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30 mars 2011

Typologie des positions sur la laïcité

Petite note repère des positions sur la laïcité:

 

1. Les anticléricaux:

La laïcité est pour eux une arme contre les religions. Ils refusent toute présence religieuse dans l'espace public et révisent l'histoire de France en niant son apport judéo-chrétien.

Exemple: Alternative Libertaire.

 

2. Les défenseurs de la laïcité:

Ils défendent la séparation des Églises et de l'État ainsi que la neutralité de l'État et sont donc contre le financement public de la construction des lieux de culte (loi de 1905).

Exemple: MRC, PRG et Parti radical "valoisien".

 

3. Les promoteurs hypocrites de la "laïcité positive":

Ils promeuvent un financement public de la construction des lieux de culte, sans modifier la loi de 1905 mais en la contournant.

Exemple: Jean-François Copé (UMP), Jean Glavany (PS) et ses "accommodements raisonnables".

 

4. Les promoteurs assumés de la "laïcité positive":

Ils promeuvent un financement public de la construction des lieux de culte via une remise en cause de la neutralité de l'État (modification de la loi de 1905).

Exemple: Nicolas Sarkozy (UMP) en 2005.

 

5. Les islamophobes:

La laïcité est pour eux une arme contre le seul Islam.

Exemple: Marine Le Pen (FN).

 

6. Les cléricaux:

Ils sont contre la séparation des Églises et de l'État.

Exemples: partis théocratiques (inexistants en France).

16 mars 2011

Défendre la République, c'est décontaminer la pensée FN?

Ancien membre de la Fondation Marc-Bloch, je me suis senti, à mon très modeste niveau, visé par l'article publié dans Le Nouvel Observateur du 10 mars sous la plume d'Ariane Chemin ("Ils décontaminent la pensée FN" 1 2). J'ai préféré laisser la parole aux principaux intéressés (étudiant, je n'étais qu'un adhérent de base de la Fondation). Je vous invite donc à lire la réponse de Philippe Cohen (Le Pen, le Nouvel Obs et Marianne: une leçon d'histoire) et d'Élisabeth Lévy (C'est moi, la peste brune?), ainsi que celle du toujours excellent Jean-Paul Brighelli ("Je fais, tu fais, nous faisons le jeu du FN...").

Il m'a finalement paru utile de livrer au débat mes propres petites mises au point.

 

1. Ma consœur cite dans la famille des "républicains des deux rives" Philippe Séguin, Charles Pasqua, Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers. Or, ce dernier n'en fait pas partie: cet ancien membre de la composante libérale de l'UDF est un national-libéral et non un national-républicain. L'alliance, ou pas, avec Philippe de Villiers, a d'ailleurs toujours été un sujet de débats entre partisans d'une ligne strictement nationale-républicaine et partisans d'un rassemblement souverainiste (donc ouvert aux souverainistes non républicains); je me contenterai de rappeler quelques épisodes de ce débat récurrent:

- la préparation de la liste de Charles Pasqua aux élections européennes de 1999, qui devait originellement être ouverte à la gauche républicaine (Jean-Pierre Chevènement, Max Gallo, Régis Debray).

- les débats internes au Rassemblement pour la France (RPF) lors de la rédaction de la charte du parti (au passage, la ligne de clivage ne passait pas entre pasquaïens et villiéristes mais à l'intérieur des pasquaïens, entre une aile droite - Jean-Jacques Rosa, Pierre Monzani et Jean-Charles Marchiani - et une aile gauche - Paul-Marie Coûteaux, William Abitbol et Jean-Christophe Comor).

- la candidature de Jean-Pierre Chevènement à l'élection présidentielle de 2002, avec la tentative de Paul-Marie Coûteaux de rapprocher Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers.

 

2. Ma consœur écrit que "Jean-Pierre Chevènement porte sur ses épaules la défaite de Lionel Jospin" à l'élection présidentielle de 2002. Comme j'ai déjà eu maintes fois l'occasion de l'écrire, ce n'est absolument pas mon analyse: la défaite de Lionel Jospin est bien plus politique (l'électorat populaire se détournant d'un PS rallié à l'Europe néolibérale depuis le milieu des années quatre-vingts) que mécanique (multiplication des candidatures "à gauche"). "Lorsque le Sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt"...

