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02 avril 2007

Souverainisme pluriel

Éclairage

 

medium_mariannedrap.gif"Je transférerai les pouvoirs législatifs de la Commission de Bruxelles à Paris", a promis, samedi, Philippe de Villiers, candidat à la présidence de la République. "Une nouvelle Europe (...) qui corrige les dérives fédéralistes de l'actuelle Union européenne", a préconsié, le même jour, Nicolas Dupont-Aignan, qui, lui, n'a pas obtenu les 500 parrainages et a décidé de ne pas donner de consigne de vote au premier tour. Cette convergence explique qu'une même étiquette "souverainiste" soit accolée aux deux hommes.

Le souverainisme a pour origine le combat pour l'indépendance du Québec, province du Canada. Il se veut un rassemblement au-dessus de la droite et de la gauche, avec pour seul programme la reconquête de la souveraineté, les uns et les autres retournant à droite et à gauche une fois cette souveraineté recouvrée. Cette conception, qui est celle des souverainistes québécois, n'a jamais fonctionné en France où les divisions - notamment sur les questions économiques et sociales - l'ont toujours emporté sur la défense commune de la souveraineté.

Philippe de Villiers est un national-libéral, c'est-à-dire qu'il est à la fois libéral à l'intérieur et protectionniste à l'extérieur. Tandis que Nicolas Dupont-Aignan appartient au courant national-républicain, au sein duquel convergent des gaullistes, comme lui, et des jacobins attachés à la "République indivisible, laïque, démocratique et sociale", à l'exemple des anciens chevènementistes de l'association Vive la République.

Nicolas Dupont-Aignan a ainsi voté en 2004 pour la loi relative à l'application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics; Philippe de Villiers, à l'inverse, a voté contre. Autre exemple : Nicolas Dupont-Aignan s'est opposé au contrat première embauche (CPE), alors que Philippe de Villiers a dénoncé la "reculade" du gouvernement et de l'UMP sur cette tentative de libéralisation ciblée du code du travail.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 02/04/2007

11 décembre 2006

ralliement et débat artificiels

À gauche : Jean-Pierre Chevènement a rallié, dimanche, la candidature de Ségolène Royal, avec laquelle il est pourtant en profond désaccord. Les électeurs  "républicains de gauche" n'ont plus de candidat qui porte leurs idées !

 

À droite : Michèle Alliot-Marie n'a pas (encore) rallié la candidature de Nicolas Sarkozy, vis-à-vis duquel elle n'est pourtant pas parvenue à se démarquer lors du premier "forum" de l'UMP, samedi. De fait, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy ont, dans le passé, toujours opéré les mêmes choix politiques (Maastricht en 1992, Balladur en 1995, Constitution européenne en 2005). Finalement, le seul débat intéressant au sein de l'UMP serait celui entre le libéral Nicolas Sarkozy et le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan...

15 novembre 2006

Que reste-t-il du gaullisme ?

Voilà longtemps que De Gaulle n’avait pas été aussi souvent évoqué, voire invoqué, à l’Assemblée nationale ! L’actuel projet de loi sur le secteur de l’énergie a en effet donné lieu à de vifs échanges autour du gaullisme. Plus de trente-cinq ans après son décès, « l’ombre du général de Gaulle », pour reprendre une expression utilisée par plusieurs députés, hante toujours l’hémicycle. Et brouille les clivages partisans. Car, outre quelques individualités de l’UMP comme Nicolas Dupont-Aignan, c’est la gauche socialiste et communiste qui s’est le plus réclamée de l’héritage de Charles de Gaulle pour s’opposer à la privatisation de Gaz de France.

Au-delà des polémiques partisanes, que reste-t-il, dans la France du XXIe siècle, de la pensée et de l’action du grand homme né au XIXe siècle ?

 

1. La continuité la plus évidente entre De Gaulle et ses successeurs semble concerner les institutions, puisque la république qu’il a fondée en 1958 est toujours en place. Les révisions de la Constitution et la pratique montrent toutefois des ruptures par rapport aux vues exposées par son fondateur. Dès l’adoption du quinquennat, le 24 septembre 2000, le professeur de science politique Robert Ponceyri rappelait ainsi « l’attachement indéfectible et conséquent du Général au septennat », affirmant que ce changement constitue « non pas un tournant dans l’histoire de la Ve République, comme cela avait pu être le cas de la dissolution ratée de 1997, mais bien la fin de la “République gaullienne” » (1).

