Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01 décembre 2006

Réussites et échecs de Nicolas Sarkozy

medium_sarkozyneuilly.2.jpgEntre son adhésion à l’UDR, en 1974, et sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle, hier, Nicolas Sarkozy a gravi toutes les marches du militantisme politique. Un parcours marqué par deux réussites et deux échecs.

L’acte fondateur du « sarkozysme » politique est sa prise de la mairie de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), en 1983. À l’époque, il n’a que 28 ans et n’est encore que le protégé d’Achille Peretti, maire de la ville, qui l’a fait entrer de justesse au conseil municipal en 1977, et de Charles Pasqua, cofondateur du RPR. S’il est réélu en bonne place aux élections municipales de mars 1983, Nicolas Sarkozy ne fait pas partie des « Pasqua’s boys » qui conquièrent alors une mairie dans le département : son ami Patrick Balkany (34 ans) à Levallois-Perret, Christian Dupuy (32 ans) à Suresnes, Jean-Jacques Guillet (36 ans) à Sèvres, Patrick Devedjian (38 ans) à Antony.

La mort d’Achille Peretti, le 14 avril 1983, change toutefois la donne politique à Neuilly. Deux hommes briguent sa succession : Louis-Charles Bary pour l’UDF et Charles Pasqua pour le RPR. Opéré d’une hernie le jour du décès du maire, ce dernier a confié à Nicolas Sarkozy le soin de préparer sa candidature. Pourtant, c’est sa propre campagne que mène, auprès des élus de son parti, l’ancien délégué à la jeunesse du RPR, déjà épaulé par Brice Hortefeux. « La candidature de Pasqua ne passait pas, ce sont les conseillers municipaux eux-mêmes qui m’ont conduit à franchir le pas », assura-t-il plus tard. Quoi qu’il en soit, le 29 avril 1983 Nicolas Sarkozy est élu maire de Neuilly. « Il apparaît à Charles que seule l’habileté de Nicolas n’a pas été suffisante pour mener à bien un tel complot », rapportera Jean-François Probst, témoin privilégié de cette trahison (1). Selon cette ancienne éminence grise du RPR, Nicolas Sarkozy aurait bénéficié de la neutralité bienveillante, voire du soutien, de Jacques Chirac. Au même moment, celui-ci s’entiche en effet d’Édouard Balladur et chercher à éloigner Charles Pasqua, qui était devenu son principal bras droit depuis le départ de Marie-France Garaud et Pierre Juillet.

Nicolas Sarkozy restera maire de Neuilly jusqu’en mai 2002, date à laquelle il est nommé au ministère de l’intérieur… et transmet l’écharpe de maire à Louis-Charles Bary. Dans sa biographie de Nicolas Sarkozy (2), Nicolas Domenach raconte une parabole qu’affectionne Nicolas Sarkozy et révélatrice du tempérament qui lui permit d’obtenir ce premier succès politique : « Un petit pêcheur du dimanche pêche son petit poisson dans sa petite rivière. Tout à coup, arrive un énorme poisson. Soit il relève sa canne parce que la bestiole va tout casser ou l’emporter, soit il tente de l’attraper, il saisit sa chance parce qu’elle ne repassera pas avant longtemps. Sinon jamais ».

Toujours saisir sa chance, au risque de l’échec. C’est ce que fera encore Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 1995. Dix ans après son élection à la mairie de Neuilly, le « petit Nicolas » est devenu un familier des Chirac et un homme qui compte à droite. Député depuis 1988 et secrétaire général adjoint du RPR chargé des fédérations, il est nommé en 1993 ministre du budget du gouvernement d’Édouard Balladur. Parallèlement, il assure la fonction de porte-parole du gouvernement puis, à partir de janvier 1995, de porte-parole d’Édouard Balladur en tant que candidat à l’élection présidentielle. Avec, en cas de victoire, un poste en ligne de mire : celui de premier ministre. « Préparons-nous, aurait-il confié à cette époque à ses proches. Quand Balladur sera à l’Élysée, il y aura d’autres candidats pour le poste de chef du gouvernement, comme Pasqua. Mais le ministre de l’intérieur est trop vieux. Je suis le mieux placé ». Cette fois, c’est l’échec. Qualifié de « démagogique » par Nicolas Sarkozy, le discours de Jacques Chirac sur la « fracture sociale » fait mouche face au libéralisme tranquille d’Édouard Balladur, dont la candidature ne franchit pas la barrière du premier tour. Première traversée du désert pour l'ambitieux, accusé de trahison par les chiraquiens.

