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25 novembre 2015

"La présence de crèches de Noël dans l'enceinte des mairies n'est pas compatible avec la laïcité"

Sauf une exposition (plusieurs crèches), mettre une crèche dans une mairie me choque doublement: en tant que croyant (déconfessionnalisation de la crèche chrétienne en en faisant un symbole culturel et non un signe religieux) et en tant que défenseur de la laïcité (signe religieux dans une mairie)(1).

Enfin, je me désole de voir cette question instrumentalisée par certains qui, au fond, en dénonçant un soi-disant "laïcisme" antireligieux, n'ont en réalité jamais accepté la laïcité.

 

(1) Je reste d'ailleurs ahuri devant ceux qui disent que ce serait nier notre culture, en opérant des parallèles juridiquement et intellectuellement stupides avec des noms de communes ou de rues, héritages des racines chrétiennes de la France. Christianisme et islam ne sont pas égaux devant l'Histoire de France (noms, jours fériés, etc.) mais sont égaux devant la loi (qu'il soit chrétien, musulman, juif ou bouddhiste, un maire n'a pas à afficher dans sa mairie un signe de sa religion personnelle).

 

Complément à ma note:

Dans 90% des cas, lorsque je ne suis pas d'accord, je comprends malgré tout le raisonnement et les arguments de la personne en face de moi.
Mais cette histoire de crèche dans les mairies fait partie des 10% que je ne comprends pas.
Oui, je ne comprends pas comment en toute intelligence et rationalité on peut considérer qu'une crèche avec l'Enfant-Jésus est un objet culturel et non religieux.
Oui, en conséquence je ne comprends pas comment on peut ne pas être d'accord avec l'Association des maires de France (AMF) sur le fait que "la présence de crèches de Noël dans l'enceinte des mairies n'est pas compatible avec la laïcité".
Je sais que certains pensent vraiment cette absurdité qu'une crèche avec l'Enfant-Jésus serait culturelle et non religieuse. Mais je sais aussi que d'autres pensent que la France est chrétienne, et donc qu'un maire n'a pas le droit d'apposer en mairie un signe religieux personnel sauf s'il s'agit du catholicisme. Ceux-là mettent en avant l'argument culturel mais en réalité n'acceptent pas la laïcité.

Commentaires

Laïcité et inégalité : l’hypocrisie française par Thomas Piketty.

http://www.liberation.fr/futurs/2015/06/15/laicite-et-inegalite-l-hypocrisie-francaise_1330397


Cette histoire de crèche est dérisoire lorsqu'on étudie le traitement différencé et inégalitaire des religions en France.
Outre les faits rappelés par Piketty(prise en charge massive du financement des écoles privées Catholiques par le contribuable(plus de 8 milliards d'euros par an), financement par les collectivités locales de l'entretien des édifices cultuels bâtis avant 1905),il faut ajouter le maintien du Concordat en Alsace-Moselle où les prêtres, rabbins et pasteurs sont payés par l'État, cours de religion obligatoire dans les écoles publiques, délit de blasphème.

L'Etat français et les partisans de la laïcité "à la française" prétendent que la France ne finance, ni subventionne aucun culte,qu'il y existe une séparation stricte entre la religion et l'État(surtout lorsqu'il s'agit de s'opposer à l'islam), ce qui est évidemment une légende.
Des chercheurs allemands ont comparé les rapports entre religions et État(surtout au niveau du financement) en Allemagne et en France, ils sont arrivés à la conclusion que la France , qui prétend défendre une laïcité et une séparation stricte, finançait autant les religions que l'Allemagne où le financement public des cultes est officiel et reconnu, et où il n'y a pas de "séparation stricte".

De la même manière, les laicards se moquent beaucoup des USA, pays " religieux" où il n'existerait pas de "laïcité", où leur président prête serment sur la Bible, alors que cela serait impossible en France.Rappelons que l'État américain, contrairement à son homologue français, ne finance aucun culte,que la Cour suprême américaine a réaffirmé l'interdiction faite à l'État de subventionner les écoles confessionnelles(et tout le monde est logé à la même enseigne, pas de privilèges pour les cultes " historiques").

Cette histoire de crèche à la mairie n'intéresse pas les foules, même si c'est contraire à la laïcité.
En revanche, vous pouvez déjà préparer vos notes sur les prochaines polémiques "laïques" liées à l'islam(voile à l'Université, dans les crèches, porc à la cantine,construction mosquées,etc) qui elles enflameront l'opinion, et mèneront sûrement à de nouvelles lois(anti-laiques).

Écrit par : Lina | 26 novembre 2015

Je peux vous suivre sur deux points:
- les écoles privées catholiques sous contrat
- le Concordat maintenu en Alsace-Moselle
Mais pas sur les édifices cultuels bâtis avant 1905: inégalité non pas des religions devant la Loi mais devant l'Histoire de France.
Enfin, certes avec un solde bien moindre, l'islam est aussi de fait financé via les baux emphytéotiques ou les parties officiellement culturelles et non cultuelles des mosquées construites.

