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13 mars 2012

Faut-il davantage de protectionnisme?

Je vous invite à lire mon article dans http://www.la-croix.com:

http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/France/Faut-...

14 décembre 2011

L'Europe, cheval de Troie du néolibéralisme?

Voici mon article sur la thématique "libéralisme" dans le dossier de La Croix "Accusée Union europénne, levez-vous!" (présentation ici):

Lire: Une Europe cheval de Troie du néolibéralisme

La Croix

13 décembre 2011

Voitures françaises et allemandes: le carambolage intellectuel de François Bayrou

Tout le monde a vu la séquence du Petit Journal du 12 décembre 2011, où François Bayrou défend le "consommer français", "dans l'automobile en particulier" face au "consommer allemand", avant de repartir en voiture ...allemande.

Contrairement à ce qu'ont pu écrire ou dire mes confrères ou des blogueurs, l'erreur du candidat à l'élection présidentielle n'est pas une erreur de communication (peu importe ici le propriétaire de la voiture) mais une véritable confusion dans sa pensée.

François Bayrou prend en effet bien soin depuis le début de distinguer le "produire en France", qu'il défend, du "produire français", qu'il rejette explicitement.

"Il n'y aura aucune discrimination, d'aucune sorte: ce label ne sera pas réservé aux entreprises françaises. Il sera ouvert à tous les produits pourvu qu'ils soient produits en France", insiste-t-il dans 2012, état d'urgence (Plon, page 87).

Ce n'est pas tout: le 30 novembre 2011, devant la presse, il avait explicité sa conception du "produire en France" en prenant justement l'exemple de l'automobile. François Bayrou avait alors expliqué qu'à ses yeux mieux valait acheter une marque de voiture étrangère produite en France qu'une marque de voiture française produite à l'étranger.

Patatras: en déplacement à Pau, le 10 décembre 2011, le président du MoDem a été victime d'un carambolage intellectuel en défendant tout à coup le "produire français"...

09 décembre 2011

Accusée Union europénne, levez-vous!

Je vous invite vivement à acheter La Croix de ce jour, avec un dossier spécial présentant les arguments "pour" et "contre" l'actuelle construction européenne.

Pour chaque thématique ("démocratie", "libéralisme", "identité", "influence"), un journaliste de La Croix s'est fait accusateur et un autre défendeur.

(j'ai personnellement joué le rôle d'accusateur sur L'Union européenne non démocratique et sur L'Union européenne cheval de Troie du néolibéralisme).

La Croix

15 novembre 2011

La rigueur n'est pas une fatalité pour tous les responsables politiques

1481433971.jpgProposer un autre chemin que la politique de rigueur relève-t-il d'un discours de "doux rêveur", de "démagogue" ou de "populiste"? Non, répond Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République): "L'autre politique, la seule raisonnable, la seule connectée à l'économie réelle consiste au contraire à s'attaquer aux causes profondes de la dette, c'est-à-dire le manque de recettes budgétaires et sociales lié à la mondialisation qui nivelle tout par le bas et, pour la France et les pays du Sud de l'Europe, la politique suicidaire de l'euro cher qui a asphyxié un peu plus nos industries".

"La dette est devenue, pour les tenants de la politique réaliste, ce qu'était le ciel chez les Gaulois: elle pourrait nous tomber sur la tête et bien peu sont ceux qui cherchent à en contrôler la création ou à la faire payer aux plus puissants", poursuit André Bellon, ancien président socialiste de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Dans un récent essai (1), celui qui préside aujourd'hui une "Association pour une constituante" dénonce les élus qui, en lieu et place du mandat octroyé par les citoyens, acceptent un mandat des marchés comme si ceux-ci "étaient des êtres vivants ou, du moins, comme s'ils étaient une force transcendantale à laquelle nul ne peut résister". Ce qui revient à "transférer la souveraineté populaire aux agences de notation", renchérit Jean-Pierre Chevènement (Mouvement républicain et citoyen).

Selon le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, "l'UMP et le PS ont démissionné et sont entrés dans la même logique d'austérité culpabilisatrice de Pierre Laval en 1935", c'est-à-dire une politique de déflation. "Le concours du sang et des larmes repart de plus belle", dénonce parallèlement le socialiste Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), estimant que "l'austérité a fait plus de dégâts en Grèce que la dette".

La même expression de Churchill avait été employée par Marine Le Pen dans une lettre adressée cet été à Christine Lagarde, directrice générale du FMI. "Le projet de redressement que je propose aux Français est en même temps un projet d'espérance, écrit la présidente du Front national. Je ne me résous pas à la rigueur, à la dette, au marasme social et à l'austérité sans fin. Je refuse d'offrir comme seule perspective à mon peuple de la sueur et des larmes."