Lorsque, conséquence de la dissolution ratée de l’Assemblée nationale en 1997, les chiraquiens perdent la direction du RPR, Nicolas Sarkozy revient logiquement au premier plan. Nommé secrétaire général, ce « gaulliste libéral » se réclamant d’une « droite décomplexée » forme alors un attelage hétéroclite avec Philippe Séguin, « gaulliste social » pourfendeur de la « dérive droitière » des héritiers du gaullisme et nouveau président du mouvement. Après la démission de ce dernier, le 16 avril 1999, Nicolas Sarkozy devient président par intérim du RPR et tête de liste aux élections européennes, secondé par le « libéral-libertaire » Alain Madelin. Nouvel échec. Pris en tenaille entre la liste UDF de François Bayrou et l’éphémère alliance souverainiste entre Charles Pasqua et Philippe de Villiers, le tandem libéral n’arrive qu’en troisième position (12,82% des suffrages exprimés). Devancé par Charles Pasqua (13,05%), Nicolas Sarkozy écrira en 2001, dans Libre (Robert Laffont), que « dix-sept ans après le combat qui nous avait opposés pour la mairie de Neuilly, il assouvissait ainsi sa volonté de revanche ». Seconde traversée du désert pour celui qui décida de ne pas présenter sa candidature à la présidence du RPR. Jacques Chirac l’en a dissuadé. « J’ai choisi de lui faire confiance », déclare-t-il alors dans une formule ambivalente...

Après le temps des échecs vint celui du succès. Le 16 juillet 2004, Alain Juppé, condamné dans l’affaire des emplois fictifs du RPR, démissionne de la présidence de l’UMP, le nouveau parti chiraquien créé en 2002. Cette fois, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2007, celui qui est redevenu ministre depuis deux ans est bien décidé à s’en emparer. Dans un premier temps, il propose au premier ministre Jean-Pierre Raffarin un ticket à la tête de l’UMP, mais se heurte au véto de l'Élysée. Nicolas Sarkozy décide donc de s’annexer la structure avec ses seuls amis. Finalement, les chiraquiens renonceront à présenter un candidat face au chouchou des militants. Non sans lui tendre un dernier piège. Persuadé que Nicolas Sarkozy ne voudra pas quitter les lambris des ministères, le président de la République juge, le 14 juillet 2004, incompatible la fonction de simple ministre et de président de parti. Erreur de jugement : en novembre 2004, élu à la présidence de l’UMP, le futur candidat à l’élection présidentielle quitte le gouvernement… avant de redevenir ministre dans celui de Dominique de Villepin, en juin 2005.

Deux succès, deux échecs. Reste à savoir ce que 2007 réservera à Nicolas Sarkozy.

 

Laurent de Boissieu

© La Croix, 01/12/2006

 

(1) Jean-François Probst, Chirac et dépendances, Ramsay 2002 (réédition 2006)

(2) Nicolas Domenach, Sarkozy au fond des yeux, Éditions Jacob-Duvernet, 2004

30 novembre 2006

rupture tranquille

medium_sarkocandidat.jpgDans sa déclaration de candidature, Nicolas Sarkozy parle de "rupture tranquille".

Un slogan qui rappelle le "changement dans la continuité" de Georges Pompidou en 1969, le "changement sans le risque" de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 ou encore la "force tranquille" de François Mitterrand en 1981...

 

Nou sommes donc loin de la rupture annoncée, avec un grand R...

Mais où est donc passé "notre" Nicolas Sarkozy ? Celui qui se revendiquait d'une "droite décomplexée" contre ceux de ses amis (du reste de moins en moins nombreux) qui "refusent obstinément de se dire de droite" ? Celui qui reprochait à la droite, une fois au pouvoir, de "faire la politique de son adversaire" ? Celui qui voulait "rompre avec un modèle social français dépassé" ?