Autre rupture, justement : la pratique gaulliste d’une responsabilité politique du chef de l’État devant le peuple. Les pages du site de la Fondation Charles de Gaulle consacrées aux institutions insistent en effet sur le « souci constant » du Général de « conserver » ce qu’il avait appelé, dans son allocution du 20 septembre 1962, « la confiance explicite de la nation ». De la parole aux actes, il démissionna de la présidence de la République le lendemain d’un référendum négatif (27 avril 1969). Ce que refusa en revanche de faire Jacques Chirac après la victoire de la gauche aux élections législatives qu’il avait pourtant provoquées.

 

2. Il est un autre domaine où le fil gaulliste semble par contre ne pas s’être rompu : la place de la France dans le monde. La position de Jacques Chirac contre l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, se situait dans la continuité d’une France gaulliste alliée mais indépendante des États-Unis. « À son retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle estimait que la France devait retrouver son indépendance, raconte la Fondation Charles-de-Gaulle. Il décida de dégager la France de l’intégration réalisée par l’Otan sous commandement américain. »

Même si, depuis le 5 décembre 1995, la France a réintégré le conseil des ministres et le comité militaire de l’Otan, elle n’en est pas pour autant devenue atlantiste. Rares sont en effet les présidentiables qui critiquent rétrospectivement, à l’image de Nicolas Sarkozy à droite ou de Dominique Strauss-Kahn à gauche (2), l’éventualité d’utiliser contre les États-Unis le droit de veto de la France au Conseil de sécurité de l’ONU.

 

3. Reste un autre sujet de politique étrangère sur lequel les héritiers du Général ne cessent de se disputer : la construction européenne. Il ressort des travaux de la Fondation Charles-de-Gaulle que l’Europe gaulliste est, d’une part « une “Europe des États” excluant toute supranationalité », et d’autre part « une “Europe européenne”, c’est-à-dire libre, indépendante à l’égard des superpuissances, et plus spécialement des États-Unis ».

Ces deux aspects souffrent aujourd’hui d’interprétations contradictoires parmi ceux qui se réclament du gaullisme . Les uns s’opposant à l’actuelle construction européenne en ce qu’elle porte atteinte aux souverainetés nationales (Nicolas Dupont-Aignan). Les autres estimant qu’il s’agit de délégations et non d’abandons de souveraineté (Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Debré).

En ce qui concerne la relation atlantique, c’est le socialiste Jacques Delors qui a le plus clairement exposé l’impasse européenne du gaullisme : « Si l’on souhaite véritablement une politique étrangère européenne, on doit tenir compte du fait que la plupart des gouvernements sont à la fois européens et atlantistes (…). Si la France exclut les pays atlantistes, avec qui fera-t-elle l’Europe politique ? » (3). La conception de Charles de Gaulle d’une « Europe européenne » indépendante des États-Unis explique en effet à la fois l’opposition des gaullistes à la Communauté européenne de défense (1954) puis celle des autres États européens au projet gaulliste d’Europe politique (plan Fouchet de 1962).

 

4. Enfin, l’interprétation de la politique économique et sociale gaulliste demeure également controversée. Les nationalisations et la création du Plan, par De Gaulle, à la Libération, relèvent-elles d’une pensée dirigiste ou des seules circonstances de la reconstruction ? Dans le premier cas, le néolibéralisme qui domine à droite comme à gauche depuis 1983 signifierait que, sur les questions économiques, le gaullisme ne constitue plus une référence. Dans le deuxième cas, libre à chacun de choisir, en fonction de son analyse ou de ses convictions, quel type de politique économique imposent les circonstances actuelles.