De fait, le populisme d'extrême droite progresse en Europe davantage au détriment d'une gauche sociale-démocrate convertie au social-libéralisme que de la droite libérale-conservatrice. L'intérêt de la candidature de Jean-Pierre Chevènement était d'ailleurs de proposer une alternative (une troisième voie "au-dessus de la droite et de la gauche telles qu'elles sont devenues") qui ne soit pas extrémiste. Sur la forme, cette alternative populiste et républicaine s'est même en quelques sortes retrouvée à l'élection présidentielle de 2007 dans la contestation populiste et démocrate de François Bayrou (relire à ce sujet son livre Au nom du tiers état, Hachette, 2006).

 

3. Ma consœur écrit que demeure "une troupe d'électeurs suffisante - on l'a vu en 2002 - pour faire turbuler le système et modifier le premier tour de l'élection présidentielle". Elle commet là une erreur d'interprétation. Pour Jean-Pierre Chevènement, faire "turbuler" le système c'était "en mars" atteindre 15% des intentions de vote dans les sondages et qu'en même temps l'un des deux sortants (cohabitation Chirac-Jospin) descende en-dessous de la barre des 20% afin finalement d'être qualifié au second tour le 21 avril. Bref, la troupe d'électeurs n'a en réalité pas été suffisante en 2002...

 

4. Ma consœur écrit que "depuis 2005, l'anti-pensée unique est devenue dominante".

Première question: qu'est-ce que la pensée unique? Elle a été définie en 1998 par Henri Guaino, dans L'Humanité: "La pensée unique est ce compromis passé entre les rentiers, certains héritiers de Mai-68 et les technocrates, qui débouche sur la haine de l'État, l'apologie du chacun pour soi et l'argent-roi. En d'autres termes, un mélange de conservation réactionnaire, de libéralisme et de libertarisme, qui pourrait se formuler ainsi : la loi de la jungle, plus la morale du possédant, plus l'élitisme... Le programme est clair: l'être humain est considéré comme un moyen, le travail comme une variable d'ajustement, l'exclusion comme un mode de régulation, la France comme une entreprise qui vivrait au-dessus de ses moyens. Sous-entendu: il y aurait trop de redistribution, trop de protection sociale, trop de services publics... Quant au triomphe de la pensée unique, on peut le voir dans la prise de pouvoir d'une élite qui cherche à sortir du carcan de la solidarité nationale, du modèle républicain et de la souveraineté populaire..."

Bref, la dénonciation de la pensée unique - qu'Alain Minc revendiquait comme "cercle de la raison" - se situe sur le terrain économique et social (franc puis euro forts, libéralisations, désindustrialisation, délocalisations, etc.). Or, Ariane Chemin explique qu'"en focalisant le débat sur leurs thèmes fétiches - l'identité française, l'État, l'islam -, [les intellectuels souverainistes] ont  irrigué le champ politique qui court de Sarkozy à [Marine Le Pen]". Voyons de plus près.

"L'État", c'est certain.

"L'identité française", pourquoi pas, à condition qu'il s'agisse d'une référence à ce qui caractérise, pour reprendre l'expression du Conseil constitutionnel, les "principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France" (gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple; République indivisible, laïque, démocratique et sociale). Est-ce vraiment ce qu'à en tête ma consœur? Je n'en ai pas l'impression, loin de là...

"L'islam", là, c'est carrément un contresens sur la notion de pensée unique. Ce contresens devient une contrevérité comique quelques pages auparavant, lorsque Laurent Joffrin écrit que sont notamment visés par les dénonciateurs de la pensée unique "les partisans archaïques de la République sociale"!

Cette polémique m'a donné l'heureuse occasion de me plonger dans mes archives. Et de retrouver un article du Monde, daté de mai 1998, sur les "nationaux-républicains" de "la toute nouvelle Fondation Marc-Bloch". "De Jean-Pierre Chevènement à Charles Pasqua, les pourfendeurs de la pensée unique, de la construction européenne et du mondialisme mettent en avant la défense des idéaux de la République et de la nation", écrivaient Raphaëlle Bacqué et ...Ariane Chemin. J'ai beau relire cet article, je n'y trouve aucune trace de ces soi-disant "thèmes fétiches", de l'absolutisation de l'identité nationale au rejet de l'islam. Il y a donc quelque part un problème dans le travail journalistique de ma consœur, soit hier soit aujourd'hui...