Comparant le énième plan de rigueur du gouvernement à "une nouvelle saignée pour l'économie française", Jean-Pierre Chevènement entend également offrir un autre horizon que celui "d'une austérité à perpétuité" dans le seul but de conserver la note "triple A" de la France.

Au-delà de l'affirmation que la politique de rigueur n'est pas une fatalité, les alternatives économiques avancées présentent cependant des convergences et des divergences. Tous plaident en faveur de l'abrogation de la loi de 1973 obligeant la France à emprunter sur les marchés financiers, alors qu'auparavant elle pouvait directement emprunter auprès de la Banque de France sans payer d'intérêts ou à un taux bien inférieur à celui des marchés.

Afin de "démondialiser" et de "relocaliser" la production, le protectionnisme est la solution commune, mais Jean-Pierre Chevènement, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan l'envisagent à l'échelon national, là où Jean-Luc Mélenchon (comme Arnaud Montebourg) le propose à l'échelon européen.

Enfin, Jean-Luc Mélenchon souhaite une dévaluation de l'euro, tandis que Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan veulent en sortir. Jean-Pierre Chevènement, lui, laisse les deux portes ouvertes: "Soit on réforme l'architecture de la monnaie unique, soit on ne peut pas car l'Allemagne s'y refuse et alors il faut envisager la mutation de la monnaie unique en une monnaie commune". Rappelant, non sans malice, que cette dernière correspondait à l'option originellement défendue par Pierre Bérégovoy à gauche et Édouard Balladur à droite.

Laurent de Boissieu
La-Croix.com, 09/11/2011

(1) Ceci n'est pas une dictature, Mille et une nuits, 179 pages, 10 €.

27 juillet 2011

"Règle d'or" budgetaire et démocratie

Figer dans le marbre de la Constitution une orientation budgétaire donnée, qui devrait relever du seul choix des urnes, est par définition antidémocratique.

Qu'en est-il de la "règle d'or" que veut constitutionnaliser Nicolas Sarkozy?

Il existe en réalité pas une mais au moins deux "règles d'or" possibles.

Une première consiste à autoriser le recours à l'emprunt pour les dépenses d'investissement et à l'interdire pour les dépenses de fonctionnement (sur le modèle de ce qui existe déjà en France pour les collectivités locales). C'est celle qui existait en Allemagne entre 1969 et 2009. C'est celle qui figurait en 2007 dans le projet présidentiel de Nicolas Sarkozy et dans le programme législatif de l'UMP.

Une deuxième "règle d'or" consiste à interdire tout déséquilibre budgétaire. Ce qui revient de fait à interdire toute politique keynésienne de relance par l'investissement public (de toute façon déjà rendue structurellement quasi-impossible par les engagements européens de la France: un déficit public inférieur à 3% du PIB; mais le niveau actuel de notre déficit public ne le permet conjoncturellement pas non plus). C'est la "règle d'or" adoptée en Allemagne en 2009 (déficit public inférieur à 0,35% du PIB à partir de 2016). C'est, à travers un mécanisme complexe, grosso modo ce que propose aujourd'hui Nicolas Sarkozy.
Si cette "règle d'or" contraignante était inscrite dans la Constitution, les marges de manœuvre des majorités politiques, c'est-à-dire la démocratie, se trouverait encore un peu plus réduite en France.

16 juin 2011

Sondage: 65% des Français pour le protectionnisme

Après le refus (!) d'un premier institut de sondage, c'est finalement l'Ifop qui a réalisé une étude pour l'Association Manifeste pour un débat sur le libre échange:

 

65% des Français
sont pour une politique protectionniste
(c'est-à-dire augmenter les taxes sur les produits importés des pays émergents comme l'Inde et la Chine)

80% des Français
sont pour que ce protectionnisme soit européen
(position soutenue par Emmanuel Todd)
20% des Français
sont pour que ce protectionnisme soit national
(position soutenue par Jacques Sapir)

 

Détail de l'étude

(réalisée du 17 au 19 mai 2011 auprès d'un échantillon représentatif de 1.012 électeurs)

09 juin 2011

Marine Le Pen détaille son protectionnisme national

bp-mlp.jpgMarine Le Pen poursuit par petites touches la présentation détaillée du projet du FN à travers des conférences de presse thématiques. Au menu hier: le "réarmement face à la mondialisation", à travers "un État stratège fer de lance de la réindustrialisation, la conquête de la souveraineté monétaire et la création de protections intelligentes aux frontières". L'objectif affiché "est la création nette de 500 000 emplois dans l'industrie lors du prochain quinquennat, soit 100 000 par an".

