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28 mai 2008

Vers l'abrogation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?

1767552050.jpgLes députés ont adopté mardi, contre l'avis du gouvernement, un amendement déposé par Marie-Jo Zimmermann et Claude Greff disposant que "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales".

 

 

Comme toujours, essayons de regarder précisément de quoi il s'agit.

Voici ce qu'écrivent les auteurs de l'amendement :

La décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2006 a censuré les dispositions relatives à l'accès des femmes aux conseils d'administration des entreprises ainsi qu'à divers organes représentatifs en leur sein, au motif que la portée de l’article 3 de la Constitution modifié par la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, était limité à ces mandats.

Il convient, en conséquence, de prévoir expressément dans la Constitution la possibilité d'assurer, par la loi, l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Cette modification est un préalable indispensable à l'adoption par le législateur de dispositions visant à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans le milieu professionnel où les discriminations selon le sexe sont toujours flagrantes.

 

 

Le seul hic c'est que l'égalité des femmes et des hommes est déjà un principe constitutionnel.

Tel qu'il est actuellement rédigé, le premier alinéa du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 se réfère "aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004".

L'article 1er de la Déclaration de 1789 proclame ainsi que "les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" et l'alinéa 3 du Préambule de la Constitution de 1946 précise que "la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme". L'article 1er de la Constitution réaffirme par ailleurs "l'égalité devant la loi de tous les citoyens" tandis que les discriminations fondées sur le sexe sont logiquement condamnées dans le code pénal.

 

Dès lors, de quoi s'agit-il vraiment avec cet amendement ? Il ne s'agit en fait pas d'assurer l'égalité des hommes et des femmes ("égal accès" au sens d'égalité des chances) mais de permettre l'adoption de quotas, c'est-à-dire d'imposer le respect de proportions prédéterminées de femmes et d'hommes dans les conseils d'administration, les comités d'entreprise, etc.

 

Si le gouvernement s'est opposé à la proposition de Marie-Jo Zimmermann et Claude Greff, ce n'est pas pour une question de fond mais juste pour une question d'opportunité. Le ministre de la justice, Rachida Dati, a en effet plaidé en vain pour le retrait "à défaut" de l'amendement "dans l'attente des conclusions" du comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, qui doit remettre son rapport au président de la République avant le 30 juin. Placé sous la présidence de Simone Veil, ce comité a pour mission de "s'interroger sur l'opportunité d'inscrire un certain nombre de droits et principes fondamentaux nouveaux dans le Préambule de notre Constitution", parmi lesquels l'extension des quotas par sexe au-delà des seuls mandats électoraux et fonctions électives.

Lors de son audition devant l'Observatoire de la parité (12 avril 2007), le candidat Nicolas Sarkozy s'était effectivement engagé à "étendre le principe de parité aux élections aux institutions représentatives du personnel dans les entreprises (sous la forme d'une proportionnalité avec le nombre de femmes présentes dans l’entreprise), aux élections prudhommales et dans les jurys de concours de la fonction publique". Afin de tenir sa promesse de campagne, le président de la République doit donc préalablement modifier la Constitution, comme cela avait été nécessaire en 1999 avant l'adoption des lois sur la parité (quotas égalitaires hommes-femmes) en politique.

 

Mais ce n'est pas qu'une décision du Conseil constitutionnel (en l'occurrencecelle du 16 mars 2006 sur la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes) que le gouvernement et les parlementaires contourneraient en décidant de maintenir cet amendement, c'est l'ensemble de la l'identité constitutionnelle de la France Républicaine.

Les concepts de "représentation équilibrée des femmes et des hommes" ou encore de diversité raciale sont en effet incompatibles avec l'universalisme républicain issu de la Révolution française, qui implique que tous les citoyens soient "également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents" (article 6 de la Déclaration de 1789). Une méritocratie républicaine qui s'oppose à toute définition différenciée des droits des citoyens en fonction du sexe ou de la couleur de la peau.

Alors, plutôt que de faire du bricolage institutionnel dans le dos du peuple (puisque la révision constitutionnelle ne sera pas soumise à référendum), que Nicolas Sarkozy et sa majorité assument : qu'ils abrogent la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 !

23 mai 2008

Les langues régionales s'invitent dans la Constitution

37218938.pngUn amendement au projet de révision constitutionnelle disposant que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France" a été adopté jeudi. Pour la première fois, les langues régionales font donc leur entrée dans la Constitution.

