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12 mars 2010

Élections régionales : le match UMP vs PS

Il est loin le temps où, dans la foulée de l'élection présidentielle de 2007, les dirigeants de l'UMP égrénaient la liste des régions qu'ils comptaient bien reconquérir en 2010. Aujourd'hui, la droite espère surtout conserver l'Alsace et ose à peine évoquer la conquête de la Guyane (en raison du ralliement du maire de Cayenne ex-PSG : Rodolphe Alexandre) et la reconquête d'une – voire deux – régions métropolitaines, surtout si le FN ne se qualifie pas au second tour (en ligne de mire : Basse-Normandie, Champagne-Ardenne ou Franche-Comté).

La majorité présidentielle a fait le choix de listes uniques UMP-NC-LGM-MPF-CPNT-AC dès le premier tour. Un choix qui anticipe sans doute trop la réforme territoriale projetée pour 2014 (avec des conseillers territoriaux élus à un seul tour), car il risque de la priver de réserves de voix pour le second tour. Pire : dans les derniers sondages, les intentions de vote en faveur du PS ont rattrapé celles de l'UMP ! Or le PS dispose, lui, de réserves de voix parmi les électeurs d'Europe - Écologie et du Front de gauche. Tandis que les reports de voix du MoDem et du FN sont incertains...

Il n'en demeure pas moins qu'en se fixant comme objectifs de réaliser le "grand chelem", Martine Aubry a pris un risque : celui de perdre son pari même si elle gagne ces élections régionales, conservant le 21 mars toutes les présidences PS de conseils régionaux et dépassant dès le 14 mars l'UMP, ainsi que, symboliquement, le score de Ségolène Royal au premier tour de la présidentielle de 2007 (25,87%). D'ici là, il lui faudra cependant gérer un entre deux tours délicat : fusion avec les listes Europe - Écologie et Front de gauche, choix ou non de l'ouverture au MoDem, sans oublier le cas en Languedoc-Roussillon de la liste de Georges Frêche (président sortant du conseil régional, ex-PS).

 

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09 mars 2010

Élections régionales : vraies victoires et victoires volées

Nous avons tous en tête les cartes des présidences de conseils régionaux après les élections régionales de 1986, 1992, 1998 et 2004 :

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Il convient toutefois d'interprêter avec prudence ces cartes qui ne correspondent pas à la réalité du rapport entre la gauche et la droite (hors extrême droite). Voici donc les cartes des majorités en sièges issues des urnes en 1986, 1992, 1998 et 2004 :

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(changement de mode de scrutin en 2004; hors triangulaire, la majorité est donc toujours absolue)

 

Quelques remarques :

- la droite a volé dans plusieurs régions en 1986 et 1998 la victoire à la gauche en s'alliant plus ou moins ouvertement avec le FN

- en 1986 : Haute-Normandie, Picardie, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Aquitaine

- en 1998 : Picardie, Bourgogne, Languedoc-Roussillon

- nous avons tous en tête l'exemple d'une telle alliance en Rhône-Alpes en 1998 avec Charles Millon; or il ne s'agissait en l'occurrence pas véritablement d'une victoire volée puisque droite et gauche y avaient obtenu le même nombre de conseillers régionaux

- en 1992 en Bourgogne, c'est en revanche la gauche qui a volé la victoire à la droite en s'alliant avec le FN; il s'agit du ministre d'ouverture Jean-Pierre Soisson (qui retournera ensuite à droite... et volera en 1998 la victoire à la gauche cette fois, toujours en s'alliant avec le FN !)

- depuis 2004, le changement de mode de scrutin aux élections régionales (deux tours et prime majoritaire) a mis fin aux situations d'égalité droite-gauche en sièges

24 février 2010

Conseil constitutionnel : droite-gauche, le faux clivage

Les futures nominations au Conseil constitutionnel sont officielles :

- Michel Charasse (divers gauche, ex-PS) pour le président de la République, Nicolas Sarkozy

- Jacques Barrot (UMP) pour le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer

- Hubert Haenel (UMP) pour le président du Sénat, Gérard Larcher

 

Saluons pour la forme la décision de Nicolas Sarkozy de nommer une personnalité de l'opposition de gauche. Il n'était effectivement pas obligé de le faire (même si cela n'exclut pas des arrières-pensées et si cela n'a rien à voir avec ce qu'on appelle en politique l'ouverture). Mais remarquons qu'il s'agit de trois personnalités politiques, contre aucun universitaire.

 

Ces nominations sont très importantes. Aussi importantes, à mes yeux, que le résultat d'une élection présidentielle. Le vrai clivage politique n'est en effet pas en France entre la droite (l'UMP et ses alliés) et la gauche (le PS et ses alliés) ou le centre (le MoDem) mais entre les jacobins et les girondins - ce qui dépasse largement la question d'un État unitaire, décentralisé voire fédéral.