Si la défense de la souveraineté nationale et la dénonciation de la mondialisation ou du libre-échangisme sont habituels, la référence à l'"État stratège" marque en revanche, sur le fond, une rupture avec les précédents programmes du FN, qui pourfendaient "l'étatisme". Le concept d'"État-stratège", dont la "planification à la française" mise en place à la Libération est l'expression la plus précise, a été élaborée en 1990 dans une thèse de Pierre Bauby sur "les marxistes et l'État dans la France contemporaine: contribution à une théorie de l'État-stratège".

En ce qui concerne les "protections aux frontière", c'est sur la forme, la plus détaillée et crédible possible, que le nouveau projet du parti d'extrême droite se veut en rupture avec les précédents. Avec un souci de pédagogie, le cœur de l'allocution de la présidente du FN fut ainsi consacré au mécanisme protectionniste d'"écluses douanières". Le but de ce mécanisme est de "rétablir des conditions normales de concurrence quand celle-ci est déloyale, du point de vue social, sanitaire ou environnemental", afin de passer du "libre-échange" au "juste-échange". Il vise donc en particulier les pays émergents, comme la Chine ou l'Inde. Il ne s'appliquerait en revanche pas "vis-à-vis des pays les plus pauvres du monde, africains notamment, parce que ces pays malheureusement n'ont pas les moyens de payer correctement leurs travailleurs et de leur offrir une vraie protection sociale".

Le FN ne détient toutefois pas le monopole de la promotion du protectionnisme et d'un autre commerce mondial, fondé non plus sur l'Organisation mondiale du commerce mais sur la Charte de La Havane, signée en 1948 mais jamais ratifiée par les États-Unis. C'est notamment le cas du Mouvement politique d'éducation populaire (M'PEP), créé par les anciens dirigeants d'ATTAC Jacques Nikonoff et Michèle Dessenne, ou d'Arnaud Montebourg, candidat à la primaire du PS, qui s'inspire comme Marine Le Pen des travaux de l'économiste Jacques Sapir sur la "démondialisation". Sans oublier le projet socialiste 2012, qui parle lui-même d'"écluses" et de "droits de douane au niveau européen sur les produits ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, sanitaire ou environnementale".

Derrière cette apparente convergence se dissimule toutefois de réelles divergences. D'une part, la gauche précise que le produit de ces droits de douane "irait abonder un fonds dont les pays en développement seraient les premiers bénéficiaires", sur le modèle de ce que l'on appelle la "taxe Lauré" (Maurice Lauré, par ailleurs inventeur de la TVA). Tandis que pour l'extrême droite cet argent irait "pour moitié à la réduction des déficits, et pour moitié au financement d'un système de protection sociale et de retraite que nous souhaitons le plus juste et le plus efficace possible".

D'autre part, le FN n'envisage le protectionnisme qu'aux frontières nationales alors que le PS souhaite, comme le sociologue Emmanuel Todd, un protectionnisme aux frontières de l'Union européenne. Une "hypocrisie" aux yeux de Marine Le Pen, puisque cela consiste à vouloir "des droits de douane européens tout en refusant de remettre en cause le traité de Lisbonne, qui interdit formellement ces droits de douane". De toute façon, poursuit-t-elle, "nombre de délocalisations se font à destination des pays d'Europe de l'Est qui sont dans l'Union européenne". Une façon implicite d'avancer que la sortie de l'Union constitue le préalable à toute politique de réindustrialisation.

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 10/06/2011 (version plus longue que celle publiée sur papier)

19 avril 2011

Prime de 1.000 euros, ou comment gâcher une bonne idée

François Baroin (UMP), ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, a annoncé le 13 avril la mise en place d'un "dispositif simple sous forme d'une prime exceptionnelle dont le montant n'est pas encore stabilisé - au moins 1.000 euros - et qui pousserait les entreprises et les secteurs d'activité économiques à négocier pour obtenir une meilleure répartition de cette richesse".

 

La question de la répartition des profits et des responsabilités dans l'entreprise est selon moi fondamentale.

Elle risque malheureusement d'être discréditée par la proposition grotesque de la droite. Comment peut-on en effet sérieusement demander aux entreprises de verser ainsi une prime fixe à ces salariés? Car, pour être crédible, son montant devrait être proportionnel aux bénéfices après paiement des impôts.