Écrit par : Laurent de Boissieu | 26 novembre 2015

Bonjour,

En ce qui me concerne, je ne comprends qu'en partie votre réaction. Car, si elle critique tout à fait légitimement des positions qui ont été tenues, et souligne le danger - malheureusement tout à fait réel - d'une utilisation politique du religieux, elle ne rend pas compte de l'ensemble des opinions, et notamment de celle modéré qui s'est exprimée de manière asse large.

Vous affirmez en effet que " je ne comprends pas comment en toute intelligence et rationalité on peut considérer qu'une crèche avec l'Enfant-Jésus est un objet culturel et non religieux." Je vous suis parfaitement si l'on prend la totalité de cette phrase, et c'est pourquoi je critique vertement la jurisprudence même favorable aux crèches, en ce qu'elle opère la déconfessionnalisation que vous critiquez à raison. Mais elle n'a lieu qu'en raison du fait qu'on veut voir dans la crèche "un objet culturel ET NON religieux". tout est dans cette nuance.

On peut très bien en effet voir dans la crèche un objet religieux (d'abord) ET culturel. sans opposer aucunement ces deux aspects (ce que vous faites par exemple pour les noms de rues).

La restriction mentale qui consiste à ne pas reconnaître la dimension religieuse de la crèche est absurde. Et dangereuse. Mais pourquoi refuser d'envisager qu'un objet religieux puisse aussi être culturel ? Notre-Dame de Paris (une église) ou la Sainte-Chapelle, ce n'est pas de la culture ? Les messes et les passions de Bach ou les kyriale de Mozart, ce n'est pas de la culture ? Les calvaires monumentaux de Bretagne, ce n'est pas de la culture ? Les magnifiques orbes finement ciselés du Moyen-äge, ce n'est pas de la culture ? Le Livre d’heures de Jeanne de France, l'Evangéliaire du couronnement de Vienne, le psautier d'or de Saint-Gall, les mosaïques de Ravenne ou Monreale, ce n'est pas de la culture ? L'icône de la Trinité de Roublev, la pietà de Michel-Ange, le retable d’Issenheim, ou celui de l'Adoration de l'Agneau mystique de Van Eyck, ou encore le polyptique du Jugement dernier de van der Weyden, les vitraux de la cathédrale de Chartres, les fresques de Giotto, les innombrables tableaux religieux, ce n'est pas de la culture ?

Non, à l'évidence même, un objet religieux (profondément religieux : la quasi-totalité de ces objets d'art sacré ont été créés pour la vénération, dans une attitude de grande piété) devient intrinsèquement la manifestation d'une culture donnée. La crèche de Noël, comme le sapin d'ailleurs, est née à un moment donné de l'histoire pour exprimer d'une certaine manière un sentiment religieux. Et, comme d'autres pratiques ou objets (la galette des rois, les dragées...), elle est devenue tellement prégnante dans notre société, qu'elle est devenu un objet aussi, et sans perdre son caractère religieux (comme le sapin !), un objet culturel. Faudra-t-il supprimer les sapins de Noël (symbole de la Résurrection !!!) de toutes les places publiques, mairies, et même administrations ? Interdire à l'Elysée d'y donner la galette des rois annuelle ?

Car la question n'est en effet pas de créer volontairement la polémique en mettant une crèche dans une mairie juste par plaisir de contrer le laïcisme. Je suis contre une action de ce type, qui s'apparente en effet à une manipulation politique du fait religieux.

En revanche, la question est toute autre là où existe déjà une tradition locale. C'est là l'unique problème. Si une culture locale a fait naître une tradition d'installation d'une crèche dans un lieu public, refuser ce fait religieux et culture signifie contribuer à déraciner volontairement la population locale de sa culture propre. Il ne s'agit alors pas du tout d'un "signe religieux personnel" du maire, mais bien d'un signe religieux et culturel de l'ensemble de la localité.

Ainsi, la laïcité se rapporte, dans la tradition républicaine, au comportement des agents publics. Mais pas du tout aux manifestations culturelles du vécu social. Une mairie peut aujourd'hui sans problème financer la restauration de la basilique de Fourvière ou de Saint-Denis, précisément en raison de cela.

La volonté de la Libre-Pensée (car il ne faut pas oublier ce fait premier, limpide : il y a une stratégie précise et manifeste, une volonté assumée de certaines organisations de lutter contre toute manifestation publique du phénomène religieux) est d'étendre indéfiniment, au moyen du droit (jurisprudence, loi), le champ d'une laïcité comprise comme refus de la religion, cantonnée à la pure opinion individuelle.
Il ne s'agit pas de s'y opposer en jetant le bébé (la laïcité, qui protège aussi la pureté de la foi contre l’idolâtrie et la récupération politique) avec l'eau du bain, nous en sommes bien d'accord.