Dire que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France" est une réalité. Comme les monuments historiques ou la gastronomie française. Dès lors, pourquoi l'inscrire dans la Constitution ?

 

Soit c'est simplement pour faire joli.

 

Soit c'est pour contourner la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et du Conseil d'État.

Alors, regardons précisément à quoi s'oppose cette jurisprudence :

- à l'intégration des écoles Diwan (enseignement par immersion en breton) dans l’enseignement public (Conseil d'État, 2002). Or au nom de quoi des professeurs de l'école publique gratuite, laïque et obligatoire (financée par nos impôts) devraient-ils enseigner en dialectes bretons ? Autant est-il heureux que l'État propose l'enseignement optionnel des langues régionales (comme du latin et du grec), autant les fonctionnaires de l'éducation nationale n'ont pas à enseigner en langues régionales, dont l'utilisation relève de la sphère privée et non de la sphère publique.

- à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (Conseil Constitutionnel, 1999). Or cette charte est incompatible avec l'universalisme républicain, qui ne reconnaît que des citoyens égaux en droits et en devoirs (sans distinction d'origine, de sexe, d'orientation sexuelle, d'opinions politiques ou religieuses) et non des minorités ou communautés.

 

Depuis plusieurs années, cet universalisme républicain reçoit des coups de boutoir (lois sur la parité, irruption du thème de la diversité raciale en politique, etc.).

On a parfaitement le droit de vouloir remettre en cause le républicanisme hérité de la Révolution française (1789 mais aussi 1792 : victoire des Jacobins contre les Fédéralistes girondins). Mais, alors, qu'on l'assume pleinement, qu'on abroge le Préambule de la Constitution (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) et que l'on cesse de proclamer dans la Constitution des principes contradictoires (indivisibilité de la République et égalité des citoyens d'un côté, organisation décentralisée de la République, libre administration et droit à l'expérimentation des collectivités locales de l'autre).

Les amendements poposés par Noël Mamère (la France "se reconnaît comme plurielle et garante de la diversité qui la compose"), Camille de Rocca Serra et Marc Le Fur (la langue de la République est le français "dans le respect des langues régionales qui fondent sa diversité") avaient au moins le mérite d'être moins hypocrites.

Sauf à considérer que l'amendement adopté jeudi n'avait, finalement, pour objectif que de faire joli...

 

source de la carte : APLV

20 mai 2008

Député de ...la Nation

1762377723.jpgL'examen du projet de révision constitutionnelle débute aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Un des aspects rarement évoqué constitue pourtant une bombe juridique: "Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat", devrait disposer à l'avenir la Constitution. Dans l'exposé des motifs, on peut ainsi lire cette énormité: "Le projet de loi met également fin à une singularité qui voulait que les Français établis hors de France ne soient représentés qu'au Sénat; ils le seront aussi, en vertu de l'article 24 de la Constitution résultant de l'article 9 du projet, à l'Assemblée nationale".

Je tiens à rappeler aux députés qu'ils ne représentent pas (contrairement aux sénateurs) un territoire. Je suis ainsi choqué de voir la plupart des mes confrères (à commencer par France 3 et LCP-Assemblée nationale lors des retransmissions des questions au gouvernement) écrire "député des Hauts-de-Seine" ou "député de l'Isère". Car un député n'est pas député des Hauts-de-Seine, de l'Isère ou, demain, des Français de l'étranger. Il représente l'ensemble de la nation, quel que soit techniquement son territoire d'élection (qui n'est en outre pas le département, mais la circonscription législative).

À ce propos, un des meilleurs moyens de réaffirmer leur rôle consisterait à interdire strictement le cumul des mandats pour tout député, afin de bien signifier qu'il est élu pour représenter la nation, l'intérêt général, et non une circonscription, des intérêts particuliers. En écrivant dans la Constitution que "les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale", les parlementaires ne feraient, au contraire, qu'accentuer ce qui constitue déjà une dérive antirépublicaine. Surtout, il s'agirait des seuls députés qui ne représentent pas l'ensemble du peuple français mais seulement une fraction dudit peuple.

Enfin, je rappelle également qu'un Français établi à l'étranger peut être inscrit sur une liste électorale en France, et donc voter aux élections législatives par procuration. Nul besoin, donc, de dynamiter la République pour cela.