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09 février 2011

Manifeste pour une écologie antirépublicaine

Le 27 janvier dernier a été publié dans Libération un "Manifeste pour une écologie de la diversité", cosigné par Esther Benbassa (directrice d'études à l'EPHE-Sorbonne), Noël Mamère (député) et Eva Joly (parlementaire européen).

La lecture m'avait immédiatement suscité cette réaction sur Twitter: "Eva Joly - Les Identitaires: même anti-républicanisme, même confusion nature/culture".

 

Que dit cette tribune? Qu'il faut "sauver et la laïcité et la République, à condition qu'elles soient revisitées":

  • "Une laïcité raisonnée qui reconnaisse la part de l'appartenance ethnique, culturelle, religieuse, linguistique".
  • "Une République équilibrée en harmonie avec la mixité réelle", la société devant être "le creuset naturel d'une diversité positive, à savoir d'une véritable mixité sociale et culturelle".

 

En fait, à force de revisiter la République, il n'en reste plus rien. Les auteurs cachent d'ailleurs à peine leur dessein antirépublicain lorsqu'ils dénoncent le "piège où la laïcité et les valeurs de la République se confondent avec ces dérives que sont le laïcisme et le républicanisme". Concrètement, il s'agit pour eux de remplacer la définition individualiste et universaliste de la citoyenneté (sans distinction d'origine, de race ou de religion) par une approche holiste et communautariste (selon les appartenances ethnique, culturelle, religieuse, linguistique). "Intégration, assimilation sont des mouvements venus d'en haut, autoritaires, ne prenant pas en considération les réalités humaines, et les dénigrant sous l'étiquette commode de ‘communautarisme’", écrivent ainsi les membres d'Europe écologie – Les Verts (sans oublier, au passage, d'agiter à trois reprises l'épouvantail du nationalisme).

À l'appartenance considérée comme artificielle à la communauté politique nationale est donc substituée une appartenance naturelle (conforme à sa nature essentielle) à des communautés. Parmi les communautés reconnues au sein de cette société multiculturelle figure la communauté religieuse. D'où une rupture avec la loi de 1905, qui dispose que "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte", c'est-à-dire avec la laïcité (comme du reste à chaque fois qu'on lui accole un adjectif: "laïcité positive", "laïcité ouverte", etc.).

Un tel essentialisme anti-républicain est également présent dans un courant d'extrême droite, la Nouvelle Droite. Théorisé par Alain de Benoist, ce courant affirme le droit à la différence à travers le concept d'"ethno-différentialisme" ou d'"ethno-pluralisme". Ce qui se traduit par "une réflexion critique sur les défauts d'un modèle français d'inspiration jacobine qui ne sait ‘intégrer’ que les individus et leur propose immanquablement de renoncer à leurs racines pour s'assimiler" (Alain de Benoist, "Citoyenneté, nationalité, intégration", Éléments, numéro 77, avril 1993). La Nouvelle Droite a directement inspiré sur ce point le corpus idéologique de la mouvance "identitaire".

En ce qui concerne l'écologie, voici ce qu'écrivait Alain de Benoist: "Quant à la biodiversité, dont il est beaucoup question aujourd'hui (le terme n'est apparu qu'en 1986), il est important de bien faire comprendre qu'elle doit s'exercer à tous les niveaux: écosystèmes, espèces, cultures, gènes (…) L'existence de cultures et de peuples différenciés est elle-même indissociable de l'avenir de l'humanité, tout simplement parce qu'il n'y a pas d'appartenance ‘immédiate' à l'humanité: tout être humain, parce qu'il est un animal social, n'appartient à l'humanité que de façon médiate, au travers de son appartenance première à une culture ou une société donnée. Le maintien de la biodiversité implique donc une pensée de la différence et de l'altérité" (Fare Verde, mars-avril 2002).

Or, la tribune d'Esther Benbassa, Noël Mamère et Eva Joly est jalonnée d'un naturalisme anti-humaniste (application des lois de la nature aux sociétés humaines) qui rappelle de façon troublante la Nouvelle Droite:

  • "Lorsque le nombre d’espèces diminue dans la nature, les maladies infectieuses, elles, se multiplient. Et pour les endiguer, des efforts doivent être déployés afin de préserver les écosystèmes naturels et leur variété. Qu'on nous pardonne le rapprochement, mais une société monoethnique (il n'en existe heureusement pas beaucoup) est une société condamnée".
  • "Si les monocultures appauvrissent les sols, elles assèchent aussi les nations".
  • "Le refus de l'altérité et l'aspiration à l'‘authenticité nationale’ asphyxient la nation elle-même, comme certains produits toxiques notre atmosphère et nos sols".

