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02 octobre 2013

Le FN est-il à l'extrême droite?

Que le Front National refuse l'étiquette d'extrême droite n'est pas nouveau. D'autres partis politiques revendiquent d'ailleurs un positionnement qui ne correspond pas à la réalité: par exemple le Nouveau Centre d'Hervé Morin est à droite mais se dit au centre, la Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel est à droite mais se dit à gauche.

Cela fait justement bien longtemps que je suis à la recherche d'une technique pour classer le plus scientifiquement possible les partis politiques. Technique qui se doit bien entendu d'être opérante à la fois dans le temps et dans l'espace.

J'en suis vite arrivé à la conclusion qu'il fallait, déjà, impérativement séparer les idées du positionnement politique. Pourquoi? Tout simplement parce que les familles idéologiques bougent dans le temps (les libéraux à gauche au XIXe siècle puis à droite au XXe siècle) et dans l'espace (il existe en Europe des partis libéraux positionnées à gauche, au centre, à droite ou à l'extrême droite).

À ces deux critères, qu'il convient de distinguer, s'ajoute celui du rapport au pouvoir en place, c'est-à-dire l'appartenance à la majorité gouvernementale ou à l'opposition, ou plutôt aux oppositions puisqu'elles sont toujours plurielles.

 

En résumé, un parti politique peut toujours se définir par trois critères:
1) Son attitude vis-à-vis du gouvernement, qui se résume à deux positions: majorité ou oppositions.
2) Son idéologie de référence (possibilités illimitées).
3) Son positionnement géographique sur l'échiquier politique, qui se résume à cinq positions: extrême droite ou droite ou centre ou gauche ou extrême gauche.

 

Qu'en est-il du Front National? Marine Le Pen a-t-elle raison en refusant de classer son parti à l'extrême droite?

1) Son attitude vis-à-vis du gouvernement. Le FN est bien entendu dans l'opposition à la majorité présidentielle de François Hollande et à la majorité parlementaire de Jean-Marc Ayrault.

2) Son idéologie de référence. Comme la plupart des partis politiques aujourd'hui, qualifier l'idéologie du FN n'est pas évident. Le terme de national-populisme est souvent utilisé, et selon moi avec raison, même si le frontisme est passé d'un national-libéral-populisme sous Jean-Marie Le Pen à un national-social-populisme sous Marine Le Pen (avis aux cons: il ne s'agit absolument pas sous ma plume d'une allusion au national-socialisme hitlérien, le gaullisme par exemple étant lui-même national et social).

3) Son positionnement sur l'échiquier politique. C'est là que Marine Le Pen bloque sur son classement à l'extrême droite. Pourtant, où d'autre classer le FN sur l'échiquier politique?
À droite? Non, car il n'appartient pas au système d'alliance de la droite dominé par l'UMP. Au centre? À gauche? À l'extrême gauche?
De par son insertion dans aucun système d'alliance, de par ses interactions politiques et de par son histoire, le FN appartient aujourd'hui à l'extrême droite. Peut-être cela changera-t-il demain. François Bayrou, par exemple, sans changer de corpus idéologique est passé de la droite au centre en 2005-2007 puis semble actuellement repasser à droite.

De fait, comme Jean-Pierre Chevènement en 2002, François Bayrou en 2007-2012 et Marine Le Pen, je considère que les frontières partisanes ne correspondent pas aux vrais clivages idéologiques. Une recomposition du paysage politique n'est donc pas à exclure un jour, mais elle ne pourrait s'opérer que dans la foulée d'une élection présidentielle victorieuse.

 

En conclusion, le FN est un parti national-populiste positionné à l'extrême droite et appartenant à l'opposition.