 

Seconde question: la pensée unique est-elle dominante? Je ne dois pas vivre dans la même France qu'Ariane Chemin! D'une part, je n'ai pas l'impression que les partisans d'une "autre politique" - d'Emmanuel Todd à Jean-Luc Gréau en passant par Jacques Sapir - dominent le paysage intellectuel et médiatique. D'autre part, je n'ai pas l'impression que les candidats qu'y s'en réclament peu ou prou soient en mesure d'être élus à la présidence de la République, qu'il s'agisse du républicain de gauche Jean-Luc Mélenchon (autour de 5-6% des intentions de vote dans les sondages) ou du gaulliste Nicolas Dupont-Aignan (1-2%). Reste le cas Marine Le Pen.

 

5. Marine Le Pen, républicaine?

Venons-en au fond de l'article. Le raisonnement d'Ariane Chemin (et d'un Jean-Michel Aphatie parlant de "la ligne Marianne Le Pen") est simple. La Fondation Marc-Bloch défendait la République indivisible, laïque, démocratique (souveraineté nationale) et sociale telle qu'issue du Conseil national de la Résistance. Marine Le Pen importe aujourd'hui cette référence dans ses discours. Donc la Fondation Marc-Bloc aurait "décontaminé le pensée FN". Curieux raisonnement.

Tout d'abord, tout véritable antilepéniste ne pourrait que se féliciter si Marine Le Pen, en rupture avec l'orientation historique du FN, adoptait une telle ligne, plus rien ne justifiant alors le "cordon sanitaire" autour de son parti. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le démontrer sur ce blog (ici ou ), ce n'est toutefois pas le cas, le FN demeurant antirépublicain au moins dans sa conception de la communauté nationale (différentiation entre les "Français de souche" et les Français issus de l'immigration).

Ensuite, le raisonnement consistant à affirmer qu'une idée ou qu'un sujet deviendrait infréquentable dès lors que l'extrême droite s'en saisirait me semble particulièrement contre-productif et surtout dangereux. C'est même, selon moi, là que réside le véritable piège. Je l'écrivais dès janvier 2010: "Après avoir abandonné dans les années quatre-vingt la Nation à l'extrême droite, pourquoi faut-il qu'aujourd'hui la droite et la gauche de gouvernement lui abandonnent la République?". En réalité, ce raisonnement est bien pratique, car il permet aux chiens de garde de la pensée unique de disqualifier toute pensée alternative au néolibéralisme en la marquant au fer rouge du sceau de l'extrême droite.

07 mars 2011

Marine Le Pen: questions autour d'un sondage

Tout le monde a commenté ce week-end un sondage (1) plaçant Marine Le Pen à 23% des intentions de vote pour le premier tour de l'élection présidentielle de 2012, devant Nicolas Sarkozy et Martine Aubry à 21%.

 

1) Que penser de ce sondage?

Outre les recommandations habituelles (marge d'erreur, photographie de l'opinion à l'instant T et non prédiction du vote, etc.), deux remarques:

- Les sondeurs avaient l'habitude de redresser à la hausse le score de Jean-Marie Le Pen. Or, la parole s'étant libérée en ce qui concerne Marine Le Pen, de tels redressements se justifient-ils encore?

- Seule Martine Aubry a été testée. Or, les autres sondages testent généralement au moins Dominique Strauss-Kahn, avec comme résultat au premier tour un ordre différent en ce qui concerne le candidat du PS et le président de la République sortant: Nicolas Sarkozy est toujours devant Martine Aubry mais toujours derrière Dominique Strauss-Kahn. Je regrette donc que ce sondage n'ait pas testé dans un même mouvement l'hypothèse d'une candidature DSK.

Quoi qu'il en soit, ce sondage confirme que Marine Le Pen est aujourd'hui dans le trio de tête des intentions de vote, dont l'ordre d'arrivée - mais nous sommes encore très loin du scrutin! - demeure actuellement incertain.

 

2) L'UMP fait-il monter Marine Le Pen en lançant un débat sur la laïcité en général et l'islam en particulier?

