Or, cette mouvance ne défilait pas avec "La Manif Pour Tous" mais avec Civitas, et ses membres ont été interpellés place de l'Opéra. Bref, il ne s'agit pas de la "Manif pour tous".

 

En conclusion, il reste a priori peu voire aucune personne(s) "Manif Pour Tous" gardée(s) à vue si l'on retranche l'action des Identitaires et l'interpellation des Jeunesses Nationalistes lors de la manifestation de Civitas.

À noter toutefois que parmi les interpellés "Manif Pour Tous", près du point de départ place Valhubert (gare d’Austerlitz), figuraient 11 membres du Renouveau Français (sans garde à vue consécutive m'a assuré son directeur, Thibaut de Chassey):

 

 

Les évènements du dimanche soir sur l'esplanade des Invalides sont les plus ambigus. D'une part, il conviendrait de distinguer les veilleurs pacifiques des violents qui sont allés se frotter aux CRS. D'autre part, si la "Manif Pour Tous" s'était dispersée vers 19h30, il est bien évident qu'une partie des fauteurs de trouble avait auparavant manifesté en son sein.

L'Action Française (AF) explique ainsi s'être "répartie en deux groupes: les marcheurs de la manif pour tous et le groupe d'action", ce dernier revendiquant "un blocage systématique des voies d'accès aux zones de de manifestation", puis qu'ils se sont "tous retrouvés sur l'esplanade des Invalides". Bilan de la soirée: "17 interpellations et mises en garde à vue dans les seuls rangs de l'Action française".

 

 

 

Commentaires

On aurait aimé une conclusion... Du bon journalisme. Rare. Du coup j'ai lu le topo sur pour ou contre la loi Taubira. Vous n'êtes pas allé au bout de la réflexion ... Est ce que x=y ou x#y ?

Écrit par : De Fubi | 01 juin 2013

@De Fuby : je crois que vous n'y êtes pas du tout. La loi Taubira n'a rien à voir avec x=y. Mais d'accord pour le reste de votre message.

@l'auteur : Très bonne enquête. L'infographie du monde était pourtant claire, mais son titre était pour le moins malheureux !
Après, il est plus que probable qu'une partie des durs manifeste tranquillement au sein de la manifPT, puis se rassemble en bandes d'excités après la dispersion. De même que le Printemps français manifeste parmi la manifPT mais peut envoyer ses Hommen faire les zouaves durant le même temps. La question est celle du rapport entre la ManifPT officielle et ces groupes plus ou moins incontrôlés : condamnation, tolérance, ou, je crois, beaucoup d'entre-deux.

Sinon, sur un mode plus léger : si je dois changer mes verres à force de lire votre blog, je vous enverrai la facture de mon opticien !

Écrit par : Le Bedeau | 02 juin 2013

Ca fait plaisir de voir quelqu'un pour la loi Taubira defendant l'idee d'un referendum. Je me sens moins seul.

En revanche vous basez vos decomptes sur des statistiques de nombre de gardes a vue... vous semblez ignorer le nombre d'arrestations arbitraires. Du coup votre calcul les encourage: plus on arrete de gens de la manif pour tous (meme s'ils n'ont rien fait), plus on pourra dire que c'est bien eux les fauteurs de troubles.

Voir par exemple:
http://generationgav.wordpress.com/2013/06/01/le-temoignage-dantoine/

Écrit par : François | 02 juin 2013

@De Fubi: pour conclure, il eût fallu que j'eusse obtenu des détails sur les 12 GAV hors Identitaires de la journée de dimanche ainsi que sur les 18 GAV du dimanche soir hors "participation à un attroupement" et "refus de dispersion après les sommations d'usage".

Sur "x=y ou x#y", je me contenterai, puisque ce n 'est pas le sujet de cette note, de répéter ce que j'ai déjà écrit:
"...je n'ai pas de réponse définitive à toutes les questions que je me pose (...)
Ce qui me conduit à soulever ici une question fondamentale, à laquelle je n'ai pas de réponse: l'intérêt supérieur de l'enfant dicte-t-il d'être forcément élevé par un père et une mère? Instinctivement, j'ai envie de répondre oui, tout en me méfiant des rôles sociétalement attribués aux femmes et aux hommes. Rationnellement, rien ne me permet toutefois de trancher dans un sens ou dans un autre (les études n'étant pas unanimes). Quoi qu'il en soit, même en cas de réponse positive, cela ne doit pas forcément selon moi fermer par principe l'adoption aux couples de même sexe, mais seulement aboutir par exemple à ce qu'à situation complètement égale par ailleurs, priorité soit donnée dans l'adoption à un couple hétérosexuel sur un couple homosexuel, non par discrimination mais, encore une fois, dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...)".

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03 juin 2013

@Le Bedeau. Oui, c'est ce que j'écris à la fin de ma note: "si la 'Manif Pour Tous' s'était dispersée vers 19h30, il est bien évident qu'une partie des fauteurs de trouble avait auparavant manifesté en son sein" (comme ce jeune homme propre sur lui et venant de la "Manif pour tous", admettant à sa sortie de GAV que jeter sa cannette ou bouteille de bière sur les CRS n'était finalement pas une bonne idée...).

(désolé pour vos yeux, a priori j'utilise la taille de police par défaut de la plateforme HautEtFort!)

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03 juin 2013

@François: je pense effectivement que le sujets de société sont typiquement ceux qui pourraient faire l'objet d'un référendum.

Les "arrestations arbitraires" sont en réalité souvent des interpellations pour participation à une manifestation non déclarée sur la voie publique et trouble à l'ordre public. Rien, donc, qui relèverait d'un quelconque abus de pouvoir (détention arbitraire). Même si, effectivement, en l'espèce, les forces de l'ordre ont apparemment parfois agi sans discernement. Cf. ce que j'écrivais le 20 avril au sujet des "Veilleurs":
"Que les choses soient claires: participer à une manifestation non déclarée sur la voie publique puis refuser d'obtempérer aux sommations de dispersion des forces de l'ordre, c'est prendre ses responsabilités (interpellation) et courir le risque de recevoir un jet de gaz lacrymogène ou un coup de matraque.
Mais que les choses soient claires aussi: le ministère de l'Intérieur est responsable de la réponse des forces de l'ordre, qui doit par nature toujours être proportionnée et mesurée."
http://www.ipolitique.fr/archive/2013/04/20/abbe-taubira-chansons-homophobes.html

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03 juin 2013

Merci pour ce point de vue nuancé très intéressant de la part d'un pro ("pas contre" du moins !) loi Taubira !

Écrit par : Orti | 06 juin 2013

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