Commentaires

C'est toujours un peu compliqué aujourd'hui dès lors que, du moins de domaine économique, les marges de manoeuvre nationales sont de plus en plus restreinte. Il y a de fait deux camps :
* Européiste (ou eurolibéral) : Acceptation de la libre circulation des capitaux, de la Règle d'or, du contrôle de la monnaie par une banque "ordolibérale", de la dépendance de l'État sur les marchés financiers et du libre-échange. Dans ce contexte, on peut être "socialiste", "vert", Modem, Front de Gauche ou UMP, les politiques économiques seront à des détails près les mêmes.
* Souverainiste : La politique économique est décidée au niveau national, là le clivage droite-gauche peut reprendre son sens, une énorme diversité de points de vu étant possible (libre-échangiste vs. protectionniste, libéral vs. Étatiste).

Aujourd'hui, la question européenne dépasse donc le clivage gauche-droite, ce qui n'empêche pas des clivages sur d'autres domaines, notamment le sociétal ou la guerre. Si je devais définir le FN (ou DLR) je dirais : souveraniste, sociétalement conservateur, économique "social" (et en fait, je dirais pas tant social que juste "français", dans le mesure qu'il espère défendre le modèle français par la souveraineté).

Écrit par : Craig Willy | 02 octobre 2013

Je pense qu'il y a en réalité quatre camps, et non deux:
- euro-libéral: ceux qui soutiennent l'actuelle construction européenne
- souverainiste-libéral: retour aux nations par nationalisme mais politique interne libérale (c'était la position de Jean-Marie Le Pen et surtout de Philippe de Villiers)
- souverainiste-antilibéral: retour aux nations par nationalisme ou par antilibéralisme mais de toute façon politique interne sociale-étatiste; c'est la position Sapir/Chevènement/Dupont-Aignan/Philippot
- euro-antilibéral: construction d'une Europe antilibérale (position utopique car aucun de nos partenaires européens ne veut du social-étatisme français)
Jean-Luc Mélenchon oscille, sans parvenir à se décider, entre les positions 3 et 4.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 02 octobre 2013

1. Comment définissez-vous le terme très flou de populisme ?

2. Quelle objection verriez-vous à classer le FN actuel - du moins en se limitant au discours et au programme de Marine Le Pen - comme "banalement" conservateur du point de vue de l'idéologie ? Par exemple, quelle différence avec le discours d'un Eric Zemmour qu'on ne peut pas classer à l'extrême-droite selon moi ?

PS : Bravo pour tout votre travail.

Écrit par : Kévin | 02 octobre 2013

1. Sur le populisme:
http://www.ipolitique.fr/archive/2013/05/09/melenchon-marine-le-pen.html

2. Je réserve le mot conservateur à la famille idéologique conservatrice:
http://www.europe-politique.eu/wiki/Conservatisme

PS: merci :)

Écrit par : Laurent de Boissieu | 02 octobre 2013

Merci pour ces liens. Du coup, une question me taraude : le "national-populisme" est-il distinct du conservatisme selon vous ? Si oui, quelle est sa filiation ?

Écrit par : Kévin | 02 octobre 2013

Oui, le natinal-populisme est distinct du conservatisme, historiquement aux antipodes du populisme.
Comment le définir? D'abord, bien entendu!, par un mélange de nationalisme et de populisme, c'est-à-dire d'appel au peuple contre les élites. Ceci posé, comme écrit dans ma note, c'est un peu un terme fourre-tout, et je distingue donc un national-libéral-populisme (Jean-Marie Le Pen), dont la filiation serait le poujadisme, d'un national-social-populisme (Marine Le Pen). Quelle serait la filiation de ce dernier? Sans doute là faudrait-il remonter au boulangisme "de gauche", mélange de nationalisme, de socialisme et de radical-jacobinisme (pour l'anecdote, quelqu'un de ma famille fut l'assistant parlementaire de l'un de ces radicaux boulangistes).

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03 octobre 2013

Le FN peut essayer de vendre de la merde en la faisant passer pour du beurre, mais ceux qui l'achètent ne s'y trompent pas : ils l'achètent pour le gout. La haine de l'autre sera toujours le mur porteur du FN, peu importe la couleur dont on le repeint.