Et peu importe le nombre de salariés concernés: c'est une question de philosophie (je n'ai jamais compris l'argument du nombre, que ce soit sur l'intéressement ou sur la loi pour la dignité de la femme et contre le voile intégral).

 

Quoi qu'il en soit, deux principes doivent selon moi régir toute législation en la matière:

- comme tout dispositif relatif à la participation financière, il ne doit pas devenir un substitut à la politique salariale.

- le dispositif doit être obligatoire et non facultatif; dans le système capitaliste, l'entreprise n'a en effet pas pour finalité d'être citoyenne, démocratique ou sociale mais de dégager des bénéfices afin, d'une part, de se développer (réinvestissement) et, d'autre part, de verser des dividendes aux actionnaires: seule la loi peut imposer une autre logique.

11 avril 2011

Le programme économique de Marine Le Pen demeure imprécis

N.B.: version originale de mon article rédigé vendredi et publié, après coupes et réécriture par le permanencier de dimanche, dans La Croix de ce lundi (1).

 

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La présidente du FN s'est entourée d'experts afin de donner de la consistance à son futur projet présidentiel

Opération crédibilisation pour Marine Le Pen: c'est devant des journalistes économiques et non des journalistes politiques que la présidente du FN a tenu à présenter, vendredi, les grandes lignes de son programme économique lors d'un "petit-déjeuner de travail" (aucun journaliste économique de La Croix n'avait été convié). Plusieurs propositions n'étaient cependant pas nouvelles. À commencer par celles déjà présentées en février dernier sur l'immigration (lire  La Croix du 22 février) ou en décembre 2010 sur la "sortie de l'euro" avec une parité "1 euro = 1 franc" et une "dévaluation prévisible de l'ordre de 20 à 25% du Franc".

Parmi les nouveautés, Marine Le Pen n'est toutefois pas entrée dans le détail en ce qui concerne le "protectionnisme raisonné" ou la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Cette dernière mesure est également proposée par le PS, mais ses modalités de mise en œuvre en changent radicalement la nature, du taux unique imaginé par les ultralibéraux aux taux progressifs qui fondent en France l'impôt républicain. Unique mesure précise: le rétablissement de l'échelle mobile des salaires, c'est-à-dire l'indexation des salaires sur l'inflation.

Sur les questions économiques, Marine Le Pen est épaulée par une poignée d'experts. Le seul impliqué dans l'appareil du FN est Jean-Richard Sultzer, puisque ce professeur à l'université Paris-Dauphine est membre du bureau politique du parti et conseiller régional du Nord-Pas de Calais. Parmi les autres experts, certains ont déjà publiquement participé l'année dernière aux travaux du conseil scientifique du FN, notamment Nicolas Pavillon (économiste) et Jean Roux (expert en comptabilité nationale et publique). D'autres, en revanche, sont de hauts fonctionnaires qui souhaitent conserver l'anonymat. C'est le cas de celui qui devrait être nommé directeur de cabinet de Marine Le Pen, un diplômé d'HEC et ancien élève de l'ENA qui aura trente ans cette année et travaille à Bercy.

Les uns et les autres sont les artisans de la mutation idéologique en cours au FN: alors que le parti d'extrême droite défendait auparavant une ligne économique libérale, anti-fiscaliste et anti-étatiste, il récupère aujourd'hui les thèses de ceux qui plaident depuis le milieu des années quatre-vingt en faveur d'une "autre politique", dénonçant le franc puis l'euro forts, le désengagement industriel de l'État ou encore la libéralisation des services publics.

L'un des experts de Marine Le Pen, Jean Roux (ancien du PS), est parallèlement membre du bureau national du Rassemblement pour l'indépendance de la France. Ce dernier parti a été fondé par Paul-Marie Coûteaux, qui travailla successivement avec les deux grandes figures politiques de cette mouvance: Jean-Pierre Chevènement à gauche et Philippe Séguin (décédé en 2010) à droite. Quant au futur directeur de cabinet de la présidente du FN, il avait soutenu Jean-Pierre Chevènement en 2002 et a rencontré Marine Le Pen en 2009 au cours d'un dîner chez un intellectuel de cette mouvance.

