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10 novembre 2019

Islamophobie

Ce dimanche 10 novembre se tient une manifestation contre l'islamophobie. Son organisation soulève de vraies questions: opérant un tournant idéologique historique, des personnalités de gauche (Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Benoît Hamon...) ont signé pour la première fois un appel reprenant la vision de l'extrême gauche indigéniste (racisme ou islamophobie d'État en France) et des islamistes (lois de 2004 et 2010 qualifiées de "liberticides").

Employer le mot islamophobie, en revanche, ce n'est pas reprendre la vision des islamistes. Certes, ces derniers l'utilisent afin de disqualifier toute critique de l'islam en général ou du port du voile destiné à dissimuler les cheveux des femmes en particulier. C'est notamment le cas de l'autoproclamé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Mais l'islamophobie, ce n'est pas la critique de l'islam. L'islamophobie, c'est la peur phobique de l'islam, amalgamé à l'islamisme en étant considéré sous toutes ses formes comme incompatible avec les lois de la République française et la vie en France.

Or, cette islamophobie et la haine envers les musulmans sont bien réelles. Qu'on en juge, en quelques mois. Le 28 octobre 2019, deux croyants ont été blessés par balles dans une tentative d'incendie de la mosquée de Bayonne. Le 17 septembre 2019, Éric Zemmour a été condamné pour avoir avancé que les musulmans devaient choisir "entre l'islam et la France". Des propos, a définitivement jugé la Cour de cassation, qui constituent "un appel à la discrimination" en ce qu'ils "désignaient tous les musulmans se trouvant en France comme des envahisseurs et leur intimaient l'obligation de renoncer à leur religion ou de quitter le territoire de la République". Le 27 juin 2019, l'imam de Brest, Rachid Eljay – cofondateur de la plateforme "L.E.S. Musulmans" – a été victime d'une tentative d'assassinat par balles.

Enfin, contrairement à ce qui circule, le mot islamophobie n'a pas été inventé par les islamistes. Docteur en droit et rédacteur au ministère des colonies, Alain Quellien l'emploie dès 1910 dans son livre sur La Politique musulmane dans l'Afrique occidentale française (Éditions Émile Larose) en tant que "sentiment d'hostilité et de prévention à l'égard de l'islam". Ce mot est à la même époque employé à plusieurs reprises dans la Revue du monde musulman, publiée par la Mission scientifique du Maroc.

 

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01 novembre 2019

La haine, des paroles aux actes

L'attaque contre la mosquée de Bayonne repose la question de la responsabilité de ceux qui tiennent des propos islamophobes dans le débat public. Ancien candidat du Front national (devenu Rassemblement national) aux élections cantonales de 2015, son auteur a été déclaré pénalement responsable malgré une «altération partielle de son discernement».

Dans ce contexte, Éric Zemmour, en particulier, a été nommément pointé du doigt. «Tout le monde condamne toute attaque, c'est la moindre des choses, moi compris, c'est une évidence, a aussitôt réagi le chroniqueur sur CNews. Ce qui est curieux, c'est que certains me mettent en cause, disent que c'est de ma faute, qu'il m'a écouté

La ligne de défense d'Éric Zemmour consiste à assurer qu'il n'incite pas à la haine et qu'il se contente de critiquer l'islam. De fait, critiquer l'athéisme ou une religion, quelle qu'elle soit, relève de la liberté d'opinion et d'expression. Ce qu'il opère lorsqu'il qualifie l'islam, et pas uniquement ses branches islamistes, de «totalitarisme».

Le journaliste du Figaro va toutefois beaucoup plus loin qu'une critique relevant de la liberté d'expression. «La question qui se pose à nous est la suivante : les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ?, interroge-t-il, par exemple, le 28 septembre, à la convention des partisans de Marion Maréchal. Si oui, ils méritent leur colonisation. Si non, ils devront se battre pour leur libération (…) Au triptyque d'antan : "immigration, intégration, assimilation", s'est substitué : "invasion, colonisation, occupation".» Aux yeux d'Éric Zemmour, «les femmes voilées et les hommes en djellaba» ne témoignent pas seulement d'un défaut d'assimilation mais sont surtout comparables aux «uniformes d'une armée d'occupation [qui] rappellent aux vaincus leur soumission».

L'intéressé a déjà été condamné, le 17 septembre 2019, pour avoir avancé que les musulmans devaient choisir «entre l'islam et la France». Des propos, a définitivement jugé la Cour de cassation, qui constituaient «un appel à la discrimination» en ce qu'ils «désignaient tous les musulmans se trouvant en France comme des envahisseurs et leur intimaient l'obligation de renoncer à leur religion ou de quitter le territoire de la République».

Des mots identiques sont employés par l'essayiste d'extrême droite Renaud Camus, que cite d'ailleurs Éric Zemmour. La spécificité du théoricien du «grand remplacement» est cependant d'insister davantage sur la couleur de peau (racialisme), en dénonçant en Europe un «génocide par substitution des blancs». «Quand un pays est livré par ceux qui le gouvernent à l'invasion, à la colonisation organisée et à l'occupation étrangère, quand son peuple est délibérément remplacé et sa civilisation détruite, la seule question qui compte est sa double libération. Le reste peut et doit attendre», expose Renaud Camus (Twitter, 26/12/2018). Sans hésiter à parler de «guerre»: «La guerre d'Algérie n'était pas une guerre civile. La guerre de France n'en sera pas une non plus» (Twitter, 26/12/2015), «Il n'est pas question de guerre civile. Il est question d'une guerre de libération nationale et de décolonisation» (Twitter, 23/10/2016), «Les guerres civiles c'est au sein d'un même peuple. Là il y a des occupants et des occupés, des conquérants et des conquis» (extrait Twitter, 30/09/2018).

Enfin, selon Éric Zemmour l'islam constitue la source commune de l'insécurité au quotidien et du terrorisme. «Il y a une continuité entre les vols, viols, trafics de drogue jusqu'aux attentats de 2015, en passant par les innombrables attaques au couteau dans les rues de France, affirme-t-il dans un amalgame sans cohérence. Ce sont les mêmes qui le commettent, qui passent sans difficulté de l'un à l'autre pour punir les kouffars, les infidèles. C'est le djihad partout, et le djihad pour tous et par tous.»

À l'image d'Éric Zemmour, Renaud Camus ne prône pas explicitement le recours à la violence physique. «La violence peut être symbolique, emblématique. Elle ne peut être aveugle ou meurtrière. Frapper les esprits, pas les corps», avait-il exposé, sur Twitter, après l'attentat de Christchurch (Nouvelle-Zélande), où l'attaque contre deux mosquées avait causé la mort de 51 personnes.

Il n'empêche, l'un et l'autre parlent bien de  libération» face à une «invasion», à une «colonisation» ou à une «occupation». Ce qui peut être interprété comme une incitation implicite au passage à l'acte.