Écrit par : Alan Shore | 03 octobre 2013

Bon, le FN était clairement un parti d'extrême-droite avant son changement de patron, pour les raisons clairement relevées par Laurent : "De par son insertion dans aucun système d'alliance, de par ses interactions politiques et de par son histoire."

L'est-il encore ? Cela signifierait un tournant majeur avec le passage de JMLP à MLP.
On peut relever que ni son système d'alliance, ni ses interactions politiques, ni ses références idéologiques n'ont véritablement changé.
Les principaux changements sont à mes yeux les suivants :
- Le passage (pour faire vite) du libéral-populisme au social-populisme. Cela ne détache pas pour autant le parti de l'extrême-droite, qui a en son sein de très fortes traditions sociale (j'ai les noms, les dates, les chiffres...).
- La respectabilisation du FN avec l'arrêt des blagues racistes (Durafour-crématoire...), des liens trop voyants avec l'extrême-droite fascisante (pour faire très vie aussi), des tenues vestimentaires trop marquées lors des manifestations officielles, etc. Mais cela ne prouve pas encore un changement de fond de l'idéologie des cadres, des militants ou du cœur de l'électorat, qui repose, pour une bonne part, sur des formes de racisme et de xénophobie plus ou moins conscientes et plus ou moins assumées (je ne suis pas moi-même à l'abri de telles contradictions).
Bref, le FN est toujours un parti d'extrême-droite.

Cela dit, le manque de culture politique précise de la majorité de la population française fait que le label "extrême-droite" comporte dans l'esprit de la plupart des implications aussi automatiques que non justifiées.
A "extrême-droite", le clampin de base va associer automatiquement le "fascisme" (le FN en est loin, même avec son tournant social), le "nazisme" (idem), la "collaboration" (alors que le contingent de résistants d'extrême-droite est très fourni et que la gauche a été également très très présente dans la collaboration), etc. Ce qui transforme du coup une question de positionnement politique en une stigmatisation largement basée sur de mauvaises raisons.

Je suis loin d'avoir fait le tour de la question.

Écrit par : Libéral européen | 03 octobre 2013

"J'en suis vite arrivée à la conclusion qu'il fallait, déjà, impérativement séparer les idées du positionnement politique. Pourquoi? Tout simplement parce que les familles idéologiques bougent dans le temps (les libéraux à gauche au XIXe siècle puis à droite au XXe siècle)"


une des solutions de ce problème (qui me passionne aussi) c'est de conserver les codes couleurs idéologiques. Par exemple, le parti opportuniste de Ferry était clairement "à gauche" de son temps (conjoncturel) et "libéral-républicain" (intemporellement). Il ne faut pas donc faire ce que je vois faire des dizaines de fois sur le net, à savoir représenter une AN de 1885 avec un bloc opportuniste en rose ou même rose pâle. Il faut le mettre en bleu, comme on doit mettre l'UMP actuelle en bleu. (en bleu aussi, le groupe jacobin de la Législative de 1791).

De même, pour le FN, je crois qu'on doit le mettre en "vert foncé mordoré", style groupe bonapartiste fin des années 1870. Cette couleur représente bien la "troisième voie", qui s'est exprimée de manière modérée (bonapartisme, gaullisme, PSF) ou extrême (PPF, FN, RNP)

Écrit par : Colbert | 10 octobre 2013

OK sur le principe (après, pas forcément d'accord sur les choix de couleur ou de filiation), c'est d'ailleurs précisément ce que je fais :)
http://www.france-politique.fr/chambre-des-deputes.htm
http://www.france-politique.fr/assemblee-nationale.htm
http://www.france-politique.fr/groupes-parlementaires-assemblee-nationale.htm

Écrit par : Laurent de Boissieu | 10 octobre 2013

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