 

La réponse se trouve peut-être dans ce que m'ont dit récemment plusieurs conseillers politiques de Nicolas Sarkozy :

1. Rassurer et se défaire d'une "image anxiogène", sur laquelle jouent d'ailleurs les chiraquiens. "La rupture, ça se passe toujours dans le sang", n'avait ainsi pas manqué d'affirmer Dominique de Villepin, le 4 octobre 2005, devant les députés UMP. Nicolas Sarkozy ne pouvait toutefois pas définitivement abandonner la thématique de la rupture, même s'il ne s'agit plus d'une rupture sur le fond mais, comme François Bayrou, d'une rupture sur la forme ("rompre avec une façon de faire de la politique").

2. Le projet législatif de l'UMP "bordant à droite" Nicolas Sarkozy, en tant que candidat à la présidentielle il devrait lancer durant sa campagne des signaux à l'électorat "de gauche" : discrimination positive, droit opposable au logement, droit de vote des étrangers aux élections locales, droit de vote dès 16 ans aux élections locales, par exemple.

29 novembre 2006

canidature Sarkozy

medium_sarkochirac.jpgLe président de l'UMP a choisi d'annoncer demain sa candidature à l'élection présidentielle de 2007 dans un entretien proposé à l'ensemble de la presse quotidienne régionale.

Nicolas Sarkozy s'inspire de Jacques Chirac, qui avait annoncé le 4 novembre 1994 sa candidature à la présidentielle de 1995 dans un entretien au quotidien régional La Voix du Nord.

21 novembre 2006

"ordre juste" : kesako ?

Ségolène Royal a inventé le concept d'"ordre juste" pour sa campagne présidentielle. Dans les pas de Jean-Pierre Chevènement ou de Manuel Valls, on pouvait s'attendre à un discours qui, à gauche, prenait - enfin ! - en compte l'insécurité qui touche en premier lieu les classes populaires.

On était donc en droit d'attendre d'une candidate à l'élection présidentielle qu'elle nous explique, ce lundi sur TF1, ce qu'elle entend par "ordre juste" ainsi que ses propositions concrètes pour y parvenir. Las !

Le citoyen électeur-téléspectateur devra se contenter d'un : "Aux Français de s'en saisir et de me dire ce qu'ils entendent par ordre juste".

 

Sans commentaire !...

 

16 novembre 2006

Nicolas Sarkozy oscille entre libéralisme et gaullisme social

Depuis six mois, Nicolas Sarkozy a avancé des propositions en contradiction avec un libéralisme économique qu’il a pourtant toujours revendiqué.

 

Son entourage assure que Nicolas Sarkozy « n’a pas changé ». Et pourtant... Depuis six mois, le président de l’UMP semble troquer son « gaullisme libéral » pour un « gaullisme social », naguère incarné par Philippe Séguin. Au grand dam d’une partie de ses soutiens, de l’ancien premier ministre Édouard Balladur à Hervé Novelli, chef de file du courant le plus libéral de l’UMP, qui ont tous les deux pris la plume pour s’en inquiéter. En cause, notamment : la proposition de Nicolas Sarkozy, dans son discours de Périgueux, le 12 octobre dernier, de rendre opposables devant les tribunaux trois droits sociaux (logement, garde des enfants, dépendance des personnes âgées) afin de « passer des droits virtuels aux droits réels ».

Une idée qui a fait bondir l’ancien président de Démocratie libérale, Alain Madelin. Si certains y ont vu « une tonalité franchement sociale », il estime, lui, « qu’il s’agit de propositions franchement socialistes ». Voilà qui serait paradoxal de la part de Nicolas Sarkozy qui, même à droite, est l’un des rares hommes politiques français à avoir toujours revendiqué son libéralisme économique et mis en avant sa vision d’une « droite décomplexée » rompant avec « la pensée unique social-démocrate ». Contrairement à une grande partie de ses anciens compagnons du RPR qui ont toujours répugné à se dire « de droite » et « libéraux », par tradition gaulliste ou par conviction. « Le libéralisme ce serait aussi désastreux que le communisme », affirmait par exemple l’année dernière encore Jacques Chirac, dans le contexte des débats sur la Constitution européenne.