C'est l'accusation de la gauche. Honnêtement, je ne sais pas trop quoi en penser. Il semble a priori logique que placer le débat sur le terrain d'une thématique forte de l'extrême droite ne peut qu'être porteur pour le FN. Mais:

- Ce qui fait monter le FN, est-ce en soi de parler de laïcité ou est-ce la réponse qu'apporte l'UMP? Même si ses dirigeants tournent autour du pot, il s'agit bel et bien pour eux de remettre en cause la laïcité en aboutissant à un financement public de la construction de lieux de culte (via un contournement hypocrite de la loi de 1905 en subventionnant des fondations ou des associations à visage culturel mais à finalité cultuelle). J'ai ainsi été atterré jeudi 3 mars du débat sur France 2 (émission À vous de juger), où les invités (Jean-François Copé, François Bayrou, Pierre Moscovici, Dominique de Villepin) ont abandonné à Marine Le Pen le monopole de la défense de la laïcité. Il aurait été pourtant facile de lui dire: "Vous brandissez l'étendard de la laïcité? Chiche! Alors, êtes-vous pour la remise en cause du statut d'exception - concordataire - en Alsace-Moselle?"

- Surtout, le principal moteur du vote FN est-il la thématique immigration/islamisation ou la thématique économique et sociale (désindustrialisation et délocalisations, chômage et pouvoir d'achat, peur du déclassement des classes moyennes, etc.)? Question clef, dont seule la réponse donnera les armes efficaces à ceux qui veulent vraiment lutter contre la montée de l'extrême droite.

 

(1) sondage Harris Interactive pour Le Parisien/Aujourd'hui en France réalisé du 28 février au 3 mars 2011 auprès d'un échantillon représentatif de 1.618 personnes issu de l'access panel Harris Interactive.

22 février 2011

Immigration: Marine Le Pen dans la continuité lepéniste

Retour aux fondamentaux pour Marine Le Pen, qui présentait mardi sa politique "contre l'immigration". Une présentation qui "trouve son actualité dans les événements inquiétants qui se produisent ces jours-ci en Italie", la nouvelle présidente du FN qualifiant d'"éclaireurs d'une nouvelle vague migratoire gigantesque" les "milliers de clandestins tunisiens - et demain libyens, égyptiens, algériens ou marocains - qui débarquent sur les côtes italiennes et commencent à s'installer en France".

La fille de Jean-Marie Le Pen a demandé "un moratoire stoppant toute immigration en cours" et prôné un durcissement des conditions d'accès à la nationalité française ainsi que d'entrée et de séjour des étrangers: "arrêt immédiat du regroupement familial", contrat de travail "exclusivement à durée déterminée" pour l'immigration professionnelle, "reconnaissance d'une validité de dix ans aux titres de séjour en cours et invitation à quitter le territoire pour les cartes arrivant à expiration au fur et à mesure de leur péremption", etc.

Seule nouveauté: le rejet de fait de l'objectif d'une "immigration zéro", remplacé par celui de "réduire l'immigration régulière à 10.000 par an", perçu comme le "seuil incompressible permettant une immigration très qualifiée dans des secteurs où nous manquons réellement de compétences". Tout en précisant qu'il s'agira de "privilégier l'immigration européenne". Un même ethnicisme voire racialisme inspire d'ailleurs la présidente du parti d'extrême droite lorsqu'elle dénonce dans la politique "UMPS" de l'immigration "un processus fou dont on se demande s'il n'a pas pour objectif le remplacement pur et simple de la population française".

Marine Le Pen a également proposé la suppression de tous les droits sociaux ouverts aux étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière, "parce qu'un clandestin sait qu'il a aujourd'hui une bonne chance d'être régularisé, d'avoir un jour des papiers et donc d'en bénéficier". Le but est de casser toutes les "pompes aspirantes de l'immigration" en les réservant aux seuls Français, conformément au principe de la préférence nationale: allocation de chômage (les cotisations des travailleurs étrangers servant à payer le "retour au pays des chômeurs étrangers"), revenu de solidarité active, allocations familiales, aide sociale aux personnes âgées, accès au logement social, aide médicale d'État, obligation scolaire, etc.

Enfin, la présidente du FN lance un appel à connaître "la part des étrangers et personnes d'origine étrangère" dans les prisons et dans les auteurs de crimes et délits. Cette demande de statistiques ethniques constitue une rupture avec le principe républicain d'égalité des citoyens sans distinction d'origine. Du reste, en parlant depuis des années de "Français de souche", l'extrême droite a été la première à opéré un tri entre les citoyens français en fonction de leur origine, avant même que les notions de "diversité" ou de "discrimination positive" n'émergent dans le débat politique.

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 22 février 2011 (version un peu plus longue que celle publiée sur papier)

19 février 2011

La laïcité revient dans le débat politique

La laïcité revient dans le débat politique

La Croix, 18/02/2011