Il est toutefois une thématique sur laquelle le général de Gaulle est plus précis : l’association capital-travail ou participation, « troisième voie entre capitalisme et communisme ». Même si, comme le souligne la Fondation Charles-de-Gaulle, « sa réalisation reste inachevée ». La participation financière est le volet le plus connu de la participation (ordonnances de 1959 et 1967 sur l’« intéressement » et la « participation »). La participation aux responsabilités est, en revanche, peu développée. Elle n’existe qu’à travers les comités d’entreprise (ordonnance du 22 février 1945), renforcés par la gauche en 1982 avec les lois Auroux.

Cette convergence entre gaullisme et socialisme d’inspiration autogestionnaire s’explique par une double origine doctrinale commune : d’une part le socialisme associationniste du XIXe siècle, non marxiste, et d’autre part le christianisme social.

Dans l’esprit de Charles de Gaulle et de la poignée de gaullistes « de gauche », les salariés doivent participer aux responsabilités en tant que tels. Mais les gaullistes « de droite », dans la lignée de Georges Pompidou, n’envisagent, eux, la participation aux responsabilités qu’au travers du développement de l’actionnariat salarié (lois de 1970 et 1973, ordonnance de 1986).

Tel est l’objet d’un projet de loi actuellement débattu au Parlement. Débats durant lesquels les surenchères au gaullisme se sont multipliées, aussi bien sur les bancs de l’UMP (Patrick Ollier, Jean-Michel Dubernard) que sur ceux du PS (Michel Charzat) ou du PCF (Maxime Gremetz). De Gaulle lui-même ne disait-il pas que « tout le monde a été, est ou sera gaulliste » ?

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 11/11/2006

 

(1) Revue politique et parlementaire, septembre-octobre 2000.
(2) Pour Nicolas Sarkozy : entretien dans Le Monde du 10 septembre 2006 et discours à Washington le 12 septembre 2006 ; pour Dominique Strauss-Kahn : entretien dans la revue Le Meilleur des Mondes, automne 2006.
(3) Le Point, 22 janvier 2004

 

19 octobre 2006

livre Chirac

Brève revue des livres récemment publiés sur Jacques Chirac :

 

La tragédie du Président, de Franz-Olivier Giesbert (Flammarion)

Dans ce récit truffé d’anecdotes des années Chirac, le citoyen-lecteur se laisse avec bonheur entraîner dans les coulisses du pouvoir.

 

 

Le gâchis, de Robert Schneider (Bourin Éditeur)

La thèse de Robert Schneider est sévère : Jacques Chirac "n’avait pas la stature" d’être un homme d’État. Un Chirac dépeint comme clientéliste et dénué de conviction de fond, qui a "empêché la droite française de se convertir franchement au libéralisme".

 

 

Accusé Chirac, levez-vous !, de Denis Jeambar (Seuil)

Tout y passe dans ce réquisitoire politique, Denis Jeambar reprochant à Jacques Chirac de ne pas avoir libéralisé une France "prisonnière d’un État providence né de la Seconde Guerre mondiale" ou encore de s’être opposé aux États-Unis sur l’Irak : "Lorsqu’on appartient au même camp, il est des rendez-vous entre alliés qu’on ne manque pas. Chirac a raté celui de Bagdad."

 

 

Jacques Le Petit, de Laurent Mauduit (Stock)

Cet essai est plus une critique des institutions gaullistes que de Jacques Chirac. "Au-delà de l’homme, c’est d’abord et surtout le système qu’il incarne qui est, ici, en cause", reconnaît ainsi Laurent Mauduit en regrettant que "le virus du bonapartisme" ait "contaminé largement la gauche française".

 

 

L’irresponsable, d’Hervé Gattegno (Stock)

Pour Hervé Gattegno, il existe une "exception chiraquienne". Celle d’un président de la République qui "plus qu’aucun de ses devanciers (…) a usé des moyens de la présidence de la République pour préserver son pouvoir et sa personne".

 

 

Chirac et les 40 menteurs..., de Jean Montaldo (Albin Michel)

Avec son style polémique, Jean Montaldo nous fait part de sa déception : il avait vu en Jacques Chirac "le possible sauveur" après les années Mitterrand. Or, "aujourd’hui, rien n’a changé et – pire encore ! – tout s’est aggravé".