La République française est historiquement jacobine. C'est un fait, qu'on s'en réjouisse ou qu'on s'en désole. Une identité qui se résume dans deux phrases clefs: "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion"; "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum".

 

Or, aussi bien la décentralisation (libre-administration des collectivités locales) que le supranationalisme européen sont au bout du bout incompatibles avec cette identité constitutionnelle de la France. D'où un choc culturel profond en France depuis plusieurs décennies. Jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'État ont été les gardiens de cette identité. Voilà le véritable enjeu des nominations au Conseil constitutionnel, aujourd'hui et demain.

 

Ce qui importe, ce n'est donc pas de savoir si les nouveaux membres du Conseil constitutionnel sont de droite, de gauche ou du centre - de la majorité ou de l'opposition (clivages de surface) mais s'ils sont jacobins ou girondins (clivage de fond).

Michel Charasse est un jacobin*; Jacques Barrot et Hubert Haenel sont des girondins. Deux contre un.

 

 

* cela me fait bien rire de voir certains confrères écrire que Michel Charasse a été nommé pour "compliquer la tâche du président du Conseil constitutionnel", alors que c'est moins le jacobin Charasse que les girondins Barrot et Haenel qui vont s'opposer au jacobin Jean-Louis Debré...

12 janvier 2010

Les Français ont une confiance sélective envers la politique

barometre-ltl.jpg"La démocratie représentative ne peut pas fonctionner sans confiance", a rappelé hier Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), en présentant les premiers résultats d'un nouveau baromètre de confiance politique (1). Le constat semble sans appel : 67% des Français n'ont "confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner le pays". La confiance pour son propre camp est toutefois davantage élevée à droite qu'à gauche : 66% des électeurs UMP ont confiance dans la droite, alors que seulement 49% des électeurs PS ont confiance dans la gauche. Dans leur ensemble, les électeurs de gauche ne sont que 33% à avoir confiance dans leur camp pour gouverner. Au total, il existe donc un "électorat en déshérence". Celui-là même que convoitent Europe Écologie ou le MoDem...

Dans le détail, les institutions locales sont les seules à échapper à la défiance : les Français accordent largement leur crédit aux échelons politiques municipal, départemental et régional, qu'il s'agisse des institutions en tant que telles ou de leurs élus. À l'inverse, les institutions nationales et internationales inspirent majoritairement de la défiance. Près de deux tiers des Français éprouvent ainsi de la défiance tant envers le président de la République actuel qu'envers l'institution présidentielle. "Ce n'est pas toute la politique qui est condamnée : il y a une déconnexion entre la scène politique locale et la scène politique nationale", souligne Pascal Perrineau. Il existe par ailleurs un décalage entre la défiance envers le gouvernement en tant qu'institution (68%) et celle envers le premier ministre actuel (58%). "Il y a un phénomène Fillon, qui conserve un capital de popularité intéressant malgré le contexte de crise", analyse le politologue.

Le baromètre a, en outre, mesuré l'image qu'inspire différentes organisations ou institutions. D'un côté, les Français ont confiance envers celles qui représentent l'État régalien et l'État providence : les hôpitaux (86% de confiance), l'école (83%), l'armée (75%), la police (71%), l'administration (63%), les grandes entreprises publiques et la justice (60%). De l'autre, ils n'ont pas confiance dans la plupart des structures de médiation traditionnelles : les partis politiques (76% de défiance), les médias (72%), les banques (63%), les grandes entreprises privées (55%) et les syndicats (52%). Seules s'en sortent les Églises (50% de confiance, 46% de défiance) et, surtout, les associations (71% de confiance).

Très riche, le baromètre déborde largement du cadre politique. "La crise n'a pas atteint le sentiment privé du bonheur", constate Pascal Perrineau face aux 91% de Français qui se disent "heureux". Mais, conséquences de la crise obligent, 55% des Français estiment qu'ils risquent de se retrouver au chômage dans les mois à venir. Enfin, 40% d'entre eux veulent "réformer en profondeur" le système capitaliste, et 51% le "réformer sur quelques points". Tandis que 55% demandent "que l'État contrôle et réglemente plus étroitement les entreprises", contre 41% qui veulent, au contraire, "que l'État leur fasse confiance et leur donne plus de liberté". Une question sur laquelle le clivage droite-gauche joue à plein.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 12/01/2010

(1) Enquête réalisée du 9 au 19 décembre par TNS Sofres pour le Cevipof, l'Institut Pierre-Mendès-France et Edelman auprès d'un échantillon représentatif de 1 502 personnes inscrites sur les listes électorales

07 décembre 2009

François Bayrou propose un "arc central" de la droite antisarkozyste à la gauche

centre.jpgLes élections régionales des 14 et 21 mars 2010 constituent pour François Bayrou une étape majeure vers l'élection présidentielle. L'occasion pour lui de tester avant 2012 sa stratégie de rassemblement au second tour "de tous ceux qui veulent une autre orientation politique". Le président du MoDem a ainsi profité du congrès de son parti, ce week-end, à Arras, pour préciser les contours de l'"arc central" qui doit, selon lui, former le "socle de l'alternance" : de la gauche de gouvernement à la "droite sociale" en passant par les écologistes et le centre.