Eva Joly, Alain de Benoist: même combat?

12 mars 2010

Élections régionales : les enjeux pour Europe - Écologie

Daniel Cohn-Bendit espère bien avec Europe - Écologie réussir là où Antoine Waechter puis Dominique Voynet ont échoué avec les Verts : inscrire durablement l'écologie dans le paysage politique. Longtemps habitués aux succès électoraux sans lendemain (européennes de 1989 et 1999, régionales de 1992), les écologistes entendent cette fois confirmer leur succès des élections européennes de 2009 : 16,28%, avec seulement 30 000 voix de moins que le PS (16,48%).

Un grand bond par rapport aux scores cumulés de Dominique Voynet et José Bové à la présidentielle de 2007 (2,89%). Surtout, Europe - Écologie était arrivé en tête de la gauche dans plusieurs régions : Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace, Pays de la Loire, etc. Cet exploit semble de nouveau à la portée des écologistes en Alsace – où ils talonnent le PS dans les sondages –, voire en Rhône-Alpes. Une victoire leur permettrait de diriger un exécutif régional, ce qui n'était arrivé aux Verts que de 1992 à 1998 dans le Nord-Pas-de-Calais.

Région par région, de l'écart avec le PS dépendra la capacité des écologistes à peser sur l'orientation idéologique de la gauche, puis des éventuelles majorités régionales. Europe - Écologie a d'ailleurs commencé à faire monter les enchères dans la perspective des négociations toujours délicates de l'entre deux tours...

 

Laurent de Boissieu
© La Croix, 12/03/2010

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22 septembre 2009

L'écologie fait son chemin au MoDem

orangeverte.jpgLe MoDem de François Bayrou est-il la deuxième formation écologiste française, après Les Verts ? La question, qui serait apparue hier incongrue pour l'UDF, semble aujourd'hui de plus en plus légitime pour le MoDem.

Outre l'UDF, encore majoritaire à sa direction (avec trois vice-présidents sur six et deux tiers des membres du bureau exécutif), le MoDem compte statutairement un second mouvement fondateur : Citoyenneté Action Participation pour le XXIe siècle (Cap 21), parti écologiste créé par l'ancienne ministre de l'environnement Corinne Lepage. "Je suis venue au MoDem avec une offre écologique identifiée, une tonalité politique différente de celle de l'UDF", insiste l'intéressée. Vice-présidente du MoDem, Corinne Lepage siège notamment aux côtés de Jean-Luc Bennahmias, ancien secrétaire national des Verts (1997-2001), tandis qu'un autre ancien secrétaire national des Verts, Yann Wehrling (2005-2006), est entré le 6 septembre dernier au bureau exécutif.

Reste à savoir dans quelle mesure ces touches vertes au sein du parti orange pèsent sur son orientation. "Notre arrivée a été décisive : avec nous, le MoDem est au niveau sur tous les sujets qui touchent au développement durable", se félicite Jean-Luc Bennahmias. "Le MoDem ne porte pas encore le projet de développement durable que je souhaiterais, nuance Corinne Lepage. C'est l'enjeu du prochain congrès programmatique", début décembre. Seul invité politique extérieur présent à son université de rentrée, le député des Verts François de Rugy estime aussi que "sur l'écologie les positions du MoDem restent à préciser". Tout en constatant avec satisfaction que, dans sa région, "par rapport à l'UDF, sous l'influence des gens de Cap 21, les élus MoDem ont cheminé vers Les Verts, par exemple contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique)".

