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23 novembre 2008

Flagrant délit de duplicité

poste.jpgDes manifestations ont été organisées samedi, à l'appel de cinq syndicats représentant 95% du personnel de La Poste (CGT, Sud-PTT, CFDT, FO, CFTC), pour s'opposer à la transformation de l'établissement public en société anonyme. Ce projet est destiné à permettre à l'horizon 2011 une ouverture de 30% de son capital afin de faire face à la concurrence.

Parmi les manifestants, notamment, François Hollande, encore pour quelques (?) jours premier secrétaire du PS...

Quelle hypocrisie ! Car, quel que soit le statut de La Poste, les directives européennes de libéralisation du secteur postal ont été successivement approuvées par les gouvernements de Lionel Jospin (PS)* et de Jean-Pierre Raffarin (UMP)**.

Bel exemple de duplicité du PS, qui dénonce à Paris ce qu'il a approuvé à Bruxelles. Peu importe en effet le statut et la propriété du capital de La Poste : une fois que le secteur postal est libéralisé, la logique de la concurrence et un mode de gestion privé (rentabilité financière, etc.) l'emportent, que le propriétaire soit l'État à 100%, 51% ou 0%.

Si un congrès du PS devait avoir un véritable enjeu, c'est bien celui-là : mettre fin au double langage. Un lorsque le parti est au pouvoir, un autre lorsqu'il est dans l'opposition.

 

* directive européenne 97/67/CE du 15 décembre 1997

** directive européenne 2002/39/CE du 10 juin 2002

14 octobre 2008

Un "plan européen" ? Où ça ?...

angela-sarkozy.jpgContrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, le "plan européen" de réponse à la crise financière ne doit rien à l'Union Européenne : il n'a, en quelque sorte, d'européen que le nom...

 

Qui en est à l'origine : une institution européenne ? Non, la réunion des chefs d'État et de gouvernement des quinze États de la zone euro. Bref, un sommet interétatique (précédé par une rencontre bilatérale franco-allemande) et non une instance européenne supranationale.

Quelles sont les mesures prises : des mesures européennes ? Non, des mesures coordonnées mais authentiquement nationales.

 

Enfin, sans même discuter de la pertinence du choix de former un marché unique européen, soulignons le fait que ceux qui ont effectué ce choix n'en ont pas tiré toutes les conséquences.

La monnaie unique européenne est, certes, une conséquence qui a été ultérieurement tirée de ce choix originel, afin d'éviter des dévaluations compétitives au sein d'un marché unique. Même si, au passage, le statut de la Banque Centrale Européenne lui confère un caractère antidémocratique (indépendance du pouvoir politique) et dogmatique (monétarisme).

Or, sauf à vouloir faire du marché unique européen une zone de surenchères fiscales, au détriment des États les plus socialement avancés, il aurait dû également s'accompagner de la mise en place de politiques fiscales et sociales uniques, elles-mêmes définies par un pouvoir politique européen unifié et légitime. Bref, qui dit marché unique européen et monnaie unique européenne devrait également dire État européen (se superposant aux États nationaux dans un système fédéral ou se substituant aux États nationaux dans un système unitaire).

Contrairement aux cris d'orfraie que poussent les souverainistes libéraux, le problème ce n'est donc pas un hypothétique État européen. Le problème (ou plutôt, les problèmes : démocratique, social, etc.) c'est, précisément, l'absence d'État européen. Reste encore à savoir s'il serait ou non possible de construire un tel État européen dans le respect de l'identité constitutionnelle française.

C'est-à-dire de bâtir une République européenne unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ce que ne sera probablement jamais l'Union Européenne...

29 juillet 2008

Plan de redressement de la Sécurité sociale : beaucoup de bruit pour rien

cnam.jpgLe gouvernement a présenté aujourd'hui un nième plan de redressement de la Sécurité sociale (objectif : atteindre l'équilibre en 2011).

Ce ne sera, bien entendu, pas le dernier. Car ce n'est pas de rustines, de plans à la petite semaine et de remises en cause de la protection sociale (franchises médicales, basculement vers les mutuelles et les sociétés d'assurance) dont la France a besoin, mais d'un mode alternatif de financement de celle-ci.

J'ai l'impression d'enfoncer les portes ouvertes en écrivant cela, mais comment peut-on encore espérer tenir un haut niveau de protection sociale lorsque cette dernière est essentiellement financée par des contributions sociales assises sur le salaire des résidents ?

Les solutions alternatives ne manquent toutefois pas :

- instauration d'une Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVA)

- instauration d'une TVA sociale

- basculement sur la CSG

etc.