Cette proposition a immédiatement reçu le soutien de l'ancienne candidate du PS à l'élection présidentielle, Ségolène Royal. "Il a raison, il faut faire cet arc central", a expliqué la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes en se disant prête à "faire de sa région un laboratoire du rassemblement", proposant immédiatement "cinq places éligibles" de sa liste au MoDem (sur 54 places). Cette proposition d'alliance dès le premier tour rappelle celles déjà formulées par les présidents PS de région Jacques Auxiette (Pays de la Loire) et Jean-Jack Queyranne (Rhône-Alpes).

Sans surprise, François Bayrou a décliné "avec sympathie" ces "offres d'ouverture électorale" dès le premier tour, martelant : "Nous sommes décidés à défendre le pluralisme, la liberté de choix des électeurs, à porter des convictions qui ont une cohérence au premier tour des élections parce que le premier tour des élections, c'est le tour du pluralisme." Il n'empêche, dans la perspective du second tour, le dialogue entre le centre et la gauche est déjà avancé au sein d'un "rassemblement social, écologique et démocrate" réunissant des membres du MoDem (Marielle de Sarnez, Jean-Luc Bennahmias), du PS (Vincent Peillon, François Rebsamen), d'Europe Écologie (Daniel Cohn-Bendit), du PRG (Christiane Taubira) et du Mouvement unitaire progressiste (Robert Hue).

Si les choses bougent à gauche, François Bayrou ne parvient en revanche toujours pas à remplir les bancs de droite de son "parlement de l'alternance" avec des "Chaban d'aujourd'hui". Comprenez : des personnalités UMP non sarkozystes. "J'en connais individuellement", affirme le président du MoDem, tout en admettant pour l'instant un décalage "entre déclaration privée et déclaration publique". Dans l'entourage de François Bayou reviennent les noms de Dominique de Villepin, Alain Juppé ou François Baroin. Tant pis si Alain Juppé et Dominique de Villepin - contre le gouvernement duquel François Bayrou avait voté une motion de censure - n'ont pas forcément marqué l'opinion comme étant l'incarnation d'une "droite sociale" (1).

En définitive, c'est donc plutôt le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP), fondateur du parti Debout la République, qui pourrait le mieux incarner cette mouvance. L'intéressé, dont le nom est également cité par les proches du président du MoDem, présente en effet plusieurs avantages. D'une part, Nicolas Dupont-Aignan connaît bien François Bayrou, puisqu'il fut membre de son cabinet au ministère de l'éducation nationale. D'autre part, ce gaulliste, qui partage des valeurs communes avec la gauche chevènementiste, a déjà voté à l'Assemblée nationale en compagnie de l'opposition contre la majorité. De quoi rassurer une opposition de gauche déjà divisée sur l'opportunité d'ouvrir le dialogue avec le centre...

Mais François Bayrou possède de bonnes raisons d'insister pour inclure une partie de la droite au sein de l'"arc central". Se contenter d'une alliance avec la gauche équivaudrait de fait au passage à gauche du MoDem, c'est-à-dire, dans un paysage politique bipolarisé, sa participation au jeu d'alliance du bloc de gauche. Tandis que former un "arc central", de la droite anti-sarkozyste à la gauche de gouvernement, rejoindrait l'idée qu'il défend depuis une quinzaine d'années : la création d'un "grand centre", du centre droite au centre gauche.

Quant à déterminer où se situera le "centre de gravité" idéologique de cet "arc central" d'alternance, ce sera aux électeurs de décider, justement au premier tour des élections. "Nous sommes les premiers à mettre sur la table un projet avec des propositions précises pour répondre à la question de l'alternance et pour dialoguer avec les autres formations de l'opposition", s'est félicité hier François Bayrou, après l'adoption, "à l'unanimité moins deux abstentions" (2), du "projet humaniste" du MoDem. Reste à voir si la partie de la gauche jusqu'à présent hostile à toute alliance avec le MoDem jugera ou non le "petit livre orange" compatible avec ses convictions.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 07/12/2009

(1) La liste est en outre longue des mesures du gouvernement Villepin incompatibles avec le programme du MoDem : ouverture du capital d'EDF, instauration du bouclier fiscal, etc.

(2) Nicolas Vinci et Virginie Votier