"C'est une question de culture, analyse Corinne Lepage. François Bayrou n'a pas encore renversé sa pensée au point de commencer par le sujet de la finitude des ressources, dont tout le reste découle". Il n'empêche, les penseurs Denis de Rougemont (1906-1985), Bernard Charbonneau (1910-1996) (1) ou Jacques Ellul (1912-1994), auquel se réfère explicitement l'ancien candidat à l'élection présidentielle, établissent des ponts intellectuels entre le personnalisme chrétien et l'écologie politique, y compris dans sa version radicale prônant la décroissance. Ce qui se traduit concrètement par des combats communs, à commencer par le fédéralisme. Aux dernières européennes, les deux électorats les plus proeuropéens furent ainsi à égalité ceux du MoDem et d'Europe - Écologie, avec 89% des électeurs "attachés" à la construction européenne (2). Et, si François Bayrou apparaît moins radicalement régionaliste que Les Verts, alliés traditionnel des partis de la fédération "Régions et Peuples Solidaires", il plaide depuis longtemps en faveur de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Deux des trois députés MoDem, François Bayrou et Jean Lassalle, ont en outre été imprégnés dans leur jeunesse de la philosophie de Lanza del Vasto (1901-1981), disciple de Gandhi et fondateur des communautés de l'Arche, qui participa aux actions non-violentes contre l'extension du camp militaire du Larzac.

Ces convergences n'excluent bien entendu pas des divergences. Fils et frère de berger, Jean Lassalle, président de l'Association des populations des montagnes du monde, s'oppose ainsi à la réintroduction des grands prédateurs – ours et loups – dans ses Pyrénées. François Bayrou a par ailleurs profité de l'université de rentrée de son parti pour bien marquer sa différence avec le député des Verts Yves Cochet, en indiquant qu'il n'était "pas un malthusien partisan de la décroissance". Demeure également la question du nucléaire, qui a historiquement servi de catalyseur du mouvement écologiste en France. "Le débat n'est pas tranché au MoDem", affirme Jean-Luc Bennahmias. "Sur les OGM ou sur le nucléaire je perçois des changements notables dans le discours de François Bayrou depuis que je l'ai rejoint, poursuit Corinne Lepage. Nos discussions finissent par porter des fruits car, il y a deux ans, il n'aurait jamais déclaré que la taxe carbone était un coup de pouce au lobby nucléaire ou qu'il était faux de dire que l'électricité n'est pas émettrice de gaz à effet de serre". Décryptage de Jean-Luc Bennahmias : "Les racines terriennes de François Bayrou font qu'il était plus facile à former à l'écologie qu'un urbain".

Enfin, si certains Verts, comme François de Rugy ou Daniel Cohn-Bendit (pour qui "la page [de son altercation avec François Bayrou] a été tournée assez rapidement"), ont ouvert un dialogue avec le MoDem, d'autres y sont fermement hostiles (Yves Contassot, Francine Bavay). Le positionnement des deux partis sur l'axe droite-gauche n'est effectivement pas le même. Les électeurs d'Europe - Écologie trouvaient ainsi majoritairement que le PS n'était "pas assez à gauche" (58%), un sentiment en revanche minoritaire chez ceux du MoDem (28%). "Europe - Écologie a beaucoup recentré les Verts, dont une partie est d'extrême gauche", corrige Corinne Lepage, chantre d'une "écolonomie sociale de marché". De fait, aux élections européennes, 20% des électeurs de François Bayrou à la présidentielle ont préféré les listes Europe - Écologie à celles du MoDem (2). Et, à l'université de rentrée de ce dernier parti, l'idée d'une alliance entre l'orange et le vert semblait progressivement faire son chemin dans l'esprit des militants.

 

Laurent de Boissieu

(version raccourcie publiée dans  La Croix, 22/09/2009)

 

(1) Bernard Charbonneau est l'auteur de la formule "On ne peut poursuivre un développement infini dans un monde fini".

(2) Sondage TNS Sofres réalisé le 7 juin auprès d'un échantillon national représentatif de 2 000 personnes.

16 juillet 2008

Comme un parfum de IIIe et de IVe République...

Nicolas Sarkozy a proposé aujourd'hui, à la surprise générale, d'abaisser de vingt à quinze députés (2,6% des 577 députés) le seuil de constitution d'un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Au Sénat, ce seuil est déjà de quinze sénateurs (4,5% des 331 sénateurs).