 

À l'occasion de l'élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait fini par accepter l'idée d'expérimenter la TVA sociale, avant de l'abandonner en rase campagne lors des élections législatives. Ségolène Royal, elle, était silencieuse sur le sujet (vive la démocratie participative !), mais, par défaut, soulignons que le PS se prononce régulièrement en faveur de la CVA. François Bayrou, lui, semble encore hésiter entre les différentes formules (auxquelles il ajoute l'idée d'une "taxe sur les mouvements financiers", inspirée de la taxe Tobin, ou celle d'une taxe sur la consommation de carburants fossiles dite "taxe carbone").

S'il y a pourtant un dossier où le citoyen serait en droit d'attendre une rupture, une offre politique suivie d'une action réformatrice, c'est bien celui là. Marianne, ma soeur Marianne, ne vois-tu rien venir ?

19 mai 2008

"Règle d'or" ou "plaquée or" ?

886694002.jpgPar voie d'amendement soutenu par le Nouveau Centre et une partie de l'UMP (Gilles Carrez, Étienne Blanc, Yves Bur, Frédéric Lefebvre), l'orthodoxie financière pourrait faire son entrée dans la Constitution française. Devrait ainsi être introduit dans le texte fondamental l'obligation de voter "des lois de programmation" définissant "les orientations pluriannuelles des finances publiques" et s'inscrivant "dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques" (État, collectivité locales, Sécurité sociale).

 

Pour les libéraux, ce serait trop peu. Nous serions en effet encore loin de la "règle d'or" budgétaire interdisant à tout gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement. C'est pourtant cette idée qui était présente dans le programme présidentiel de François Bayrou ("hors période de récession", précisait toutefois prudemment le candidat), avant d'être reprise dans une proposition de loi constitutionnelle du Nouveau Centre.

Mais Français Bayrou et ses (ex-)amis n'en ont pas le monopole. "Je ferai en sorte qu'à l'avenir il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette", avait promis le candidat Nicolas Sarkozy. Tandis que le projet de l'UMP, engageant donc tous les députés élus sous cette étiquette, prévoyait également d'"inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la « règle d’or » selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement".

 

Pour les antilibéraux, en revanche, ce serait déjà trop. Car cela reviendrait - reproche déjà opéré à feu le projet de Constitution européenne - à figer dans le marbre constitutionnel une orientation économique, devant ressortir du verdict des urnes et non d'une obligation absolue : en démocratie, la Constitution est là pour fixer un cadre commun large, au sein duquel s'expriment les choix librement opérés par les citoyens lors des élections nationales.

02 mai 2008

Le chômage en hausse au mois de mars

22980350.jpgLe taux de chômage joue ce premier trimestre avec les nerfs du gouvernement. Le nombre de demandeurs d'emplois de catégorie 1 (personnes inscrites à l'ANPE cherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée et n'ayant pas travaillé plus de 78 heures dans le mois écoulé) a en effet augmenté en France métropolitaine en mars (+0,4% par rapport au mois précédent) et en janvier (+0,7%), mais a baissé en février (–0,7%). D'après les chiffres publiés cette semaine par l'ANPE et la Dares, 8 200 personnes supplémentaires se sont inscrites à l'ANPE en mars, établissant le nombre de chômeurs à 1 905 000 personnes.

La tendance est néanmoins à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi depuis mai 2005 (2 480 000 personnes étaient alors demandeurs d'emplois de catégorie 1), et il est encore trop tôt pour savoir si les hausses de janvier et de mars ne sont que des accidents de parcours ou constituent un retournement de tendance. Sur un an, le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois reste en baisse de 6,5%.

La ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, Christine Lagarde, a donc pu insister sur la "quasi-stabilisation du nombre de chômeurs en mars, qui intervient dans un environnement économique et international difficile", citant la "poursuite de la hausse du prix du pétrole et du cours de l'euro". C'est la première fois qu'un ministre établit un parallèle entre l'euro fort (ou autrefois le franc fort) et le taux de chômage. Un lien de causalité longtemps cantonné au discours des partisans d'une "autre politique", qui souhaitent rompre avec la priorité donnée depuis 1983 à la lutte contre l'inflation. Une pensée alternative à laquelle se sont successivement ralliés, le temps d'une campagne présidentielle, Jacques Chirac en 1995 et Nicolas Sarkozy en 2007, sur l'influence de son conseiller Henri Guaino.

Quoi qu'il en soit, le même jour que les chiffres du chômage a été publié le cinquième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (portant sur 2005). Selon cette étude, environ 1,7 million de personnes, soit 7% des travailleurs, occupe un emploi mais est malgré tout dans un ménage dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. "La baisse du chômage ne s'accompagne pas en même temps de la baisse de la pauvreté", a ainsi constaté à cette occasion Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville.

Reste à savoir quel sera l'impact de la libéralisation en cours du marché du travail, non seulement quantitativement (taux de chômage) mais aussi qualitativement (salaire, nature du contrat de travail).

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 02/05/2008 (article légèrement remanié)