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23 mai 2008

Les langues régionales s'invitent dans la Constitution

37218938.pngUn amendement au projet de révision constitutionnelle disposant que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France" a été adopté jeudi. Pour la première fois, les langues régionales font donc leur entrée dans la Constitution.

Dire que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France" est une réalité. Comme les monuments historiques ou la gastronomie française. Dès lors, pourquoi l'inscrire dans la Constitution ?

 

Soit c'est simplement pour faire joli.

 

Soit c'est pour contourner la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et du Conseil d'État.

Alors, regardons précisément à quoi s'oppose cette jurisprudence :

- à l'intégration des écoles Diwan (enseignement par immersion en breton) dans l’enseignement public (Conseil d'État, 2002). Or au nom de quoi des professeurs de l'école publique gratuite, laïque et obligatoire (financée par nos impôts) devraient-ils enseigner en dialectes bretons ? Autant est-il heureux que l'État propose l'enseignement optionnel des langues régionales (comme du latin et du grec), autant les fonctionnaires de l'éducation nationale n'ont pas à enseigner en langues régionales, dont l'utilisation relève de la sphère privée et non de la sphère publique.

- à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (Conseil Constitutionnel, 1999). Or cette charte est incompatible avec l'universalisme républicain, qui ne reconnaît que des citoyens égaux en droits et en devoirs (sans distinction d'origine, de sexe, d'orientation sexuelle, d'opinions politiques ou religieuses) et non des minorités ou communautés.

 

Depuis plusieurs années, cet universalisme républicain reçoit des coups de boutoir (lois sur la parité, irruption du thème de la diversité raciale en politique, etc.).

On a parfaitement le droit de vouloir remettre en cause le républicanisme hérité de la Révolution française (1789 mais aussi 1792 : victoire des Jacobins contre les Fédéralistes girondins). Mais, alors, qu'on l'assume pleinement, qu'on abroge le Préambule de la Constitution (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) et que l'on cesse de proclamer dans la Constitution des principes contradictoires (indivisibilité de la République et égalité des citoyens d'un côté, organisation décentralisée de la République, libre administration et droit à l'expérimentation des collectivités locales de l'autre).

Les amendements poposés par Noël Mamère (la France "se reconnaît comme plurielle et garante de la diversité qui la compose"), Camille de Rocca Serra et Marc Le Fur (la langue de la République est le français "dans le respect des langues régionales qui fondent sa diversité") avaient au moins le mérite d'être moins hypocrites.

Sauf à considérer que l'amendement adopté jeudi n'avait, finalement, pour objectif que de faire joli...

 

source de la carte : APLV

20 mai 2008

Député de ...la Nation

1762377723.jpgL'examen du projet de révision constitutionnelle débute aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Un des aspects rarement évoqué constitue pourtant une bombe juridique: "Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat", devrait disposer à l'avenir la Constitution. Dans l'exposé des motifs, on peut ainsi lire cette énormité: "Le projet de loi met également fin à une singularité qui voulait que les Français établis hors de France ne soient représentés qu'au Sénat; ils le seront aussi, en vertu de l'article 24 de la Constitution résultant de l'article 9 du projet, à l'Assemblée nationale".

Je tiens à rappeler aux députés qu'ils ne représentent pas (contrairement aux sénateurs) un territoire. Je suis ainsi choqué de voir la plupart des mes confrères (à commencer par France 3 et LCP-Assemblée nationale lors des retransmissions des questions au gouvernement) écrire "député des Hauts-de-Seine" ou "député de l'Isère". Car un député n'est pas député des Hauts-de-Seine, de l'Isère ou, demain, des Français de l'étranger. Il représente l'ensemble de la nation, quel que soit techniquement son territoire d'élection (qui n'est en outre pas le département, mais la circonscription législative).

À ce propos, un des meilleurs moyens de réaffirmer leur rôle consisterait à interdire strictement le cumul des mandats pour tout député, afin de bien signifier qu'il est élu pour représenter la nation, l'intérêt général, et non une circonscription, des intérêts particuliers. En écrivant dans la Constitution que "les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale", les parlementaires ne feraient, au contraire, qu'accentuer ce qui constitue déjà une dérive antirépublicaine. Surtout, il s'agirait des seuls députés qui ne représentent pas l'ensemble du peuple français mais seulement une fraction dudit peuple.

Enfin, je rappelle également qu'un Français établi à l'étranger peut être inscrit sur une liste électorale en France, et donc voter aux élections législatives par procuration. Nul besoin, donc, de dynamiter la République pour cela.

19 mai 2008

"Règle d'or" ou "plaquée or" ?

886694002.jpgPar voie d'amendement soutenu par le Nouveau Centre et une partie de l'UMP (Gilles Carrez, Étienne Blanc, Yves Bur, Frédéric Lefebvre), l'orthodoxie financière pourrait faire son entrée dans la Constitution française. Devrait ainsi être introduit dans le texte fondamental l'obligation de voter "des lois de programmation" définissant "les orientations pluriannuelles des finances publiques" et s'inscrivant "dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques" (État, collectivité locales, Sécurité sociale).

 

Pour les libéraux, ce serait trop peu. Nous serions en effet encore loin de la "règle d'or" budgétaire interdisant à tout gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement. C'est pourtant cette idée qui était présente dans le programme présidentiel de François Bayrou ("hors période de récession", précisait toutefois prudemment le candidat), avant d'être reprise dans une proposition de loi constitutionnelle du Nouveau Centre.

Mais Français Bayrou et ses (ex-)amis n'en ont pas le monopole. "Je ferai en sorte qu'à l'avenir il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette", avait promis le candidat Nicolas Sarkozy. Tandis que le projet de l'UMP, engageant donc tous les députés élus sous cette étiquette, prévoyait également d'"inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la « règle d’or » selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement".

 

Pour les antilibéraux, en revanche, ce serait déjà trop. Car cela reviendrait - reproche déjà opéré à feu le projet de Constitution européenne - à figer dans le marbre constitutionnel une orientation économique, devant ressortir du verdict des urnes et non d'une obligation absolue : en démocratie, la Constitution est là pour fixer un cadre commun large, au sein duquel s'expriment les choix librement opérés par les citoyens lors des élections nationales.