Demandée l'année dernière, après les élections législatives, par le PCF et le PRG, mais refusée par l'UMP et le PS, cette réforme permettrait à l'opposition de disposer d'un groupe politique supplémentaire. Avec, d'un côté, la reconstitution d'un groupe de députés communistes et apparentés (entre dix-sept et dix-neuf élus). Et, de l'autre, la création d'un groupe associant le PRG (huit députés), Les Verts (quatre députés) et des divers gauche (entre quinze et dix-huit élus au total pour ce groupe technique). Voire, pourquoi pas !, le MoDem (trois députés).

Avec cette proposition, Nicolas Sarkozy espère donc convaincre une partie des dix-huit parlementaires de gauche (quatorze PRG et quatre divers gauche) qui se sont abstenus en première lecture de voter au Congrès en faveur du projet de loi constitutionnelle.

Enfin, cette réforme permettrait également, à droite cette fois, au Parti Radical dit "valoisien" (dix-neuf députés), associé à l'UMP, de former s'il le souhaite son propre groupe.

Permettant ainsi éventuellement aux radicaux de diriger deux groupes parlementaires, ce qui ne leur était pas arrivé depuis la dernière législature de la IVe République (1956-1958). Il plane décidément comme un parfum de IIIe République et de IVe République dans ces tractations destinées à réunir les trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès...

12 mars 2008

Les Verts, entre autonomie et alliance avec le PS

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Les Verts pouvaient se maintenir dans 9 villes de plus de 30 000 habitants. Ville par ville, la stratégie adoptée localement par les Verts :

 

- 5 villes où Les Verts maintiennent leur liste : Montpellier, Grenoble*, Montreuil**, Roubaix, Villejuif

 

- 4 villes où Les Verts fusionnent avec la liste de gauche : Lille, Paris, Quimper, Valence

 

* liste Les Verts, Les Alternatifs et ADES
** face à une tête de liste de gauche apparentée PCF, droite et centre non qualifiés pour le second tour

 

Enfin, fusion avec la liste de gauche dans les villes où le MoDem Les Verts a ont obtenu entre 5 et 10% au premier tour : Strasbourg, Tours, Angoulême, Châtillon...

11 mars 2008

Pourquoi les municipales ne réussissent-elles pas aux Verts ?

Le bilan du premier tour

3/4: Les Verts

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Faute de villes, les Verts misent sur davantage de conseillers municipaux. Si Noël Mamère a été élu maire de Bègles (Gironde) dès le premier tour (56,62 %), il restera un des seuls maires écologiste d'une municipalité de plus de 20 000 habitants. Autre chance de réélection, celle de Jacques Boutault dans le 2e arrondissement de Paris. Arrivé, certes, derrière la liste PS (33,12 %), mais avec un score inattendu (29,93 %), Bertrand Delanoë a indiqué hier qu'il devrait proposer en cas de victoire de la gauche de reconduire le seul maire d'arrondissement de Paris issu des Verts. Sur l'ensemble de la capitale, Les Verts n'obtiennent toutefois que 6,78 %, contre 12,35 % en 2001, et sont devancés par le MoDem (9,06 %).

Mais, chez les Verts, tous les regards se tournent maintenant vers Montreuil, en Seine-Saint-Denis. L'élimination de la droite laissant le maire sortant apparenté PCF, Jean-Pierre Brard (39,42 %), seul face à Dominique Voynet (32,47 %). Or, l'ancienne candidate des Verts à l'élection présidentielle présente a priori un profile plus à même d'attirer l'électorat de droite. Sans compter qu'elle correspond mieux à la nouvelle sociologie de cette ville de l'ancienne "ceinture rouge" de Paris, de moins en moins populaire et de plus en plus "bourgeois bohèmes".

Enfin, dans les autres grandes municipalités où ils avaient conduit au premier tour une liste autonome, les Verts ne dépassent 10 % des suffrages exprimés qu'à Valence (19,46 %), Quimper (16,80 %), Grenoble (15,57 % alliés à l'extrême gauche "rouge et verte"), Roubaix (13,67 %), Lille (11,58 %) et Montpellier (11,12 %). Des scores qui leur permettent de peser sur le tour décisif mais pas d'emporter une mairie. Comme pour les élections législatives, et contrairement au PCF, Les Verts ne disposent en effet pas d'une implantation électorale suffisamment forte pour gagner sous leurs propres couleurs une élection municipale. Ils doivent donc se contenter du rôle de force d'appoint, parfois décisive, du PS.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 11/03/2008