Mais il convient à mon humble avis de s'y opposer frontalement quand :
1) Cette action vise à déraciner une société, notamment un territoire, de ses racines culturelles (encore une fois, cela est parfaitement assumé par ceux qui agissent, et veulent explicitement couper "toute racine")
2) L'action s'inscrit dans une logique générale de containment du fait religieux, dévoiement idéologique de la laïcité.

Un objet religieux qui a acquis une valeur culturel peut, sans aucune violation de la laïcité, trouver sa place dans l'espace public. Pas plus, mais pas moins.

Bien cordialement,

Écrit par : Louis-Damien Fruchaud | 26 novembre 2015

Merci à Louis Damien F d'exprimer clairement ce que je ressens confusément; c'est à dire la reconnaissance de la double valeur, culturelle et religieuse qui peut s'attacher à un même objet.

Je me demande pourquoi on ne pourrait pas admettre que l'histoire d'un pays ou d'une région donne à certains lieux, objets, coutumes ou croyances une valeur supérieure à la valeur d'autres cultures récemment introduites. Ce qui est dans notre patrimoine génétique culturel ou religieux ne saurait être ignoré sous peine de provoquer un malaise qui favorise l'expansion des nationalismes et le refus du monde extérieur. La laïcité à la française peut entraîner une perte d'identité pour une partie de la population française, d'origine ou d'adoption. La déclaration d'égalité de traitement juridique pour toutes les religions s'effectue de fait principalement à l'encontre des religions anciennement présentes.
Lauredissy

Écrit par : lauredissy | 26 novembre 2015

Bonjour,
Plus largement que cette histoire de culture locale, qui ressemble beaucoup a du victimisme, je trouve etonnant que le debat ne porte jamais sur l'envahissement de l'ecologie, doctrine politique et parareligieuse, dans les programmes scolaires.
Parareligieuse car liee a l'ideologie new age et a une divinisation de la Nature que transpirent les manuels de SVT par exemple.
Politique aussi car explicitement neo-malthusienne.

Écrit par : Erasmus Tharnaby | 30 novembre 2015

Bonjour,
Tout a fait d'accord avec le redacteur du post de ce blog mais que pense-t-il, dans ce cas de l'omnipresence de la doctrine ecologiste dans les programmes scolaires. Y compris de concepts neo-malthusiens comme l'impact carbone qui relevent davantage de l'ecologie politique que d'une veritable science?
On peut aussi evoquer a ce sujet la divinisation neo-romantique de la Nature que l'on percoit sans ambiguite dans certains manuels de SVT.
Bien a vous
ET

Écrit par : Erasmus Tharnaby | 30 novembre 2015

La laïcité à la française est une histoire qui nous est bien singulière qui remonte à la Révolution Française et à sa Constitution civile du Clergé puis sa volonté de construire une religion civile : l'Etre Suprême, la Déesse Raison en rupture et violemment contre l'Eglise catholique. D'où le vandalisme révolutionnaire, débaptisation-rebaptisation d'un grand nombre de lieux et villes puis le calendrier républicain en vigueur pendant plus de 10 ans. Voir à ce sujet le livre de Lucien Jaume "Le Religieux et la Politique dans La Révolution Française, l'idée de régénération" paru aux PUF.

Écrit par : cording | 30 novembre 2015

Merci à Damien-François Fruchaud, à la lecture extrêmement enrichissante.

Comme vous cher Laurent, dans une certaine mesure, je trouve consternant le fait que certains trouvent dans la crèche un phénomène culturel et non religieux. Mais, et ça, c'est quelque chose que vous occultez, ce phénomène existe : de nombreuses familles complètement déchristianisées font pourtant des crèches. Cela ne veut pas dire qu'elle ne sont pas consciente de l'origine religieuse de cette tradition, mais ce n'est pas du tout leur motivation.

Je trouve aussi que vous occultez un aussi largement le contexte ayant entouré la publication de l'AMF. Il n'y a pas besoin d'être un grand analyste politique, et je suis sûr que vous vous êtes fait cette réflexion tout comme moi, pour voir que cette intransigeance vis-à-vis des crèches est vue comme le moyen de contrebalancer l'intransigeance vis-à-vis de certaines pratiques musulmanes autrement plus préoccupantes.

A mon humble avis, c'est un calcul tout à fait désastreux : outre le fait que la manoeuvre ne trompe pas grand nombre, que les situations sont totalement incomparables, on met en péril un principe en créant une situation tout à fait ridicule. Quelle personne serait aussi stupide pour faire respecter par la force une situation aussi innocente, l'installation d'une crèche dans une mairie?

Écrit par : Tythan | 03 décembre 2015

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