L’« opposabilité des droits » n’est pas le seul indice d’un changement de ton de Nicolas Sarkozy. Dans son discours d'Agen, le 22 juin 2006, le président de l’UMP a entre autres dénoncé « le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d’achat, en déficits et en endettement public ». Dans les années quatre-vingt-dix, Nicolas Sarkozy en était pourtant l’un des plus ardents défenseurs. « La politique du franc fort s’impose clairement, assurait-il en 1992. Ce n’est pas une affaire de majorité parlementaire ou de choix politique ; c’est tout simplement l’intérêt de la France ». De fait, à partir de 1983 et jusqu’à l’adoption de l’euro, les gouvernements de gauche et de droite ont tous suivi cette orientation définie par Alain Minc comme « le cercle de la raison ».

À l’époque, seule une poignée d'hommes politiques, à droite (Philippe Séguin au RPR) ou à gauche (Jean-Pierre Chevènement au PS), dénonçaient cette « pensée unique » et proposaient une « autre politique ». Or ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy s’y réfère aujourd’hui dans ses interventions. Depuis six mois, il a en effet recruté Henri Guaino, ancien directeur de campagne de Philippe Séguin lors du référendum sur le traité de Maastricht (1992) puis cheville ouvrière du discours de Jacques Chirac en 1995 sur la « fracture sociale ». Une thématique inspirée par cette fameuse « autre politique » et à l’époque qualifiée de « démagogie » par les balladuriens, Nicolas Sarkozy en tête.

« Sarkozy veut envoyer des messages aux électeurs qui ont voté "non" au référendum sur la Constitution européenne », décrypte un membre de la « commission projet » de l’UMP, tout en reconnaissant que « la patte d’Henri Guaino en inquiète plus d’un ». Commentaire ironique d’un ministre chiraquien : « Un coup libéral, un coup gaulliste : ce sera du zigzag jusqu’au 14 janvier », date du choix par les adhérents du candidat soutenu par l’UMP à la présidentielle. Quoi qu’il en soit, cela permet aussi de ne pas laisser d’espace à ceux qui, au sein du parti (Nicolas Dupont-Aignan) ou au gouvernement (Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie), veulent relever l’héritage gaulliste face à un Nicolas Sarkozy dénoncé comme « atlantiste », « ultra-libéral » et « communautariste ».

Ce double discours n’est pas sans rappeler la première campagne présidentielle victorieuse de Jacques Chirac, qui joua également sur les deux tableaux avec le soutien à la fois du « libéral libertaire » Alain Madelin et du « gaulliste social » Philippe Séguin. En sourdine, une lutte d’influence se joue d’ailleurs entre les deux principales plumes de Nicolas Sarkozy : d’un côté la « libéral-conservatrice » Emmanuelle Mignon, conseillère au ministre de l’Intérieur et directrice des études de l’UMP ; de l’autre le « national-républicain » Henri Guaino, qui a retrouvé en septembre dernier Philippe Séguin à la Cour des comptes. Rédigée par Guaino, une partie du discours sur la mondialisation prononcé par Nicolas Sarkozy, le 9 novembre, à Saint-Étienne, aurait ainsi été « censurée » car « pas assez libérale » par Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre. « Il faut beaucoup de talent pour concilier les contraires… », ironisait le même jour Jean-Louis Debré, président chiraquien de l’Assemblée nationale, dans La Croix.

Une critique qui est à mettre en parallèle avec celle formulée par Nicolas Sarkozy à l’encontre du programme élaboré en 1998 par le RPR, dont Philippe Séguin était alors le président et lui-même le secrétaire général : « Voulant rassembler, le texte recelait de fameuses contradictions idéologiques, écrivait en 2001 l’ancien balladurien dans Libre (Éd. Robert Laffont). Il avait du souffle, mais en plusieurs occasions, notamment sur l’Europe et la place de l’État dans la société, n’échappait pas à certaines incohérences (…) Cette tentative programmatique, à force de concilier l’inconciliable, perdait en force et surtout en lisibilité ».

 

Laurent de Boissieu avec Solenn de Royer

© La Croix, 16/11/2006