La récupération de ces thématiques par l'extrême droite est facilitée par la commune opposition à l'Union européenne. Le FN par nationalisme. Les "républicains des deux rives" comme conséquence d'une réflexion sur la "res publica" (bien public), la démocratie ou la politique économique et monétaire. Il n'empêche, les économistes dont Marine Le Pen ou ses experts utilisent les travaux ne se reconnaissent pas forcément dans les solutions lepénistes. L'un d'eux, Jacques Sapir, a ainsi analysé point par point, dans une tribune publiée en février sur le site Marianne2, le "plan en douze points détaillés" du FN pour "sortir de l'euro". "En l'état, ce programme ne constitue pas une véritable alternative, ce qui bien entendu ne veut pas dire qu'une telle alternative ne soit pas possible", y concluait ce directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.

Laurent de Boissieu

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(1) Version publiée dans La Croix du 11/04/2011:

Le FN maintient le flou sur son programme économique

Marine Le Pen s’entoure d’économistes dont certains viennent de la gauche, afin de donner de la consistance à son projet présidentiel

C'est devant des journalistes économiques et non politiques que Marine Le Pen, présidente du Front national, avait tenu à présenter, vendredi, les grandes lignes de son programme économique lors d'un "petit déjeuner de travail" . Une opération de crédibilisation pour le moins troublante. certains médias – dont La Croix – avaient été tenus à l'écart de la séance au cours de laquelle plusieurs intervenants "experts" du Front national n'ont pas révélé leur identité. Sur le fond, la réunion n'a par ailleurs guère apporté de révélation. Les principales propositions avaient déjà été présentées, comme celle sur l'immigration (lire La croix du 22 février) ou, dès décembre, l'idée de la "sortie de l'euro" avec une parité "1 euro = 1 franc" et une "dévaluation prévisible de l'ordre de 20 à 25%".
Au registre des nouveautés, Marine Le Pen n'est pas entrée dans le détail en ce qui concerne le protectionnisme ou la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Cette dernière mesure est également proposée par le PS, mais ses modalités de mise en œuvre en changent radicalement la nature, du taux unique imaginé par les ultralibéraux aux taux progressifs qui fondent en France l'impôt républicain. Seule mesure précise: le rétablissement de l'échelle mobile des salaires, c'est-à-dire l'indexation des salaires sur l'inflation.
Sur toutes ces questions, Marine Le Pen est épaulée par une poignée d'experts. Le seul impliqué dans l'appareil du Fn est Jean-richard Sultzer, professeur à l'université Paris-Dauphine, membre du bureau politique du parti et conseiller régional de nord-Pas de calais. Parmi les autres, certains ont déjà publiquement participé l'année dernière aux travaux du conseil scientifique du FN, notamment Nicolas Pavillon (économiste) et Jean Roux (expert en comptabilité publique). D'autres, en revanche, sont de hauts fonctionnaires qui souhaitent conserver l'anonymat. C'est le cas de celui qui devrait être nommé directeur de cabinet de Marine Le Pen. Ce trentenaire se présente comme diplômé d'HEC, ancien élève de l'ENA et fonctionnaire à Bercy*.
Les uns et les autres sont les artisans de la mutation idéologique en cours au FN: alors que le parti d'extrême droite défendait auparavant une ligne économique libérale, anti-fiscaliste et anti-étatiste, il récupère aujourd'hui les thèses de ceux qui plaident depuis le milieu des années 1980 en faveur d'une "autre politique", dénonçant le franc puis l'euro forts, le désengagement industriel de l'État ou la libéralisation des services publics.
La récupération de ces thématiques par l'extrême droite est facilitée par la présence de personnalités venues de la gauche. Jean roux est un ancien du PS. Le futur directeur de cabinet de la présidente du FN dit avoir soutenu Jean-Pierre chevènement en 2002 avant de rencontrer Marine Le Pen en 2009*. Les économistes dont le FN utilise les travaux ne se reconnaissent toutefois pas forcément dans les solutions lepénistes. L'un d'eux, Jacques Sapir, a ainsi analysé, dans une tribune publiée en février sur le site Marianne2, le "plan en douze points détaillés" du Fn pour sortir de l'euro. "En l'état, ce programme ne constitue pas une véritable alternative, ce qui bien entendu ne veut pas dire qu'une telle alternative ne soit pas possible", y concluait ce directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.

Laurent de Boissieu
La Croix, 11/04/2011

*Ce n'est pas lui qui "se présente comme diplômé d'HEC, ancien élève de l'ENA" ou qui "dit avoir soutenu Jean-Pierre chevènement en 2002 avant de rencontrer Marine Le Pen en 2009", c'est une enquête personnelle qui me permet de l'écrire; l'intéressé prétend en effet avoir "envoyé un mail et [son] CV à l'adresse qui figure sur le site Internet du Front" puis avoir rencontré "Marine à la terrasse d'un café" (Le Parisien, 08.04.2011).